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musles fit tous périr, excepté Ectonius, Edéus, Hiperenor, Pelore & Echion, qui ferangerent de fon parti. Ou bien avec Heraclite a; que Cadmus tua en effet un Serpent qui caufoit beaucoup de defordre dans la Béotie; ce qui étoit affez ordinaire dans les pays où l'on alloit établir quelque Colonie. Mais le fameux Bochart b, & après lui M. le Clerc c croient que la Fable vient de ce qu'un même mot Phenicien fignifie les dents d'un ferpent, ou bien des favelots garnis d'airain d; & celui qui fignifie le nombre de cinq, fignifie auffi armé. Ainfi les Grecs qui écrivoient l'Hiftoire de leur Fondateur fur les Annales Pheniciennes, au lieu de dire que Cadmus arrivant dans le Pays, avoit armé ses foldats de javelots garnis d'airain, de cafques & de cuiraffes, ce qui étoit alors tout à fait nouveau dans la Grece; ils aimerent mieux dire à l'aide de l'équivoque, & cela étoit bien plus de leur goût, qu'il avoit cinq compagnons nez des dents d'un ferpent .

a Liv. des chofes incroiables.

dIl eft regardé com

me l'inventeur de ces

b Chan. Pref. & c. | fortes de Javelots.

19.

du liv. 1.

Sur Hefiode.

e La même phrafe qui devoit fignifier confetis

Et certes rien ne prouve mieux que c'étoit une expreffion figurée qui avoit donné lieu à cette Fable, que ce que raconte Herodote a de Pfammetichus Roi d'Egypte, qui aiant efté relegué dans des marais, fit confulter l'Oracle de Latone, où il apprit qu'il feroit rétabli par des hommes d'airain fortis de la mer; ce qui lui parut d'abord une chimere: cependant quelques années après, une troupe d'loniens qui avoient été obligez de relâcher en Egypte, parurent fur le rivage avec leurs armes & leurs cuiraffes d'airain; ceux qui les apperçurent, rapporterent au Roi, que des hommes armez de cuiraffes pilloient la campagne. Ce Prince comprit alors le fens de l'Oracle, & aiant fait alliance avec eux, il remonta fur le trône. Ces hommes d'airain fortis de la mer, & ces autres fortis de terre, ne font autres que des foldats qui aiderent Cadmus & Pfammetichus.à rétablir leurs affaires : & ce qui confirme la conjecture de Bochart, c'eft que ce fut Cadmus qui porta en Grece, ou qui

pfit exercitum expedi

tum virorum armalo

rum cufpidinibus are's, fut interpretée par celle-ci, Fecit exercitum

quinque virorum armas
torum ex dentibus fer-
pentis. Boch. liv. cit.
a Liv. 2.

inventa l'ufage des cuiraffes ou des dards. Vous favez bien au refte que la Fable dit a que l'Oracle avoit appris à Cadmus qu'au lieu où il trouveroit une vache, il devoit y bâtir une ville, ce qu'il fit; & que c'eft même pour cela qu'il donna au Pays le nom de Béorie b. Mais cette fiction n'eft fondée fur l'ignorance ou la crédulité des Grecs qui ne favoient pas que Cadmus avoit donné ce nom au Pays où il s'étoit établi, à caufe de la qualité de fon terroir couvert de boue & de marécages c.

que

Cadmus après avoir regné longtemps dans fa Capitale avec fa chere Hermio-. ned, dont il eut quatre filles Ino, Autonoé, Semelé & Agavé, toutes malheureufes, comme nous le dirons dans un moment; il fe forma contre lui une conjuration, & il fut chaffé du trône; Penthée fon petitfils fut mis en fa place. Ce Prince obligé de fe retirer avec fa femme & fon fils Polydore en Illyrie, il

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y meņa une vie fort cachée a ; ce qui fiṛ peutêtre publier après la mort, qu'il avoit été changé en ferpent, comme Òvide b & Plaute c nous l'apprennent : & voici vraisemblablement ce qui peut avoir donné lieu à cette métamorphofe, Les Pheniciens s'appelloient anciennement Achiviens ou Hevéens, nom qu'ils ont toujours gardé depuis leur établiffement dans la Grece: or Chiva en hebreu veut dire un ferpent; & c'eft fans doute ce qui a donné lieu aux Grecs furnommez Achiviens, qui n'avoient rien de meilleur à dire de la vie obfcure & de la mort de leurs Heros, de publier à l'aide de ce mot, que Cadmus & Hermione avoient été changez en ferpens d; & même pour rendre la chofe plus authentique, ils firent élever en Illyrie des ferpens de pierre, comme des monumens du changement furnaturel de leur Fonda

a Cependant Apollodore Bib. 1. 3. dit. qu'il commanda l'armée des Illyriens, qui le choifirent enfuite pour leur Roi.

b Met. 1.3.
c Amphitr. 1. 4.
Et noftra autorem

gentis,

Cum Veneris filia angues repfiffe tellus Epirotica vidit.

d Les Hebreux difoient qu'on avoit donné à un peuple de Chanaam le nom de Chiva, parce qu'il habitoit dans des cavernes, à la maniere des ferpens.

reur,

reur. Ainfi toutes ces idées de Dragons & de Serpens, qu'on trouve répandues dans les Poetes qui parlent de ce Prince, tirent de là leur origine.

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Je loue fort, dit Alcidon, l'heureuse conjecture de Bochart, qui explique fi bien cette circonftance de la Fable de Cadmus mais permettez-moi d'en hafarder une autre que j'ai imaginée en lifant Aulugelle. Selon cet Auteur les anciens habitans de l'Illyrie avoient deux paupieres à chaque œil, & avoient la vue fi perçante, que s'il arrivoit qu'ils regardaffent quelqu'un, ils le tuoient comme auroit fait un dragon ou un bafific. Cette opinion vraie ou fauffe qu'on avoit des Illyriens peuple d'ailleurs groffier & fauvage, les faifoit apparemment appeller par les Grecs des Serpens, des Dragons ; & par confequent lorfque Cadmus fe fut retiré parmi eux, on dût dire qu'il étoit devenu un Illyrien, un Dragon, un Serpent; expreffion métaphorique, qui dans la fuite fut prife à la lettre. Je vous avoue, dit Eliante, que cette explication me plaît fort, & je ne fçai fi c'eft par l'amitié que j'ai pour Alcidon, que je fuis tentée de la préfé

a Voiez ce qu'on a dit far ce fujet dans la #reiziéme fource des Fables,

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