Imágenes de páginas
PDF
EPUB

q'uelle ne pût retourner aux champs. En quittant ce lieu, on n'y avoit laiffé qu'un Chapelain pour y dire la Mefle & y adminiftrer les Sacremens aux domestiques. Mais dès l'année 1637, une fociété édifiante de Solitaires y avoit pris naiffance. M. le Maître, neveu de la Mere Angélique, ayant, à l'âge de vingt-neuf ans, renoncé au Barreau & à tous les avantages que fa grande éloquence pouvoit lui procurer, s'étoit retiré dans ce défert pour y paffer fa vie dans le filence & dans la retraite. Il y fut fuivi par M. de Séricourt, un de fes freres, qui avoit été jufqu'alors dans la profeffior. des armes. Quelque temps après, M. de Sacy, fon autre frere, fi célebre par les Livres de piété dont il a enrichi l'Eglife, s'y retira auffi pour fe préparer dans la folitude à recevoir l'Ordre de la Prêtrife. Leur exemple y en attira encore d'autres, tant Séculiers qu'Eccléfiaftiques, qui, étant comme eux, dégoûtés du monde, fe rendirent les compagnons de leur pénitence. Mais ce n'étoit point une pénitence oifive pendant que les uns prenoient connoiffance du temporel de cette Abbaye, & travailloient à en ré

:

tablir les affaires, les autres ne dédai-. gnoient pas de cultiver la terre comme des gens de journée. Ils réparerent même une partie des bâtimens qui y tomboient en ruine; & rehauffant ceux qui étoient trop bas & trop enfoncés, ils rendirent l'habitation de ce défert plus faine & plus commode qu'elle n'étoit. M. d'Andilly, frere aîné de la Mere Angélique, fe joignit à fes neveux & à M. de Luzanci fon fils, qui l'y avoit devancé. M. Pallu, Médecin, converti par la lecture du livre de la Fréquente Communion, fit bâtir, au milieu des jardins, un logis; & là, il confacra fa vie & fon art au fervice des pauvres malades du pays. M. de la Pétitiere, Gentilhomme eftimé la meilleure épée de France, apprit le métier de Cordonnier & fut à Port-Royal, où il paffa fa vie à faire des fouliers & à vivre dans la pénitence. M. de Pontis, vieux Guerrier, courbé fous le poids des années, s'y retira, & s'occupa à défricher des terres. M. Girout de Beffé, Officier, fe fit valet à Port-Royal pour fervir les Eccléfiaftiques & les hôtes. M. Gibron, Capitaine, devint cuifinier des gens de la ferme. M. de Pont-Châ

teau, en 1668, s'établit à la ferme des Granges fous l'habit & la qualité de jardinier. Enfin, beaucoup d'autres attirés par tant d'illuftres exemples n'ont point rougi de s'y fixer pour le fervice des Religieufes, & pour fe confacrer à la pénitence & à l'exercice de toutes les vertus. Je finis ici cette digreffion pour reprendre le fil de mon Hiftoire.

En 1647, la Mere Angélique penfa qu'il étoit temps de réparer la faute qu'elle fe reprochoit d'avoir quitté PortRoyal des Champs. Comme le nombre des Religieufes croiffoit de jour en jour, & qu'elles fe trouvoient alors plus de cent, la même raifon qui plus de vingt ans auparavant l'avoit obligée de partager fa Communauté, la mit dans la même obligation. Elle expofa cette raifon à M. de Gondi, & en obtint la permiffion de renvoyer une partie des Religieufes dans le monaftere des Champs, en forte que les deux maifons ne formaffent qu'une même Abbaye & une même Communauté, fous les ordres d'une même Abbeffe. Alors elle donna les ordres néceffaires pour que les lieux fe trouvaflent prêts à les recevoir ; & le 13 Mai 1648, après avoir

vu l'Eglife de Paris achevée & bénite, après avoir reçu la bénédiction du Cardinal de Retz, Coadjuteur de Paris, la Mere Angélique partit avec fept Religieufes de Chœur & deux Converfes. Les cloches annoncerent leur arrivée. Une troupe de pauvres des environs fe trouva dans la cour de l'Abbaye; de vieilles femmes qui avoient vu autrefois la Mere Angélique, se jettoient à fes pieds & à fon cou, l'appellant leur mere nourriciere, & lui témoignant la joie qu'elles avoient de la revoir. Elle, fans dédain de leur ma-lpropreté, les embraffoit avec tendrefle. Plus loin, tout près de l'Eglife, étoient les Solitaires qui habitoient la maifon depuis plufieurs années : ils fe préfenterent devant elle, un des EccléGaftiques portant la Croix. Les Religieufes entrerent dans l'Eglife; les Solitaires fuivirent, & le Te Deum fut chanté. Ces Meffieurs, qui jufques-là avoient occupé les logis des Religieufes, s'étoient établis dans un lieu qu'on appelloit les Granges, & qui étoit tout près fur la hauteur.

Les Religieufes trouverent leur Eglife rehauffée de plus de fix pieds. M. Via-, lart, Evêque de Châlons, la rebénit

&

[ocr errors]

y adminiftra le Sacrement de Confirmation à quantité de gens des environs. Vers le même temps, la Ducheffe de Luynes, Dame d'une grande piété, perfuada au Duc fon mari, de quitter la Cour, & de choir à la campagne une retraite où ils puffent ne s'occuper tous deux que du foin de leur falut. Ils firent bâtir pour cela un pétit château dans le voisinage & fur le fonds même de Port Royal des Champs, qu'on appella Vaumurier. Ils firent auffi bâtir à leurs dépens un fort beau dortoir pour les Religieufes. Mais la pieufe Ducheffe ne vit achever ni l'un ni l'autre de ces édifices, Dieu l'ayant appellée à lui trois ans après, âgée de 27 ans.

[ocr errors]

Sur la fin de cette année 1648, il arriva à Paris une fédition populaire, fufcitée par le parti des Frondeurs, & qui occafionna une guerre civile. Cette guerre, ainfi que celle qui fuivit de près, donna lieu à la grande charité de la Mere Angélique. Nonfeulement elle ouvrit les parloirs que fon amour pour le filence aimoit à tenir fermés; mais elle ouvrit même les portes du couvent. C'étoit au commencement de 1649. Elle reçut dans

« AnteriorContinuar »