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1750. que les acacies, & des pains-de-finge. En allant de Ben Avril. au cap Verd, je rencontrai fur ma route, à peu près à monstrueux, moitié chemin, deux de ces derniers arbres encore plus

Pains-de-finge

Nids d'une grandeur ex

gros que ceux que j'avois admiré aux environs de l'ifle du Sénégal. Je mefurai leurs troncs avec une ficelle, & je trouvai à l'un soixante & seize pieds, & à l'autre foixante & dix-sept pieds de circonférence, c'est-à-dire, plus de vingt-cinq pieds de diametre. C'est ce que j'ai vû de plus merveilleux en ce genre; & fi l'Afrique en montrant l'autruche & l'élephant s'eft acquise la jufte réputation d'avoir enfanté les géans des animaux, on peut dire qu'elle ne s'eft point démentie à l'égard des végétaux, en tirant de fon fein les pains-de-finge, qui furpassent infiniment tous les arbres exiftans aujourd'hui, du moins dans les pays connus, & qui font vraisemblablement les arbres les plus anciens du globe terreftre.

Aux branches de ces arbres étoient suspendus des traordinaire. nids qui n'étonnoient pas moins par leur grandeur. Ils avoient au moins trois pieds de longueur, & reffembloient à de grands paniers ovales, ouverts par en bas, & tiffus confufément de branches d'arbres affez groffes, Je n'eus pas la fatisfaction de voir les oiseaux qui les avoient conftruits; mais les habitans du voifinage m'assurerent qu'ils avoient affez la figure de cette ef pece d'aigle qu'ils appellent ntann. A juger de la grandeur de ces oifeaux par celle de leurs nids, elle ne devoit pas être beaucoup inférieure à celle de l'au

Terrein des environs du

sap Verd,

truche.

La vûe de la double montagne du cap Verd étoit le feul moyen que j'avois pour diriger mes pas

dans

cette

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étoient tellement
les vents,

par

cette vafte plaine; car les fables y
agités & tranfportés d'un lieu à l'autre
qu'il n'étoit pas poffible d'y appercevoir ni sentier ni
aucune trace marquée: les éminences même que je ren-
controis quelquefois, au lieu de me guider, ne fer-
voient qu'à m'égarer moi & mes nègres, à cause de
leur grande uniformité. Elles portoient pour toute
verdure des arbriffeaux connus dans l'Inde fous le nom
de bois de renette (1). Je marchois auffi quelquefois
dans des champs très-vastes, femés naturellement d'une
espece de bafilic particuliere au pays. Ce qui me parut
digne de remarque, c'est que par-tout ou il croiffoit,
il étoit fort épais, & qu'on y voyoit rarement d'autres
plantes de telle efpece qu'elles fuffent, pas même dans
les endroits les plus clair-femés, comme si fa proximité
leur eût été funefte. Ce bafilic eft ligneux & vivace:
il forme un arbriffeau de deux pieds de hauteur, dont
les tiges & les feuilles font d'un verd rougeâtre, &
répandent une odeur de citron extrêmement gra-
cieufe. Les fables quoique mobiles & déplacés à chaque
inftant, produifoient encore beaucoup d'autres petites
plantes, & fur-tout des chiendents qui en couvroient
prefque toute la furface.

1750. Avril.

miers.

Mes promenades les plus ordinaires étoient dans la Forêt de pal forêt de Krampfane, que j'appellois aussi la forêt des palmiers, parce qu'en effet on y voit peu d'autres arbres. Elle commence à une petite demi-lieue du village de Ben, & s'étend jufques à deux lieues dans l'eft yers le nord, en faifant un demi-cercle, & passant à (1) Dodonaa. Linn. Hort. Cliff. 148.

Staphylodendrum foliis lauri anguftis. Plum. Cat. pag. 18.

1750. Avril.

Dattiers.

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un quart de lieue d'un village ruiné, appellé Mbao & fitué fur le rivage à une lieue & demi de Ben. Sa largeur eft par-tout d'environ un quart de lieue. Son terrein eft bas, & creufé dans certains endroits comme un canal, qui paroît avoir été autrefois finon un bassin inondé par les eaux de la mer, du moins un lit de riviere d'eau falée, qui en fe defféchant a laiffé un fable noir & limoneux, dans lequel les eaux de la pluie prennent un goût de fel qui les empêche d'être potables. J'oferois même affurer que ce canal faisoit autrefois partie du marigot de Kann, dont il eft plus qu'évident que la communication a été interceptée par une jettée de fables, que les vents ont amenés auprès de fon embouchure.

