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fors, & l'ouvrirent; & que dans ce moment les vents fortirent avec fureur, & exciterent cette horrible tempête qui les fit périr. Virgile d'un autre côté, travaillant d'après les idées du Poete Grec, a encore plus embelli le fujet ; il dit a que Junon voulant éloigner Enée de l'Italie où elle favoit que les deftins lui promettoient un établiffement, alla trouver Eole dans les Ifles où il faifoit fon fejour, & où il tenoit les vents enfermez dans une profonde caverne b; qu'elle le pria d'exciter une tempête, pour éloigner Enée des côtes d'Italie, & le refte. Les autres Poetes en parlent de même : on en vint niême jufqu'à dire, qu'avant qu'Eole eût pris l'intendance des vents, ils caufoient fur la terre des renver femens épouventables; qu'ils avoient féparé la Sicile de la Terre ferme; qu'une tempête avoit autrefois ouvert ce fameux paffage de l'Ocean dans

a Eneid. 1. 1. b Seneque raille Virgile d'avoirenfermé les vents dans une caver

ne puifqu'ils ne font tels que par leur mouvement impetueux : mais cette critique tobe d'elle-même, puifTome II.

que
ces vents font dans
un antre à peu près co-
me l'air dans l'Eolipile,
d'on il ne cherche qu'à
s'exhaler avec impe-
tuofité : & cela ne fait
qu'une question de

nom.

P

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la Mediterranée, qu'on appelle le De troit de Gibraltar. Mais, dit Eliante, cette circonftance des vents renfermez dans une peau de bouc, ne renfermet-elle pas quelque myftere? Sans doute, dit Alcidon ; & les Mytologues ay ont fait plufieurs découvertes fur la nature des vents, qui feroient admirables files Auteurs de cette Fable y avoient penfé. Pour moy, dit l'Abbé, je crois qu'Homere fait allufion à quelque ancienne coutume femblable à ce qui fe pratique encore aujourd'hui, dans la Laponie, où l'on trouve plufieurs matelots qui vendent les vents à ceux qui s'embarquent, & qui leur promettent, moyennant une fomme d'argent, de tenir enfermez ceux qui pourroient troubler leur voiage. Il y a apparence que les Anciens pratiquoient quelque chofe de femblable, ce qui a donné lieu à cette circonftance que nous expliquons : & puifque nous fommes fur le chapitre des vents, il eft bon de vous dire que la fuperftition payenne alla jufqu'à les adorer comme des Divinitez; on leur facrifioit lorfqu'on entreprenoit quelque voyage b,

a Voyez Nat. Hift. d'cole.

L

Tres Erici vitulos &

tempeftatibus agnam Cadere de jubet.

6

comme plufieurs Auteurs nous l'apprennent. Ovide paile du Temple que Scipion érigea aux tempêtes. Augufte, felon Seneque, bâtit un temple dans les Gaules au vent Cyrcius; & Virgile b dit qu'Enée facrifia aux Zephires une brebis blanche. Pecudem Zephiris felicibus albam. Sur quoi il eft bon de remarquer ici que les Grecs dans le culte qu'ils rendoient aux vents, & dans la Fable d'Eole qu'ils en avoient fait le Souverain, n'avoient fait qu'imiter les Peuples d'Orient, fur tout les Perfes, qui au raport d'Herodote rendoient un culte religieux à ces Divinitez fougueules:& c'eft à cette coutumie que l'Auteur du Livre de la Sageffe fait allufion, quand il m etau nombre des Divinitez des Gentils l'air & le vent, aut ventum, aut celerem aerem Deos putaverunt d ; & cela dans un temps où apparemment les Fables des Grecs fur ce fujet n'étoient pas encore paffées en Orient. Mais pour revenir à l'Histoire d'Eole, il ne faut pas oublier la conjecture du favant Bocharte, qui croit que l'origine de la Fable d'Eole vient d'une équivoque de la langue Phenicienne

Nat 1.5. c. 17.

b Eneid. 1. 3.

c Liv. I.

d Sap. c. 3.

Boc. Chan.1.1. C.33.

Hiftoire

dans laquelle étoit écrite l'Hiftoire de ce Prince, & que les Grecs aiant trouvé le mot Aol, qui dans cette langue, ainfi que Aella dans la Grecque, veut dire tempête, ont cru que c'étoit le nom de ce Prince, & là deffus on publia qu'il étoit le Roi des tempeftes. Quelques Auteurs ont prétendu qu'Eole inventa l'usage des voiles des Navires. Quoi qu'il en foit,ce Prince eut plufieurs enfans, parmi lesquels Aftioche lui fucceda au refte, il ne faut pas le confondre avec l'ancien Eole fils d'Hellen & chef des Eolides.

Enfin pour ne rien laiffer à defirer fur les Divinitez de la Mer, nous devons finir nôtre conversation par l'article des Syrenes.

Vous favez que les Poetes represendes Syrenes. rent les Syrenes comme de belles perfonnes qui habitoient des rochers efcarpez fur le bord de la Mer, où aiant attiré les paffans par la beauté de leur chant, elles les faifoient périr. On ajoûtoit qu'elles étoient filles du fleuve Achelous & de la Nimphe Calliope, ou du moins qu'elles fortirent du fang qui coula de la playe qu'Hercule fit au Dieu de ce Fleuve, en lui arrachant une cora Diod. 1. s.

e. Leur nombre n'étoit pas déterminé, Homere n'en reconnoiffoit que deux, d'autres cinq; fçavoir, Leucofie, Ligie, Parthenope, Aglaphon & Mople: d'autres enfin ne reconnoiffent que les trois premieres de celles que je viens de nom

mer 4.

On débite plufieurs Fables fur leur fujer:Ovide dit qu'elles accompagnoient Proferpine lorfqu'elle fut enlevée, & que les Dieux leur donnerent des aîles pour aller chercher cette Princesse. II ajoûte que dans le defefpoir où elles furent de n'en point apprendre de nouvelles, elles s'arréterent fur des rochers, où leur occupation fut de faire périr ceux qu'elles y attiroient b.

Homere qui place les Syrenes au milieu d'un Palais enfanglanté du meurtre de ceux qu'elles avoient fait mourir d', nous apprend que le deftin leur avoit permis de regner jufqu'à ce que quelqu'un les cût trompées; que le prudent Úliffe fut celui qui accomplit leurs def

a Servius in Lib. s

Eneid.

6 Met. 1. 5. c Odiff. 1. 12. d Virgil: les place fur des rochers environnés d'offemens.

Iamque adeo fcopulos Syrenum adducta jubibat,

Difficiles quondam & multorum effibus albox. Eneid. 1. 5.

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