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PREFACE.

I l'on fe propose dans la lecture de l'Hiftoire, de s'inftruire en s'occupant agréablement; l'on ne peut mieux remplir ces deux objets, qu'en lifant celle de fon Païs. Rien ne flate plus en effet notre curiofité, que la connoiffance des lieux où nous vivons & des perfonnes qui les ont habités. Le récit de leurs illuftrations nous fait d'autant plus de plaifir, qu'il nous femble y avoir quelque part, & l'amour de la Patrie nous fait goûter des détails & des récits de choses peu importantes, qui ne nous plairoient pas également, fi elles nous touchoient de moins près. Les Hiftoires anciennes & étrangeres, nous représentent des faits plus éclatants & des exemples d'une plus haute vertu ; mais comme ils font au-deffus de la vie commune que nous menons, nous nous contentons de les admirer fans nous empreffer à les fuivre. C'est done chez nous-mêmes, que nous devons chercher des modéles fur lefquels nous puiffions former nos mœurs & régler notre conduite. C'est auffi dans nos propres Hiftoires, que nous trouvons l'établiffement de la Religion que nous profeffons, les différens états de notre Clergé, l'o

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la

rigine & les diftinctions de la Nobleffe & de la Magiftrature que nous refpectons; la fource, caufe & le véritable efprit de notre Police, de notre Gouvernement, de nos Loix, de nos Ufages, & de nos Privileges. De quelle autre partie de l'Hiftoire aurions-nous plus d'interêt à nous instruire? & ne devons-nous pas avoir quelque confufion, quand nous réfléchiffons que nous connoiffons parfaitement les Egyptiens, les Perfes, les Grecs & les Romains, & que nous ne nous connoiffons pas nous-mêmes? que nous fçavons, comme dit un Critique du dernier fiécle, qu'un tel Empereur Romain avoit un poireau au vifage, & que nous ignorons la vie & le nom même de plufieurs de nos Souverains!

Cependant parmi un grand nombre d'excellents Ecrivains que nous avons eu dans ces derniers tems en ce genre de littérature, il y en a peu qui fe foient apliqués aux Hiftoires particulieres des Provinces, parce qu'ils n'ont pas crû y trouver des fujets fufceptibles des ornements qu'ils ont répandu dans leurs écrits. Avec un génie porté à l'éloquence, ils fe font perfuadés qu'il n'y avoit que des Héros & des Peuples illuftres, qui puffent fournir une jufte matiere, aux portraits, aux caracteres, aux descriptions, aux harangues & aux réflexions, dont ils ont embelli leurs Ouvrages. Ils ont craint qu'un titre qui n'annonceroit que l'Hiftoire d'un Païs, n'écartât les Lecteurs, qui cherchent la plûpart le merveilleux & le grand, & qui ne lifant que pour lire, ne

fe laffent point d'entendre répéter les faits & les geftes, de ces hommes & de ces peuples fameux, qui ont accablé la terre du poids de leur puiffance, & qui font encore aujourd'hui le fujet de l'admiration commune. Sans fortir de leurs cabinets, un certain nombre de Livres fuffit pour fournir toute la matiere dont ils ont befoin. Ces Livres même,compofés par les meilleurs Auteurs de l'antiquité élévent & enrichiffent l'imagination. Ainfi avec du goût, du difcernement & les graces du difcours, ils nous donnent des Ouvrages qui égalent fouvent les Originaux, & qui semblent avoir le mérite de la nouveauté.

que

Il n'en eft pas de même de nos Hiftoires particulieres. Leur étude ne préfente que des épines & des difficultés, qui paroiffent d'abord infurmontables. Tout eft obfcur dans leur commencement, & l'on ne peut guére en parler que par conjectures; parc equ'elles ne nous fourniffent peu d'Auteurs & de monuments anciens, que des infcriptions mutilées qu'on a beaucoup de peine à rétablir, & des paffages difficiles à expliquer, & encore plus à en faire l'aplication. L'on vient enfuite au tems des Légendes, qui ont été écrites fans art, fur des traditions la plupart incertai nes, & mêlées de faits fi peu croyables, qu'ils nous font douter des vérités même qu'elles renferment. L'on parvient enfin à celui des Char

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qu'on ne trouve & qu'on ne déchiffre que mal-aisément, après s'être enfeveli pendant des années entieres, dans la pouifiere & la mauvaise

odeur des Archives, qui font prefque toutes négligées & fans ordre. Quelle obligation n'avonsnous pas aux Duchefne, aux Perard, aux Guichenon, aux Peres Mabillon & Dacheri & à leurs semblables, qui ont foutenu avec constance un travail fi défagréable, pour nous donner des volumes remplis de ces précieux monuments, qui feroient péris fans leurs foins, & qu'ils ont rétabli par une capacité & une érudition fupérieures. L'on tire des Chartes qu'ils ont trouvées & de celles qu'on peut encore découvrir, des preuves certaines & que les connoiffeurs eftiment beaucoup; mais après avoir furmonté les peines qu'elles donnent, foit pour les lire & les expliquer, foit par raport à la Chronologie; on eft réduit à coudre pour ainfi dire, les unes après les autres les preuves que l'on en tire, fans fe flater d'être lû que par les curieux & les intereffés; parce qu'on ne peut pas y mêler les ornements du difcours,aufquels la multitude qui cherche moins à s'inftruire qu'à s'amufer, donne la préférence.

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L'amour de la Patrie l'a emporté fur ces difficultés, dans le coeur de deux de nos Citoyens. Le premier eft Louis Golut Avocat au Parlement de Dole, qui a mis au jour fur la fin du pénultiéme fiécle, un volume in folio, intitulé Mémoires des Bourguignons. Le fecond est JeanJacques Chifflet Médecin à Besançon, qui a donné au Public au commencement du fiécle fuivant en un in quarto, l'Hiftoire Civile & Eccléfiaftique de cette Ville.

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