Imágenes de páginas
PDF
EPUB

Pf. 15.2.

[ocr errors]
[ocr errors]

luf

CHAP. VII. cheur. »Vous êtes mon Dieu, », dit le Prophete, parce que vous » n'avez befoin d'aucun de mes biens: Deus meus es tu, quoniam bonorum meoruip non eges. Et quel bien en effer pourrions nous avoir, que nous n'euffions pas reçu de vous? Qui a pu vous offrir & vous donner quelque chofe le premier ? Qui a pu fe difcerner des pecheurs & des ingrats par quelque diftinction dont votre grace ne ne fût pas le principe?

tout,

[ocr errors]

2. Ceux qui ne peuvent croire que Vous êtes plein d'amour pour les hommes, quoique pauvres, quoique miférables, quoiqu'injuftes, jugent de vous par eux-mêmes. Ils ne fçavent pas que vous êtes Dieu en tout, infini en tout, incompréhenfible en en amour comme dans tout le refte. Ils vous dégradent fans y faire attention, en voulant que vous ne puiffiez aimer que ce qui mérite d'être aimé; en refufant de reconnoître que votre amour eft créateur, & qu'il tire du néant le mérite de F'objet qu'il aime; en vous réduifant à la condition des créatures, qui font pleines de befoins; qui cherchent dans

ce qu'elles aiment le fupplément de CHAP. VIL leur indigence; qui font dans l'impuiffance d'ajouter rien de réel aux biens qu'elles cherchent, & qui étant ftériles par leur propre fonds, font abfolument incapables de changer la nature ou les qualités des objets qui ne conviennent point à leurs defirs.

3. Nous fommes, difent ces perfonnes qui paroiffent raisonner en s'éloignant des lumieres les plus pures de la raifon; nous fommes fi peu de chofe à l'égard de Dieu, il y a une distance fi immenfe entre fa majefté & notre baffeffe; il y a une telle oppofition entre fa fainteté infinie & nos injuftices, qu'il eft fans vraifemblance qu'il y ait entre lui & nous aucune liaison intime, & qui mérite le nom d'amour. Il faudroit donc, felon ces principes, que l'amour de Dieu ne fût ni gratuit, ni libéral, ni tout-puiffant. Il faudroit qu'il ne -pût ni juftifier l'impie, ni relever le pauvre de la pouffiere, ni tirer de la mifere un homme digne d'y être laiffé. Il faudroit que Dieu fût femblable à nous, foible, impuiffant, intereffé. Il

CHAP. VII. faudroit en un mot qu'il ceffât d'être le bien fouverain, fource de tous les autres biens ; & par conféquent qu'il ne fût pas celui que nous adorons comme le feul Dieu véritable.

4. Car l'idée qui nous repréfente plus fon être, eft celle du fouverain bien, qui fe fuffit à lui-même, qui eft indépendant de tout autre bien, & qui peut en être la fource en fe communiquant. Il est effentiel au bien fouverain d'être défintereffé, & de l'être en tout fens, & fous toutes fortes d'égards. Et il lui eft effentiel auffi de pouvoir fe communiquer, fans s'épuifer jamais, & fans fe partager. Comme défintereffé, il ne fuppose aucun mérite. Comme capable d'une communication infinie, c'eftà-dire perpétuelle, & qu'aucun terme ne peut borner, il peut donner tel mérite qu'il lui plaît. Il nous a vûs. tels que nous étions, injuftes, ingrats, indignes de pardon : mais il n'avoit pas befoin de notre vertu, & il pouvoit nous la donner. Il ne trouvoit en nous aucun mérite: mais il étoit affez riche & affez bon pour nous en accorder un très-grand. Il a aimé en

nous les reftes de fon premier ouvra- CHAP. VII. ge, quoique nous l'euffions défiguré. Il a aimé fes dons futurs. Il a aimé le changement qu'il lui plaifoit de faire dans notre êtat. Il a aimé fes deffeins de miféricorde fur nous. Et c'eft lui ôter tout à la fois fa miséricorde, fa liberté, fa puissance, & même fa divinité, que de lui ôter le pouvoir de rendre dignes de fon amour ceux qui en font indignes.

S. VII.

D'autres dégradent Dieu par une erreur contraire, en prétendant que l'amour de la créature pour Dieu doit être défintereffe. 1o. Par un tel défintereffement on réduit le fouverain bien au rang des biens particuliers. 2o. On rend la créature égale à Dieu. L'amour de Dieu pour nous est tout gratuit.

1. PAR une erreur qui paroit contraire à celle que je viens de combattre, mais qui n'en eft pas moins op

CHAP. VII. pofée à la qualité de fouverain bien qui eft effentielle à Dieu, on tranfporte à la créature le défintereffement qui ne convient qu'à lui feul. On regarde comme une perfection de l'amour qui lui eft dû, un défintereffement général & abfolu; & comme un mélange contraire à la pureté de cet amour, l'interêt qu'on trouve à aimer Dieu. Si cet interêt étoit différent de Dieu même, & fi l'on rapportoit l'amour que l'on a pour lui, à un autre objet, & à une autre fin, un tel interêt ne feroit pas feulement un affoibliffement & une altération de l'amour qui lui est dû, mais il feroit criminel: parce que dans cette fuppofition, Dieu ne feroit aimé que comme moyen; & le bien auquel on le rapporteroit, & qui ne pourroit être que la créature, feroit aimé comme derniere fin. Mais ce n'eft pas de cette forte d'interêt, qui convenoit aux Juifs, enfans de lefclave & non de l'époufe libre, qui fervoient Dieu pour des récompenfes temporelles ; ce n'eft pas, disje, de cette forte d'interêt qu'il s'agit. On porte le défintereffement bien

« AnteriorContinuar »