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munion, fans inftruction, mais non fans dévotion; car il arriva qu'un pauvre favetier du voifinage lui donna un petit livre de prieres, qu'elle lut avec tant d'attention, qu'elle ne fut occupée que de Dieu. Elle a dit elle-même qu'elle fentit dans fa premiere communion une impreffion très-vive de la présence de Dieu.

Deux à trois ans fe pafferent, pendant lefquels la jeune Abbeffe ne fongeoit qu'à fe divertir, comme un enfant de fon âge. La Mere Dupont, Prieure, gouvernoit la maison, où il n'y avoit alors que dix Religieufes & deux Novices. Rien n'étoit plus pitoyable que l'état de cette maison. On n'y gardoit ni clôture, ni régularité. Les Religieux Bernardins qui gouvernoient la communauté, n'entretenoient les Religieules, fur-tout les jeunes, que de fottifes, & ne leur parloient que des amusemens de Clairvaux & de Cîteaux, qu'ils appelloient les bonnes coutumes de l'Ordre. Plufieurs Séculiers ne bougeoient point de la maison. Madame Arnauld, dans un féjour qu'elle y fit, y reconnut un défordre très criminel dans la plus ancienne des Religieutes. M. Arnauld obtint de l'Abbé de Cîteaux que la cour

pable fût transférée ailleurs. Madame Arnaud, qui avoit toujours quelqu'inquiétude pour fa fille, venoit fouvent au couvent fans être attendue. Elle eut la fatisfaction de ne la furprendre jamais en rien qui pût lui déplaire.

La petite Abbefle, quoique affez far ge, n'étoit pas fort dévote. Outre la vie d'amusement qu'elle menoit, elle aimoit un peu la lecture des Romans. Elle n'étoit pas fcrupuleufe pour la récitation du Bréviaire. Sa fœur Agnès, qui venoit quelquefois de Saint-Cyr paffer plufieurs femaines à Port-Royal, lui reprocha un jour fa négligence en ce point la jeuneffe Abbeffe lui répondit réfolument, qu'elle ne fe croyoit pas obligée à dire fon Office, parce qu'elle étoit entrée dans son état d'une maniere fi irréguliere, qu'elle ne penfoit pas être Religieufe.

On ne fe laffoit pas de remarquer

en elle de fort bonnes inclinations & d'excellentes qualités. Elle avoit une bonté de cœur qui la faifoit chérir de toute fa communauté. Quoique la Mere Prieure lui témoignât de grands égards, & lui fît rendre les mêmes refpects par les Religieufes, la petite Dame ne s'en prévaloit pas : elle n'auroit pas man

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qué un feul jour d'aller fouhaiter le bon jour & le bon foir à Dame Prieure, comme elle l'appelloit. M. & Madame Arnauld prenoient auffi grand foin de la maifon la nourriture y étoit meilleure que par le paflé; les bâtimens qui étoient en très-mauvais état, fe réparoient de jour en jour; & tous ces changemens concilioient à leur fille tous les cœurs; en forte qu'à la clôture près, tout étoit en ordre dans la maifon : l'Office divin fe faifoit avec une grande exactitude; & dès 1605, le Général ayant fait une vifite, fut fi content du monaftere, que dans la carte de vifite qu'il en dreffa, il rendit témoignage de la régularité qu'il avoit trouvée.

La jeune Abbeffe cependant, quoique fort aimée de fa communauté, prit une grande mélancolie de fon état. En 1607 elle tomba malade. Son pere l'emmena chez lui pour la faire traiter. Pendant fix femaines de maladie, fa trifteffe alla en augmentant. A fa convalefcence, on la mena à Andilly. Elle y demeura trois mois, un peu moins mélancolique, mais portant toujours dans fon cœur le fond de fon chagrin. Son pere un jour lui fit

figner un écrit, fans lui dire ce que c'étoit. Le refpect lui fit prendre la plume fur-le champ ; & en fignant elle s'apperçut que c'étoit la ratification de fes vœux. Son chagrin n'en diminua pás; mais elle vit bien qu'il falloit prendre fa réfolution.

Le 6 Décembre, Madame Arnauld la ramena à Port Royal, avec une petite fœur de huit ans, Marie Arnauld. La jeune Abbeffe trouva moyen d'obtenir de fes parens, que fa fœur la petite Abbeffe de Saint-Cyr, vînt plus fouvent à Port-Royal, parce qu'elles s'aimoient beaucoup. La Mere Angélique avoit fes vues: elle fe propofoir de la dégoûter peu à peu de SaintCyr, & de fa qualité d'Abbeffe, afin de l'attacher à Port-Royal, & de l'avoir toujours avec elle.

En 1608, vers la fête de l'Annon ciation un Capucin arriva le foir à l'Abbaye & s'offrit de faire un Sermon à la communauté. L'Abbeffe, qui revenoit de la promenade, héfitoit d'abord, parce qu'il étoit tard; puis elle y confentit, & fit fonner le Sermon après Complies. Elle y affifta comme par maniere d'acquit; mais elle n'en fortit pas de même. Ayant entendu le

Prédicateur expofer les rabaiffemens profonds de Jefus-Chrift dans fon Incarnation & dans fa naiffance, elle fut vivement touchée de cet objet : elle fe fentit pénétrée de l'amour du rabaiffement, de la pauvreté, & du mépris des hommes; & en même temps fon averfion pour la vie religieufe, & toutes fes peines s'évanouirent. Elle conferva ces fentimens dans fon cœur, & commença à pratiquer plufieurs auftérités. Eile conçut une fainte averfion pour les dignités : fa qualité d'Abbesse lui devint infupportable, fentant le danger de refter dans une place où elle étoit entrée fans vocation & d'une façon irréguliere; & elle n'eut longtemps d'autre penfée, que de fe retirer fecretement dans quelque couvent éloigné, & de s'y faire Religieufe Converfe. Un Capucin qui prêcha à la Pentecôte de cette même année, fut fon premier Directeur. Elle s'ouvrit à lui, & il applaudit à tous fes bons fentimens; mais il l'arrêta fur l'article de l'Abbaye, lui repréfentant qu'il n'étoit pas impoffible de réformer ce qu'il y avoit de défectueux dans fa nomination, & qu'il valoit mieux demeurer, & travailler à réformer les abus de fa

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