Imágenes de páginas
PDF
EPUB

grains de grenade. Sa métamorphofe en Hibou n'eft qu'une métaphore qui nous représente un homme haïffable:fi vous n'aimez mieux dire toutefois qu'on he l'a inventée, que pour nous marquer qu'il fe tenoit toujours caché dans les mines de Pluton, dont il étoit l'Intendant, & où même il périt. Il y a appa-. rence qu'il fut écrafé par la chûte de quelque rocher, ce qui fit dire aux Poetes que Proferpine pour fe venger l'avoit couvert d'une groffe pierre. Son nom veut dire celui qui brife des pierres, & il ne luy fut donné apparemment que pour marquer fon emploi. Quelques Auteurs: difent qu'il fut métamorphofé en un cerrain Lezard, que les Grecs nomment Afialabos'; & c'eft fans doute la reffemBlance des noms qui leur a donné lieu de le dire. Suivant vos lumieres, reprit Eliante, j'expliquerai fort bien auffi ce que nous dit le même Qvide a d'une fille nommée Menthe, que la jaloufe Proferpine changea en une plante qui porta encore fon nomb. Je dirai queProferpinearrivant à la Cour de Pluton, ne put fouffrir une Rivale en poffeffion avant

a Met. 1. s.

b Les Grecs nomment ceste herbebediof

mos, à caufe de fa bange

odeur.

elle du cœur de fon mari, & qu'elle la fit périr; fur quoi en écrivant les avaritures de cette Cour, on inventa la métamorphofe à laquelle la reffemblance des noms donna lieu. Dites-moy encore, je vous prie, continua-t-elle, pour quoi Ovide dit a que les Syrenes accompagnoient Proferpine, lorfqu'elle futenlevée, & que les Dieux leur ayant donné des ailes, elles la chercherent de toutes parts. Je vous expliquerai cette fable, répondit l'Abbé, dans l'article des Syrenes b: il fuffit de vous dire ici que quelqu'une de ces Syrenes qui étoient de petites Reines qui regnoient fur les côtes d'Italie affez près de la Sicile,ayant appris l'enlevement de Proferpine, fit équiper un vaiffeau pour faire fuivre les raviffeurs.Mais puifque nous avons commencé à parler de Pluton, je crois qu'il eft à propos de vous expliquer à fond le fyftême de l'Enfer poetique. Je vous parlerai des fleuves d'Enfer, de Cerbere, des Furies, des Juges, d'Hecate, des Parques, de Caron, & de tous ces illuftres criminels, qui pour avoir mérité l'indignation des Poetes, font releguez dans ces triftes lieux; & nous cherA Met. 1. 3. des Dieux de la Mer Voyez l'entretien

[ocr errors]

cherons en paffant avoir ce ani. donné lieu à inventer toutes ces chofes. Cela fera fort curieux, dit Eliante; mais il faut vous ménager, & fonger à aller prendre du repos; auffi eft-il trop tard pour entreprendre un filong voiage, où apparemment il y a bien des difficultez à furmonter. Point du tout, dit Alcidon, la defcente des Enfers eft aifée a; ce n'eft que le retour qui donne de la peine b. Mais s'il eft ainfi, reprit Eliante, ne nous y engageons pas; nôtre curiofité nous coûteroit cher; ces lieux-là peuvent être amufans pour quelques momens, fi vous voulez; mais il ne faut pas rifquer d'y être plus longtemps qu’on ne fouhaiteroit: fi nous y allons, au moins prenons le fil d'Ariane, & n'en perdons pas le bout. Mon Dieu, ne craignez rien, dit Alcidon, il y a deux porres pour refortir de ces triftes lieux: fi celle d'yvoire eft fermée, l'Abbé nous ramenera par celle de corne. Mais, dit Eliante, fçavez-vous bien les avenues, M.I'Abbé? A merveille, reprit Alcidon, m'en a parlé quelquefois, il femble qu'il n'ait fait autre chofe que d'y voia

a Virg. 6 En. Facilis defenfus duri.

Ibid. Sed revocare

gradus, boc opus, his labor eft.

ger, & apparemment que Mercurely a conduit. Sur ces affurances, dit Eliante,, nous nous embarquerons demain matin mais ne faut-il pas un rameau d'or car pour la Sibille, nous n'en avons pas befoin, l'Abbé eft nôtre conducteur. Tout l'équipage eft prêt, Madame, repondit, l'Abbé: allons donc fouper, dit Eliante. Ils fe leverent tous trois pour aller joindre la compagnie quiles attendoit dans la Salle: on foupa, & le lendemain ils fe trouverent à huit heures du matin dans Me Cabinet d'Eliante, qui s'y étoit rendue un moment auparavant.

IX. ENTRETIEN.

Où il eft parlé de l'état des ames après la vie, où l'on voit quel a été le Systême des Poetes fur l'Enfer & les, Champs Elifees.

N vérité, M. l'Abbé, dit Eliante

EN

en le voiant entrer, je n'ai fait que réver toute la nuit à l'Enfer & aux Champs Elifées; il me fembloit que je voiois Cerbere avec les trois gueules; je vous affure que j'ai eu grand peur : cela ne fignifie rien de bon, j'avois réfola

de rompre le voiage; ce ne feroit pas le premier que de mauvais fonges ont fait manquer. Cependant comme me voilà un peu raffurée, nous n'avons qu'à nous embarquer. Tres-volontiers, "dic l'Abbé.

La connoiffance de l'immortalité de Tame, dit-il, eft une vérité auffi ancienne que le monde. Adam qui la reçût immediatement de Dieu, la communiqua à ses enfans, & ceux-ci aux Patriarches & à Noé ; & je crois qu'elle a toujours marché de pair avec la connoiffance d'un Dieu. Otezles Athées qui n'ont jamais fait de corps separé, ni de secte, les Epicuriens qui penfoient que tout étoit matiere, & les Sadducéens qui nioient les efprits, tout le monde a reconnu de tout temps la diftinction de l'ame avec le corps 4: mais on n'a pas toujours eu des penfées fort faines fur fa nature.Plutarque & quelques autres ont crû que l'ame n'étoit qu'une harmonie, un accord des premieres qualitez. Démocrite a penfé que l'ame étoit compefée de corpufcules les plus délicz de la matiere; Epicure, des atomes les plus agitez,comme fi ou la délicateffe desparties, ou le mouvement le plus rapide pouvoir Voiez Voffius 1. 1. de Llol.c. 10.

« AnteriorContinuar »