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JUPITER

LE TRAGIQUE (a).

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MERCURE, MINERVE, JUPITER, JUNON, NEPTUNE VÉNUS, LE COLOSSE DE RHODES, MOMUS, APOLLON, HERCULE, HERMAGORAS, TIMOCLÈS, DAMIS.

MERCUR E.

POURQUOI, grand Jupiter, cet air triste &

rêveur ?

D'un fombre Philofophe on vous voit la pâleur.

(a) C'est-à-dire : Jupiter faisant un rôle ou un perfonnage de Tragédie, fe trouvant dans une grande détreffe, & dans une circonftance tout-àfait tragique.

Du Souverain des Dieux la démarche inquiete,
D'une vive douleur trop fidele interprete,
Alarme votre fils, & de fes foibles foins
Mercure vous fait l'offre en vos preffans besoins.
MINER V E.

Daignez, ô Roi puiffant de la nature entiere!
Expliquer à Pallas votre douleur amere.

JUPITER.

Il n'eft point de malheurs ou de foucis cuifans Que n'endurent les Dieux, qu'on nomme Toutpuiffans.

MINER V E.

Quel effrayant début! à quoi dois-je m'attendre?

JUPITE r.

Sophiftes infolens, faut-il donc vous entendre? Prométhée! en formant les perfides humains Quels maux me préparoient tes criminelles mains!

MINER V E.

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Parlez; de fes enfans qu'auroit à craindre un pere?

JUPITER.

A quoi me fert, hélas ! le vain bruit du tonnerre?

MINERVE. Mais modérez donc votre

emportement, & parlez un langage

plus humain ; il faudroit favoir fon Eurypide d'un bout à l'autre, pour vous répondre fur le même ton.

JUNON. Vous croyez peut-être que j'ignore la caufe de votre chagrin?

JUPITER.

Si vous la connoiffiez, vous feriez de beaux cris (a)!

JUNON. Je fuis sûre que vous avez quelque nouvel amour en tête; mais je ne m'en affecte plus; vous m'avez accoutumée à de pareils outrages. Quoi qu'il en foit, il y a tout lieu de préfumer que vous aurez rencontré une Danaé, une Sémelé, une Europe; vous pensez à vous faire taureau, Satyre ou pluie d'or, pour vous gliffer fous les tuiles & pénétrer jufqu'à votre maîtreffe; vos foupirs, vos larmes,

(a) Lucien a rassemblé ces vers de différens endroits d'Homere, & fur-tout d'Eurypide, en y faifant quelques changemens pour les adapter aux circonftances.

votre pâleur, font autant de fymptomes d'une paffion amoureuse.

JUPITER.

Quoi ! la bonne Junon croiroit que ma puissance Dépend des jeux d'Amour & de fon inconstance? JUNON. Et quelle autre chofe pourroit altérer le bonheur du grand Jupiter?

JUPITER. Les intérêts des Dieux font dans le plus preffant danger; il s'agit de favoir fi nous jouirons déformais des honneurs divins fur la terre, ou fi nous y ferons abfolument comptés pour rien.

JUNON. La terre auroit-elle donné le jour à de nouveaux Géans? Les Titans auroient-ils brifé leurs fers & prendroient-ils une feconde fois les armes contre nous?

JUPITER.

Raffurez-vous, le Ciel ne craint rien des Enfers. JUNON. De quel malheur plus effrayant êtes-vous donc menacé? car fi

tout ceci n'eft qu'une fauffe alarme, je ne vois pas à quoi bon vos pompeuses déclamations.

JUPITER. Il s'éleva hier, je ne fais à quelle occafion, une grande difpute fur notre providence, entre le Stoïcien Timoclès & l'Epicurien Damis. Ce qui me fâche le plus, c'eft qu'ils parlerent en présence d'une assemblée nombreuse & bien compofée. Damis foutenoit que les Dieux n'existoient pas, & n'avoient aucune influence dans la conduite du monde l'honnête Timoclès s'efforçoit de défendre notre caufe; mais comme la foule devint trop tumultueufe, on fe retira de part & d'autre avant d'avoir rien décidé. Ils font convenus de reprendre aujourd'hui la question, & de la difcuter à fond; tout le monde est en suspens; on marque une vive impatience de favoir lequel des deux aura raifon, & de quel côté teftera l'avantage. Vous voyez quelle extrémité nous fommes réduits

à

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