Imágenes de páginas
PDF
EPUB

bliffement de Monfieur le Prince fut ftipulé par les Miniftres d'Efpagne, & confenti par la Cour. La vertueufe Princeffe voyant fes vœux accomplis, dit au monde un éternel adieu. Le réjouiffances & les fêtes brillantes qui occupoient la Cour à l'occafion de la paix & du mariage du Roi, ne tenterent point cette grande ame. Quelques gens de bien l'exhortant à s'y montrer quelquefois pour y donner bon exemple, le meilleur exemple dit-elle, que je puisse donner, c'est de n'y point aller. La vie de cette illuftre pénitente étoit toute remplie par des exercices de piété, & par des œuvres continuelles de charité envers tous les miférables de fes terres. Tant que fon mari vécut, elle remplit fidélement tous les devoirs d'une femme chrétienne. Elle l'accompagna aux eaux de Bourbon où les Médecins l'envoye rent pour des infirmités. Ce fut-là un des plus beaux exemples de piété & de charité qu'on y eût jamais vu. Tous les pauvres furent nourris de fes aumônes; & elle prit des mefures pour l'avenir, afin que les malades qui feroient hors d'état de faire la dépenfe du féjour & des remedes y trou

vaffent des affiftances fuffifantes. Son mari avoit d'abord regardé la métamorphole de fa femme d'un œil assez indifférent; il la regardoit comme une faillie de dévotion, & un feu qui pafFeroit. Il en jugea autrement quand il reconnut en elle une vertu foutenue; & il commença fincerement à la refpecter. La même chose arriva en Cour. La Reine-Mere conçut une haute eftime de la Princeffe, & mit bas toute la haine qu'elle lui portoit dans le temps de fes intrigues, & le mépris qu'elle en avoit fait dans les premiers temps de fa converfion. Le Roi accorda volontiers à fes deux enfans, encore tout petits, la furvivance de leur pere pour le Gouvernement de Normandie.

La Princeffe demeura jufqu'en 1661 dans l'état d'obfcurité, de gêne de confcience, de tentation, de découragement, faute de conduite de la part de fes Directeurs. M. Singlin étoit alors hors de Port-Royal, obligé de fe cacher. Elle eut connoiffance de fon mérite, elle écrivit à M. d'Alet pour le confulter fur le choix qu'elle faifoit de ce Directeur. Le Prélat l'approuva. Alors elle fit prier M. Singlin de fe charger de fa confcience. Dès la premiere entrevue

[ocr errors]

elle le goûta extrêmement. La folidité d'efprit que la nature lui avoit donnée en partage, lui fit appercevoir toutd'un-coup une différence infinie entre ce nouveau Directeur & les autres. M. Singlin ne s'y prit pas comme x par des œuvres extérieures de péritence: il jugea que pour une perfonne de ce rang, c'étoit plutôt la pénitence intérieure qu'il s'agiffoit d'infpirer. II s'étudia fur tout à guérir en elle la grande plaie des gens de condition, qui eft celle de l'orgueil; & il conduifit la Princeffe dans la pratique d'une profonde humilité, c'eft-à-dire, une grande patience d'un côté dans les mépris du monde, dans les contradictions des hommes, dans les déplaifirs caufés par les domeftiques; & d'un autre côté, un parfait affujettiffement à fuivre un réglement de vie pendant la journée; à prendre confeil d'autrui dans les chofes d'importance; & à demander fans ceffe à Dieu fon affiftance. Quant à l'extérieur, il la mit dans un train de vie fimple, mais qui n'avoit rien d'affecté, foit pour la table, foit pour la maniere de s'habiller, foit pour les œuvres de mortification.

Elle n'eut pas befoin d'être excitée

à faire des aumônes abondantes. Dès le commencement de fa conversion elle avoit compris que c'étoit pour elle une obligation de juftice de faire de grands retranchemens de fon train, Pour commencer à reftituer dans les Provinces les pertes que la guerre civile où elle avoit eu part, avoit caufées. Tant que fon mari regarda avec indifférence fon changement, elle pratiqua en toute liberté fes œuvres de pénitence; mais lorsqu'il commença à révérer la vertu de fa femme, la crainte de la perdre lui fit trouver à redire à fes excès de ferveur. Elle y perfiftoit cependant. Lorfqu'elle fut fous la conduite de M. Singlin, ce Directeur repréfenta à la Princeffe qu'elle devoit avoir de la déférence pour fon époux à cet égard, dès qu'il Tui laifsoit la liberté d'ailleurs de fervir Dieu comme elle le fouhaitoit. Elle fe rendit; & facrifia de même à fon mari l'inclination dominante qu'elle avoit toujours confervée pour la folitude des Carmélites.

M. Singlin, après lui avoir fait faire une confeffion générale, la fit communier à Noël 1661. Elle dit qu'elle fit cette communion dans une grande

liberté d'efprit; & qu'auffi-tôt après avoir reçu la fainte Hoftie, elle fe profterna la tête contre terre pour faire le vœu de chafteté qu'elle fouhaitoit de fair depuis long-temps; qu'elle fentit en elle une grande émotion de joie, etant ravie de fe donner ainfi à Notre-Sei gneur, qui venoit de fe donner à elle; que fon cœur plein d'efpérance en Dieu, fe trouva auffi différent de luimême, que deux perfonnes oppofées le font l'une de l'autre.

Il ne lui fut pas poffible de fe difpenfer de paroître de temps-en-temps à la Cour, parce que la jeune Reine l'aimoit extrêmement, & vouloit toujours qu'elle fût de fes parties de dévotion. Ne pouvant abfolument fe refuier, elle s'y rendoit; mais elle n'y alloit jamais qu'après avoir beaucoup prié. Elle dînoit d'ordinaire chez la Ducheffe de Richelieu, afin d'être moins en Cour. Un jour qu'elle arrivoit à Saint-Germain, où étoit la Cour, M. le Prince l'apperçut d'une fenêtre où il étoit avec le Roi, & dit à Sa Majefté : « Voilà ma fœur qui fera bien » attrapée; car la Ducheffe de Richelieu "n'y eft pas; il faudra qu'elle dîne au » cabaret. Non, dit le Roi, qui avoit

او

« AnteriorContinuar »