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tions, pour détruire en elle un certain fond de fuffifance & d'amour-propre qui étoit mêlé avec de grandes qua lités. Agnès fit pendant ce temps-là de grands progrès; & fa fœur reconnut en elle tant de vertus & tant de mérite, qu'elle la fit Maitreffe des Novices, lorfqu'elle n'étoit encore elle-même que novice. En 1612, Agnès fit profeffion entre les mains de fa fœur Angélique. Ce fut fa premiere conquête dans fa famille mais elle n'en demeura pas là: deux de fes fœurs firent profeffion entre fes mains, fa four Marie-Claire, & fa fœur Anne-Eugénie. Et dans la fuite les deux qui reftoient firent la même chofe; l'une étoit fa fœur aînée Madame le Maître, qui étant devenue veuve, fe fit Religieufe fous la conduite de fa fœur.

Plufieurs maisons admirerent la réforme de Port-Royal, & réfolurent de l'embraffer. Mais on crut par-tout qu'on ne pouvoit réuffir dans une fi fainte entreprise fans le fecours de l'Abbeffe de Port-Royal. Elle eut ordre du Général de fe tranfporter dans la plupart de ces maifons, & d'envoyer de fes Religieufes dans tous les couvens où elle ne pourroit aller elle-même. Elle

alla à Maubuiffon, au Lys, à SaintAubin, pendant que la Mere Agnès fa fœur & d'autres de fes Religieufes alloient à Saint-Cyr, à Gomerfontaine à Tard, aux Ifles d'Auxerre & ailleurs. Toutes ces maifons regardoient l'Abbeffe & les Religieufes de Port-Royal comme des Anges envoyés du Ciel pour le rétabliffement de la difcipline. Plufieurs Abbeffes crurent devoir paffer des années entieres à Port-Royal pour s'y inftruire des faintes maximes qui s'y pratiquoient. Il y eut aufli un grand nombre d'Abbayes d'hommes qui fe réformerent fur ce modele. De forte qu'on peut dire avec vérité que la maifon de Port-Royal fut une fource de bénédictions pour tout l'Ordre de Cîteaux, où l'on commença à voir revivre l'efprit de faint Benoît & de faint Bernard, qui y étoit presque entiérement

éteint.

Le monaftere où la Mere Angélique rencontra le plus de relâchement fut l'Abbaye de Maubuiffon. L'Abbé de Citeaux la fit partir le 19 Février 1618 pour y aller établir la réforme. Il venoit de faire enlever Madame d'Eftrées qui en étoit Abbeffe, & qui y menoit depuis plufieurs années une vie toute

y

fcandaleufe. La Mere Angélique y trouva vingt-deux Religieufes qui n'en avoient gueres que l'habit. Leur ignorance étoit extrême. L'office du Chœur étoit célébré avec une précipitation indécente, pour avoir plus de temps à donner aux compagnies du dehors qui étoient fréquentes. On y jouoit; on y donnoit la collation on alloit quelquefois faire des promenades en dehors, où les Religieux de Saint-Martin de Pontoife fe rendoient & danfoient avec elles fur l'herbe. Voilà quel étoit l'ouvrage qui attendoit la Mere Angélique. Elle ne s'en effraya pas, quoiqu'elle en comprît toute la difficulté: elle s'arma d'un faint courage; & elle tâcha d'en infpirer un pareil à trois compagnes qu'elle avoit emmenées avec elle, dont étoit fa fœur Marie-Claire. Elle leur dit qu'il ne s'agiffoit de rien moins que de facrifier pour cette œuvre & fa fanté & fa vie. Ces filles fuivirent cette exhortation à la lettre car elles fe livrerent au travail & à la pénitence avec tant d'ardeur, que leur fanté en fouffrit beaucoup.

La clôture fut le premier pas de la réforme. La Mere Angélique obtint la permiffion de recevoir des novices:

c'étoient de nouveaux fujets qu'elle for ma pour faire face aux anciens. L'office du Choeur, le chant, le travail, le filence, l'amour & la pratique de la pauvreté, les mortifications, tout excita fon zele. Elle donnoit ellemême l'exemple: elle étoit la premiere à balayer, à porter le bois, à laver la vaiffelle, à farcler au jardin ; elle animoit fa petite famille dans ces travaux pénibles par des paroles d'édification. Le fervice de la maifon fe faifoit fans bruit & fans diftraction. Les anciennes étoient fervies à point nom> mé, quoique très-difficiles & exigeant beaucoup de chofes. La regle qu'elle introduifit pour le manger alloit audelà de la frugalité; & les jeûnes de l'Ordre étoient exactement obfervés. Tous ces points de réforme s'exécuterent entre la Mere & fes trois compagnes, dès l'année 1618. Le Réformatrice n'avoit encore que vingt-sept

ans.

En 1619, après Pâques, S. François-deSaies, Evêque de Geneve, paflant par Maubuiffon, y fejourna à la priere de M. de Bonneuil, Introducteur des Ambaffadeurs, qui l'avoit prié de donner la Confirmation à fa fille qui étoit entre

les mains de la Mere Angélique. La Mere Angélique vit S. François pour la premiere fois, & il fe lia entre eux une amitié qui dura toute la vie du faint Evêque, qui voulut même que la Mere de Chantal, fa coopératrice dans l'établiffement de l'Institut de la Vifitation de fainte Marie, fût affociée à cette union. De fon côté la Mere Angélique procura auffi à M. Arnauld fon pere & à toute fa famille la connoiffance de ce faint Prélat. Il fit un voyage à Port-Royal pour y voir la Mere Agnès de Saint Paul, fœur de cette Abbefle. Il alloit voir très-fouvent M. Arnauld leur pere & M. d'Andilly leur frere à Paris & à leur maison de campagne, charmé de fe trouver dans une famille fi pleine de vertu & de piété. La derniere fois qu'il les vit, il donna fa bénédiction à tous leurs enfans, & entre autres au célebre M. Arnauld, Docteur de Sorbonne, qui n'avoit alors que dix ans. La Mere de Chantal vécut encore vingt ans depuis qu'elle eut connu la Mere Angélique. Elle ne faifoit point de voyage à Paris, qu'elle n'allât paffer plufieurs jours de fuite avec elle, verfant dans fon fein fes plus fecretes penfées, & defirant

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