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Sicile, que ce peuple étoit moins curieux à bâtir des maisons pour les vivans, que des tombeaux pour les morts.

Cette opinion dans la suite a été f univerfelle, que non feulement tous les Poetes, comme nous le verrons plus bas, mais la plupart des peuples l'ont embraffée;& encore aujourd'huy elle eft tres-commune parmi les Nations du Levant.

Les Juifs qui étoient partagez en trois fectes avant le temps de nôtre Seigneur, ont eu trois opinions fort differentes fur l'état des ames. Les Pharifiens ne croyoient ni efprit, ni refarrection : les Pharifiens qui croyoient les ames immortelles, donnoient un peu dans l'opinion de la metempficofe, & croyoient le retour des ames dans d'autres corps: auffi voions-nous qu'Herode qui étoit de cette fecte, croyoit que l'ame de faint Jean qu'il avoit fait décapiter étoit venue dans la perfonne de JesusChrist, comme les Evangeliftes le remarquent. Les Effeniens, fur tout vers le temps de la ruine de Jérufalem, affignoient aux ames deux fortes de demeu res; l'une fort agréable pour les bons, & l'autre éternellement troublée

Lib. I.

AYLOR

INST

Par

ORD

des tempêtes & des ténebres, pour les

mauvais 4.

Mahomet qui a formé un Paradis fur l'idée des Champs Elifées, & un Enfer à fa mode, a des pensées fort fingulieres fur l'état des ames après la mort: il les divife en trois claffes b, celle des Prophetes, celle des Martirs, & celle des Mufulmans ou des Fideles. H dit que celles des premiers s'envolent d'abord après la mort dans le Paradis, où il fait trouver tous les plaifirs des fens c; celles des Martirs habitent dans le gofier de certains oifeaux du Paradis, où elles font affez heureufes : & celles des Fideles habitent autour des tombeaux où font leurs corps, avec une liberté entiere d'aller où bon leur femble.

Les Perfes Mahometans divifent leur Paradis & leur Enfer en fept demeures, où ils font trouver des récompenfes & des peines proportionnées au bien & au mal que chacun a fait pendant la vie. Les anciens Perfes qui avoient appris. leur Religion de Zoroaftre & des Mages, enfeignoient qu'après la mort les

a Voyez la fuite de l'hiftoire de Jofeph de M. Bainage.

b Voyez l'Alcoran.

c On ne s'étend pas là-deffus, chacun fait affez ce que c'eft que le Paradis de Mahomet..

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ames arrivoient au fleuve Tchinavar, où elles trouvoient un pont gardé par: deux Anges, qui après les avoir interrogées fur leurs actions, les envoyoient ou dans un lieu de delices, ou lès condamnoient à des tourmens éternelsa. Et: ce qui eft fort fingulier, quelques bonnes actions qu'on eût fait, dès qu'on avoit le malheur d'être mort fans laiffer un fucceffeur, on étoit exclus du Paradis.

Les Bracmanes ou les Prêtres des Indiens debitent encore aujourd'hui fur l'Enfer & le Paradis, des fables femblables à celles que Platon & les Poeres Grecs ont publiées dans leurs Ouvrages.

Enfin on lit peu de Relations, même des peuples les plus barbares, où l'on ne trouve un fyftême fur l'état des ames après la mort; & l'on peut voir dans le Livre d'un illuftre Prelat c, les erreurs monftrueuses où les hommes font tombez fur ce fujet. Mais venons aux fenti-mens des Poetes, qui doivent faire la: matiere de cet Entretien.

Voyez le Livre intitulé Sad-der, qui renferme les principes de la Religion des Mages. Il a été traduit par

Thomas Hydde. b Voyez le Chap. 19 de ce Livre.

c M. Haet Quaf. alt. 1 2. C. 24,

Les anciens Poetes croyoient d'abord que les ames après la mort alloient dans Les Jardins délicieux de la Mauritanie Tingitane, où elles erroient dans les maisons autour de leurs tombeaux. Orphée qui voyagea en Egypte, jetta à son retour le plan d'un nouveau fyftême sur ce fujet, & c'est de lui qu'eft venue l'idée des Champs Elifées & du Tartare, que tous les Poetes ont fuivic, quoiqu'ils ayent varié fouvent fur la fituation de ces lieux.

Quelques-uns placent les Champs Elifées dans les airs; d'autres dans la Lune ou plutôt dans le Soleil, comme faifoient lesManichéens qui difoient que les ames des juftes alloient d'abord après leur mort dans le globe de la Lune; & quand il y en avoit une voiture fuffifante, ce qui paroiffoit lorfqu'elle étoit pleine, elle les alloit décharger dans le Soleil, pour y jouir d'une éternelle félicité: enfuite de quoi elle devenoit nouvelle, attribuant à ce manége le cours & décours de cette Planete : ce qui eft à mon avis, quelque allegorie qu'on y attache, un des plus ridicules égaremens où les hommes foient jamais tombez. Mais la plus commune opinion plaçoit les Virgile En, 1. 6.

Champs

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Champs Elifées dans les Illes fortunées de l'Occident, qu'on croit être les Ifles Canaries, ou plutôt les environs de Cadis & de Tartefe, & tout le charmant pays de la Betique, comme le prétend Bochart. C'eft là, felon cet Auteur, que le trouve le Tartefe, qui eft le Tartare des Poetes: tout y convient à la defcription que les Poetes nous ont' laiffée des Champs Elifées: d'un côté le pays étoit charmant; les bois & les prairies y étoient arrofées de fleuves & de ruiffeaux; & d'autre côté il étoit regardé comme l'extrémité du monde. C'étoit là où regnoient des ténebres éternelles, puifqu'on croioit que le Soleil alloit fe coucher dans l'Ocean; & vous avez vû que c'étoit pour cela qu'on avoit dit que Pluton qui regnoit fur ces côtes 4, avoit eu l'Enfer pour fon partage. Pour ce qui regarde les Ifles Canaries, ce même Auteur croit qu'elles étoient inconnues aux Anciens, qui n'ofoient gueres paffer le detroit, ou du moins qui ne perdoient pas de vûe les côtes. Quoy qu'il en foit, Homere b femble placer l'Enfer & les Champs Elifées au pays des Cymmeriens: & fur cela quelques

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