Du côté de Ben jufqu'aux deux tiers de fa longueur, cette forêt est toute en palmiers-dattiers, à l'entrée defquels s'éleve un petit bofquet de palmistes: dans l'autre tiers on ne voit que de ces derniers. Le dattier de ce pays eft fauvage, & vient fans culture. Les nègres Serères du royaume de Kaïor, qui comprend le cap Verd, l'appellent kionkomm; & ceux du pays d'Oualo vers l'ifle du Sénégal, lui donnent le nom de for-for. Il s'éleve rarement au-deffus de vingt à trente pieds: fon tronc eft rond & droit, de couleur tannée, & de fix pouces au plus de diametre. De fon fommet il fort une gerbe de feuilles de huit à neuf pieds de longueur, qui s'étendent en rond comme un parafol, & fe courbent un peu vers la terre. Le pied de cet arbre produit un nombre infini de tiges femblables à celle du milieu, mais qui s'élevent rarement à la hauteur de quatre ou cinq pieds. Ces tiges groffiffent confidéra

blement cet arbre, & même au point que par-tout où il fe feme naturellement en forêts, on a bien de la peine à s'ouvrir un paffage au travers des épines qui terminent fes feuilles. Ses fruits font plus courts que ceux du dattier cultivé; mais leur chair eft plus épaiffe. Ils font d'un goût fucré, très-agréable, & infiniment au-deffus de celui des meilleures dattes du Levant; peut-être parce qu'elles mûriffent mieux fur l'arbre.

pays,

1750.

Avril.

Palmifte.

Le palmiste eft de tous les palmiers (1) du celui qui s'éleve le plus. On en voit de soixante à quatre-vingt pieds de tige, fans aucune branche. Son tronc est noir extérieurement, également gros dans toute fa longueur, & du diametre d'un à deux pieds, Sa tête fe charge de feuilles à peu près comme le dattier. Il porte des fruits ronds de la groffeur d'une petite noix, & recouverts d'une chair jaunâtre dont on fait l'huile de palme. Les nègres lui donnent le nom de tir. C'est de ces deux arbres qu'on tire le vin de palme. Vin de palme. Cette liqueur reffemble parfaitement au petit lait par fa couleur. Il y a plusieurs manieres de la tirer : voici comment les nègres pratiquent la premiere, & comme je l'ai fouvent pratiquée, à leur exemple, à l'égard du dattier dans la forêt de Krampsàne. On coupe une tige Premiere maà quelques pouces au-deffous de la couronne, dont on ne laiffe que quelques feuilles: on les couche par-deffus l'incifion, & on les y affujettit avec une cheville qui fe fiche dans l'arbre. L'extrêmité de ces feuilles fe replie enfuite dans une calebaffe, ou dans un petit pot de terre rond, d'étroite ouverture, qui fe trouve ainfi fuf

(1) Palma altiffima, non fpinofa, fructu pruniformi minore, racemofo fparfo. Sloan. Jam. vol. 2. tab. 215.

niere de le ti

rer.

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Avril,

1750. pendu fans pouvoir quitter les feuilles ni tomber. Par ce moyen la féve qui fort de la tige coupée, coule le long des feuilles, & va fe rendre dans le pot où elle s'amaffe.

Seconde ma

niere.

La feconde maniere de tirer le vin de palme fe réduit à faire un trou rond au-deffous de la tête de l'arbre, au lieu de la couper, & à y introduire quelques feuilles pliées, qui fervent de goutiere ou de canal, pour conduire la liqueur dans le pot qui y eft attaché.

Ces deux pratiques font faciles à exécuter à l'égard du dattier, dont on n'attaque que les tiges qui n'ont pas plus de cinq pieds de hauteur. Mais lorfqu'il s'agit de tirer le vin d'un arbre très-haut, comme du palmiste, on a beaucoup plus de peine. Les nègres ont un expédient merveilleux pour y monter. Ils fe fervent d'une fangle d'écorce de bauhinia, ou de feuilles de palmier amorties au foleil, battues & treffées, de trois travers de doigt de largeur. L'un des bouts est percé d'un œillet, dans lequel entre un bâtonnet atta ché en travers à l'autre bout, pour faire l'office de bouton. Cette fangle ne doit être ni trop fouple, ni trop roide : il lui faut un reffort fuffifant pour l'empê cher de trop plier. Elle fait comme un cercle de deux pieds & demi de diametre, qui lorfqu'il eft tendu le corps de l'homme & celui de l'arbre, devient un ovale qui laiffe environ un pied & demi de distance entre les deux. Avec cette ceinture, ils fe lient pour dont les nè- ainfi dire à l'arbre, & montent en s'aidant d'abord des fur les arbres. pieds, puis des genoux & des mains, jufqu'à ce que partie de la fangle qui appuie fur l'arbre, fe trouve audeffous de celle qui en foutenant leurs reins ou leurs

Maniere

gres montent

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par

la

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