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de la Purification de la fainte Vierge en étoit exceptée, à cause du Carnaval, pendant lequel on faifoit des mafcarades. C'eft la Mere Angélique qui rend elle-même témoignage de ces chofes. Les Religieufes portoient du linge empefé, laiffoient paroître des cheveux bien foignés, portoient des gants, des mafques à la maniere des Dames de ce temps-là.Tel étoit l'état de la maifon, lorfque la Mere Angélique Arnauld y entra avec le titre de Coadjutrice, puis d'Abbeffe, dans un âge & par des voies qui affurément n'auroient pas fait efpérer que Dieu voulût fe fervir d'elle pour rétablir la Regle dans cette Abbaye.

Monfieur Marion, Avocat-général, qui avoit matié fa fille à M. Arnauld, célebre Avocat du Parlement, obtint du Roi Henri IV, les Abbayes de Port-Royal & de faint-Cyr, pour fes deux petites-filles, Jacqueline Arnauld qui eft la Mere Angélique, & Jeanne Arnauld qui eft la Mere Agnès. L'Abbeffe de Port-Royal vivant encore, Jacqueline l'aînée ne fut d'abord que Coadjutrice; & Jeanne fut nommée Abbeffe de Saint-Cyr. Jacqueline née le 8 Septembre 1591, n'avoit que

huit ans, & Jeanne n'en avoit que fix, & toutes deux furent nommées en 1599. Une irrégularité qui n'étoit déja que trop commune en ce tempslà, n'en demeura pas à la fimple nomination: la prife d'habit de l'aînée fe fit tout de fuite à l'Abbaye de faint Antoine de Paris, avec une grande folemnité, le 2 Septembre de cette même année.

Six femaines après on la retira de faint Antoine, &`on la mit à faintCyr avec fa fœur, pour y être élevées enfemble. Les deux petites Abbeffes fe firent aimer de toute la maifon. Elles s'aimoient auffi beaucoup l'une l'autre. Cela n'empêchoit pas qu'elles n'euffent quelquefois enfemble de petites querelles d'enfant. Un jour la cadette dit à fa fœur aînée qu'elle n'avoit que faire d'elle dans fa maifon, qu'elle fauroit bien l'en chaffer quand il lui plairoit.

On retira l'aînée de faint-Cyr au bout d'un an, & on la mena à Maubuisson où elle fit profeffion entre les mains d'un Abbé de Cîteaux. Pour tromper la Cour de Rome, on lui fit prendre le nom d'Angélique, parce qu'on lui avoit refufé fes bulles fous le nom de

1600,

1602.

Jacqueline, à caufe qu'elle n'étoit que novice; & on la dit auffi âgée de dixfept ans. Elle demeura à Maubuisson près de deux ans. L'Abbeffe dont elle étoit Coadjutrice étant morte, on la mena à Port-Royal où elle fut bénite par l'Abbé de Cîteaux, ayant à peine onze ans accomplis. Le même jour elle fit fa premiere communion, fans avoir reçu aucune inftruction convenable. Il arriva feulement par hafard qu'un pauvre Savetier voifin du couvent, lui donna un petit livre de prieres qu'elle fe mit à lire tout le temps qui pré→ céda la communion. Elle le fit avec tart d'attention, qu'elle ne remarqua pas même ce qui fe paffoit dans l'Eglife qui étoit pleine de monde & de mouvement. Elle a dit elle-même qu'elle fentit dans cette premiere communion une impreffion très-vive de la préfence de Dieu, nonobftant fon peu d'inftruction.

Avant d'être bénite, la Sœur de S. Paul Goulas fit profeffion entre fes mains. Tout le monde qui affifta à læ cérémonie, admira la gravité avec la quelle cette petite Abbeffe de onze ans conduifoit une novice de dix-fept, & qui étoit fort grande.

Henri IV alla un jour à Port-Royal à l'occafion d'une chaffe qu'il faifoit aux environs, parce qu'il avoit appris que M. Arnauld, qu'il eftimoit beaucoup, étoit alors dans la maison. Sa Majefté fut très-contente de la réception que lui fit la petite Abbeffe avec toute fa communauté, la croix à la tête. Le lendemain le Roi paffoit encore par les hauteurs de Port Royal, & appercevant des Religieufes aux fenêtres qui donnent fur le jardin, il cria: Le Roi baife les mains à Madame l'AbbeДle.

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Quelques années fe pafferent pendant lefquelles la jeune Abbesse ne fongeoit qu'à fe divertir comme un enfant de fon âge. La Mere Prieure gouvernoit la maifon. Cependant Madame Arnauld avoit quelqu'inquiétude fur fa fille. Sa follicitude maternelle & chrétienne l'obligeoit à aller fouvent au monaftere fans être attendue. Elle eut la fatisfaction de ne furprendre jamais fa fille en rien qui pût lui déplaire du côté des mœurs. Mais la jeune Abbeffe, quoiqu'affez fage pour fon âge, n'étoit pas dévote. Sa vie étoit une vie de diffipation, d'amufemens, de promenades qu'elle faifoit fouvent en dehors

elle aimoit la lecture des Romans, & étoit peu fcrupuleufe pour la récitation de fon Bréviaire. On ne laiffoit pas de remarquer en elle de bonnes inclinations; & on voyoit qu'elle avoit déja dans le cœur l'eftime & l'amour de l'ordre. Les Sacriftines un jour ayant coutume de fortir de l'Eglife pour plier le linge de l'Autel, lierent conver fation dans le dehors avec les Religieufes de la maison. La jeune Angélique en fut avertie. Elle fut elle-même fermer la porte à la clef, afin qu'elles ne puffent pas rentrer fans qu'elle le fût; & ayant été leur ouvrir, elle leur fit fur l'heure une réprimande d'un ton d'Abbeffe. On a remarqué encore que quoiqu'elle n'eût pas un grand amour pour fon état, & que tout juf qu'à l'habit lui en déplût, elle n'a jamais affecté de diftinction dans fon habillement. A ces bonnes qualités fe joignoit une bonté de cœur qui fe manifeftoit en toute occafion, & qui la faifoit chérir de toute la Communauté. Elle ne fe prévaloit point de fa dignité, & elle avoit une fi grande confidération pour la Mere Prieure, qu'elle ne manquoit pas un jour fans aller lui rendre des devoirs de politeffe.

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