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DES SACRIFICES. JE ne fais s'il eft un homme, quelque fombre que l'on fuppofe fon caractere, qui puiffe s'empêcher de rire en penfant à toutes les folles pratiques adoptées par les fots mortels dans les jours de fêtes, dans les facrifices & les autres actes de religion. Les prieres qu'ils font aux Dieux, les voeux qu'ils leur adresfent, l'opinion qu'ils en ont, pourroient dérider le front des plus mélancoliques. Je voudrois cependant, qu'avant de fe permettre d'en rire, on examinât (a) s'il ne conviendroit pas de

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(a) Ce fophifme de Lucien contre le culte que les hommes ont rendu de tout temps à la Divinité, n'en impofera, je pense, à perfonne ; fi cen'eft peut-être à quelques Ecrivains de nos jours qui n'ont pas craint de compromettre leur jugement, en le répétant férieusement les uns après. les autres.

regarder comme des impies malheureux, plutôt que comme de religieux adorateurs, tous ceux qui fe font de la Divinité une idée affez baffe & affez groffiere pour croire qu'elle ait befoin des foibles humains, & qu'elle foit flattée de leurs hommages ou choquée de leur indifférence. C'eft d'après cette opinion monftrueufe, que les fléaux qui ravagerent l'Etolie (a), les malheurs & le

(a) Diane, irritée de ce que Méléagre & Oénée fon pere, Roi de Calydon, ne lui avoient pas fait des Sacrifices, comme aux autres Dieux, envoya un fanglier ravager toute l'Etolie, & maffacra les habitans de Calydon. Les Princes Grecs: s'affemblerent pour tuer ce monftre ; & Méléagre, à leur tête, fit paroître beaucoup de courage. Atalante, fille du Roi d'Arcadie, qui avoit une grande paffion pour la chaffe, bleffa la premiere: le fanglier, dont Méléagre, qui aimoit cette: Princeffe, lui offrit la hure. Les oncles maternels: de Méléagre, mécontens de cette préférence, prétendirent l'avoir; mais ce jeune Prince les tua, & époufa Atalante. Lorfque Méléagre étoit venu au monde, les trois Parques avoient mis un tifon.

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maffacre des Calydoniens, & la déplorable destinée de Méléagre, ont passé pour être l'ouvrage de Diane, indignée, dit-on, de n'avoir point eu part à un Sacrifice d'Oénée : tant fut profond le reffentiment que conçut la Déesse de n'avoir point été invitée à ce banquet royal! Il me femble en effet la voir, restée feule dans le ciel, fe livrant à la plus amere douleur, tandis que tous les autres Dieux font defcendus chez le Roi d'Etolie; elle fe défefpere d'être privée d'un auffi délicieux feftin. C'est encore la même erreur qui fait appeler

au feu, en disant: Cet enfant vivra tant que ce tifon durera. Althée fa mere fe faifit du tifon fatal, l'éteignit, & le garda bien foigneufement; mais elle le jeta au feu, pour venger la mort de - fes freres.

Calydon étoit une ville d'Etolie, fituée fur le fleuve Evénus, qui traverfe cette Province dans fa longueur. L'Etolie fuccede à l'Acarnanie, & du bord de la mer vers Calchis, au commencement du détroit de Corinthe, s'enfonce dans les montagnes jufqu'aux confins de la Theffalic.

trois fois heureux les fortunés Ethiopiens ; qui fait dire, d'après Homere, que Jupiter eft plein de reconnoiffance à leur égard, & qu'il leur fait bon gré de ce qu'ils l'ont traité pendant douze jours de fuite, avec les autres habitans du Ciel, qui l'accompagnoient comme autant de Parafites. Ainfi, les Dieux ne donnent rien pour rien, & ils vendent bien aux hommes les graces qu'ils leur accordent. Celui-ci achetera la fanté par une geniffe, celui-là les richesses par un facrifice de quatre boeufs, cet autre un Empire par une hécatombe; l'un obtiendra fon retour d'Ilium à Pyles (a), pour neuftaureaux; un autre fera obligé d'immoler une Princeffe fa

(a) Il y avoit dans la Grece deux villes connues fous le nom de Pyles, qui fe difputoient P'honneur d'avoir appartenu au vieux Neftor; l'une étoit dans la Meffénie, Pylus Messeniacus, & l'autre dans l'Elide. Ces deux Provinces étoient à l'occident de la Grece, fur les bords de la mer Ionienne.

fille (a), pour paffer heureufement de l'Aulide à Troie. Hécube aura beau facrifier douze boeufs, & offrir un voile fuperbe à Minerve (b), ce ne sera point affez pour empêcher fa ville d'être prife. Il eft cependant bien des chofes dans le Ciel, que l'on pourroit payer avec un coq, une couronne de fleurs, ou quelques grains d'encens. Chrysès

(a) C'est Iphigénie, ou Iphianasse, fille d'Agamemnon. Elle fut nommée par Calchas pour être la victime qu'il falloit facrifier en Aulide, afin d'obtenir un vent favorable que les Grecs attendoient pour aller au fiége de Troie. Agamemnon la livra au Sacrificateur; mais elle fut enlevée par Diane, au moment où l'on alloit l'égorger.

Aulis étoit un Port de la Béotie, où fe fit l'embarquement des Grecs pour fe rendre devant Troie il étoit voifin de l'Euripe, détroit trèsrefferré, qui féparoit l'île d'Eubée de la Grece, & fur lequel on avoit jeté un pont.

(b) Hector, au fixieme chant de l'Iliade, v. 86, à la follicitation d'Héléno, engage Hécube fa mere à faire ces offrandes à Dians.

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