luftre prifonnier arriva à Port-Royal le même jour, conduit par M. d'Andilly, qui avoit été le prendre à Vincennes, & l'avoit prié de defcendre tout de fuite à Port-Royal avant d'aller à fon logis. M. de Saint-Cyran ne furvécut pas long-temps à fa délivrance : il mourut le 11 Octobre de la même année, huit mois après fa fortie du donjon de Vincennes; & fes funérailles furent honorées de la présence de tout ce qu'il y avoit alors à Paris de Prélats plus confidérables, & de beaucoup de perfonnes de distinction. A peine eut-il les yeux fermés, que les Jéfuites publierent une infinité de nouvelles invectives contre fa mémoire, faifant imprimer entre autres de prétendus interrogatoires qu'ils avoient tronqués & falfifiés. Et quoiqu'il eût reçu avec une extrême piété le Viatique des mains du Curé de faint Jacques-du-Haut-pas, & que la Gazette même en eût informé tout le public, ils n'en furent pas moins hardis à publier qu'il étoit mort fans vouloir recevoir fes Sacremens. C'eft ainfi que la calomnie s'eft déchaînée contre ce digne Abbé, qui a tant contribué par fes inftructions & par fes exem C ples à la fainteté du monaftere de Port-Royal. Dès 1636 la Mere Angélique, excédée de peines de voir les Supérieurs & les Directeurs des Filles du SaintSacrement toujours en méfintelligence, prit le parti de fe faire fubftituer une autre Supérieure. Le 10 Février, l'Archevêque de Paris, à fa priere, y fit conduire, par un de fes Grands-Vicaires, la Mere Genevieve, alors Abbeffe de Port- Royal, qui y prit fa place pour elle, elle s'en retourna à fon cher Port-Royal. : En 1637, les Filles du Saint-Sacrement perdirent la Ducheffe de Longueville, leur fondatrice, qui mourut avant que d'avoir pu laiffer aucun fonds pour leur fubfiftance, Se voyant dénuées de toute protection par cette mort & par l'abandon de l'Evêque de Langres, & d'ailleurs fort incommodées dans la maifon où elles étoient, fans espérance de pouvoir s'y agrandir, ces Filles fe retirerent à Port-Royal, Ce fut en cette année que s'établit dans les dehors du monaftere une fociété de Solitaires. En 1641, la Mere Angélique perdit fa mere, qui après avoir paflé 52 ans dans le monde avec édification, acheva fa carriere à Port-Royal fous la conduite de fa fille. Elle avoit été mariée à l'âge de douze ans au célebre Avocat M. Arnauld. Elle eut fon premier enfant à l'âge de quinze ans. Elle en a eu vingt, dont M. Arnauld le Docteur fut le dernier, lorfqu'elle avoit trenteneuf ans. Elle mourut le 28 Février, âgée de foixante-huit ans, ayant été fille douze ans, mariée trente-quatre, veuve fix, & Religieufe feize. La Mere Angélique, qui s'étoit démise de fon Abbaye titulaire en 1630, pour la rendre élective & triennale, fut élue elle-même en 1642, & demeura douze ans en place. En 1643 parut le Livre de la Fréquente Communion du célebre M. Arnauld le Docteur, muni des approbations de vingt-quatre Docteurs de Sorbonne & de feize Prélats. Cette même année commença ce qu'on appelle les Ecoles de Port-Royal. C'étoit une petite poignée de jeunes enfans qu'on y avoit affemblés pour leur donner une éducation chrétienne. En 1644, Madame le Maître, devenue veuve, fe fit Religieufe à PortRoyal, fous la conduite de fa fœur cadette, la Mere Angélique. En 1646, le bâtiment de l'Eglife de Port-Royal de Paris fut commencé. Alors les Religieufes de ce monaftere, qui avoient toujours eu un grand défir de fe confacrer à l'adoration perpétuelle du Saint-Sacrement, folliciterent auprès des Puiffances pour relever cet inftitut qui étoit abandonné, & qu'il fembloit que Dieu même eût voulu leur réserver. Henri Arnauld, alors Abbé de Saint-Nicolas d'Angers, étant à Rome pour les affaires du Roi, fut prié de s'entremettre pour elles auprès du Pape, qui leur accorda volontiers, par un Bref, le changement qu'elles demandoient. Mais l'affaire fouffrit plufieurs difficultés à Paris, à caufe de quelques intérêts temporels qu'il falloit accommoder. Enfin, tous les obstacles furent levés : le Roi donna fes Lettres; l'Archevêque fon confentement; & elles fe dévouerent avec une joie incroyable à l'adoration perpétuelle du mystere augufte de l'Euchariftie, & prirent le nom de Filles du Saint-Sacrement. Mais elles ne quitterent pas l'habit de faint Bernard: elles changerent feulement leur fcapulaire noir en un fcapulaire blanc, où il y avoit une croix d'écarlate attachée par devant, pour défigner par ces deux couleurs le pain & le vin, qui font les voiles fous lefquels Jefus - Christ eft caché dans ce myftere. M. du Sauffay, leur Supérieur, célébra cette cérémonie en 1647 avec une grande folemnité & un grand concours de peuple. L'année fuivante M. Gondi bénit leur Eglife, dont le bâtiment ne faifoit que d'être achevé, & la dédia auffi fous le nom du Saint Sacrement. Pendant cet état floriffant de la maifon de Paris, la Mere Angélique ne perdoit pas de vue fon monaftere chéri de Port-Royal des Champs. Le tumulte de la ville, les fréquentes vifites, les liaisons avec des perfonnes de condition, lui étoient à charge. D'ailleurs, M. de Saint-Cyran lui avoit donné du fcrupule d'avoir abandonné, fans une vraie néceffité, un lieu faint où Dieu étoit adoré, & d'avoir tiré fa Communauté d'une campagne où les Maifons Religieufes font toujours mieux placées pour conferver l'efprit de pauvreté & la féparation du monde. La Mere Angélique avoit été fi bien convaincue de ces raifons, qu'elle n'avoit jamais voulu fe lier de maniere |