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inftitut. Tantôt il vouloit que ces filles portaffent un habit extrêmement pauvre; tantôt il vouloit qu'elles en portaffent un qui eût quelque chofe d'augufte & de magnifique. Ce Prélat & la Ducheffe de Longueville prierent Ja Mere Angélique de vouloir bien les aider à former cet inftitut, même d'en accepter la direction en leur donnant quelques-unes de fes Religieufes pour en commencer avec elle l'établiffement. La Mere Angélique s'y prêta volontiers: mais voyant les incertitudes du Prélat dans toutes fes opérations, elle eut un fecret preffentiment que cet Ordre ne feroient pas de longue durée. La bulle étant arrivée, où elle étoit nommée Supérieure, & où il étoit ordonné que ce feroient des Religieufes tirées de Port-Royal qui en commenceroient l'établiffement, elle fe mit en devoir d'obéir. Le 9 Mai 1633 elle entra avec trois de fes Religieufes & quatre Poftulantes dans la maifon deftinée pour cet inftitut. Cette maifon étoit dans la rue Coquilliere, Paroiffe faint Euftache; & le SaintSacrement y fut mis avec beaucoup de folemnité. Bientôt après on y recur des Novices, & ce fut l'Archevêque

de Paris qui leur donna le voile. Ce Prélat, l'Archevêque de Sens & IEvêque de Langres étoient défignés Supérieurs dans la Bulle.

La Mere Angélique eut, dans ces commencemens, bien des peines à effuyer. Son principal chagrin étoit de 'voir que l'Evêque de Langres étoit prefque toujours en différend avec l'Archevêque de Sens, qui ne pouvoit compatir avec lui. Leur défunion éclata fur-tout à l'occafion du Chape'et fecret du Saint Sacrement. Cette affaire fir alors grand bruit; & depuis, les ennemis de Port Royal ont voulu s'en prévaloir contre ce monaftere. Ce Chapelet fecret n'étoit cependant qu'un petit écrit de trois ou quatre pages, contenant des penfées affectueufes fur le myftere de l'Euchariftie; ou, pour mieux dire, c'étoient des élans d'une ame toute pénétrée de l'amour de Dieu, dans la contemplation de fa charité infinie pour les hommes dans ce myf tere. La Mere Agnès, de qui étoient ces penfécs, ne comptoit nullement les rendre publiques. Elle en avoit feulement rendu compte au Pere de Gon dren, foh Confeffeur, depuis Général de l'Oratoire, qui, pour fa propre

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édification, lui avoit ordonné de les mettre par écrit. Il en tomba une copie entre les mains d'une fainte Carmélite. Cette fille étant morte un mois après, on trouva cet écrit fur elle. On fut qu'il étoit de la Mere Agnès. L'Evêque de Langres le trouva merveilleux & en parla avec de grands fentimens d'admiration. L'Archevêque de Sens en fut touché d'abord, puis tout à coup il s'en dégoûta, & le donna à examiner à quelques Docteurs, qui, jugeant à la rigueur certaines expreffions, le condamnerent. D'autres Docteurs confultés par l'Evêque de Langres l'approuverent avec éloge, tellement que les efprits venant à s'échauffer, & chacun écri vant pour dire fon avis, la chofe fut portée à Rome, Le Pape ne trouva dans l'écrit aucune propofition digne de cenfure; mais, pour le bien de la paix, & parce que ces matieres n'étoient pas à la portée de tout le monde, il jugea à propos de le fupprimer.

Entre les Théologiens qui avoient écrit pour le foutenir, M. du Verger de Hauranne, Abbé de Saint-Cyran, avoit fait admirer la pénétration de fon efprit & la profondeur de fa doctrine. Il n'avoit point mis fon nom à fon

ouvrage, non plus qu'à fes autres livres; mais l'Evêque de Langres ayant fu que c'étoit de lui, l'alla chercher pour le remercier. A mefure qu'il le connut plus particuliérement, il fut épris de fa rare piété & de fes grandes lumieres: & comme il n'avoit rien plus à cœur que de porter les Filles du Saint-Sacrement à la plus haute perfection, il jugea que perfonne ne pouvoit mieux l'aider dans ce deffein que ce grand ferviteur de Dieu. Il le con jura donc de le feconder en leur faifant des exhortations, & même en les confeffant. L'Abbé lui réfifta longtemps. Enfin, néanmoins les inftances réitérées de l'Evêque lui paroiffant comme un ordre de Dieu de fervir ces Filles, il s'y réfolut.

Toutes ces Filles firent en peu de temps, fous fa conduite, un tel progrès dans la perfection, que l'Evêque de Langres ne ceffoit de remercier Dieu du Confeffeur qu'il lui avoit infpiré de leur donner. Dans le raviffement où il étoit, il propofa plufieurs fois à l'Abbé de fouffrir qu'il travaillât à le faire nommer fon Coadjuteur à l'Evêché de Langres; & fur fon refus il le preffa de vouloir être au moins fon

Directeur. Mais l'Abbé le pria de l'en difpenfer, lui faifant entendre qu'ils pourroient bien ne pas être d'accord fur bien des chofes; & avec la fincérité qui lui étoit naturelle, il ne put s'empêcher de toucher au Prélat quelque chofe de la réfidence & de l'obligation où il étoit de ne pas faire de fi longs féjours hors de fon Diocese. L'Evêque étoit de ces gens, qui, avec de la piété, n'entendent pas volontiers des vérités qu'ils ne fe fentent pas difpofés à pratiquer. Cela commença un peu à le refroidir pour l'Abbé de SaintCyran. Bientôt après il s'apperçut que les Filles du Saint-Sacrement n'avoient pas pour lui la même déférence qu'elles avoient pour cet Abbé : en un mot, cet efprit foible entra contre l'Abbé dans une fi furieufe jaloufie, qu'il ne pouvoit plus le fouffrir. M. de SaintCyran fit d'abord tout ce qu'il put pour guérir l'Evêque de fes défiances; mais voyant que le Prélat s'aigriffoit de plus en plus, il ceffa lui-même d'aller au monaftere du Saint-Sacrement. Cette difcrétion ne fervit qu'à irriter cet efprit malade, honteux qu'on fe fût apperçu de fa foibleffe: tellement qu'il vint à fe dégoûter même de fon inf

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