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CHAP. VIII. s'il cherche hors de vous la paix & le bonheur, il ne trouvera qu'affli. ction & mifere. Plus il s'appuiera fur une autre main que la vôtre, plus le foible rofeau qu'il choisira pour fon appui lui percera la main par fes pointes aiguës en fe brifant. Plus il voudra fe repofer en lui-même, plus il fe deviendra infupportable. Plus il cherchera dans des biens étrangers celui qu'il n'a pas, plus il augmentera fon indigence, en augmentant fon agitation. Il n'y a par tout, hors de vous, Seigneur, qu'une vaine apparence de felicité, qui cache aux imprudens un vuide affreux, & une réelle mifere. L'homme injufte fuit fon bonheur, en vous fuiant. Il ceffe de le chercher, en ceffant de vous aimer. Il le cherche foiblement, en vous ai mant foiblement.

3.

11 reffemble à un malade qui connoiffant peu fa maladie, en accufe fa fituation. Il en change à tout moment. Il fe fait transporter d'un • lit à un autre, d'un appartement à un autre.Il prend toutes fortes de figures. Il fe place dans tous les fens où il efpere trouver quelque relâche. Il fe

tourmente & s'inquiete, & fatigue CHAP. VIÊ ceux qui le fervent, par des ordres contraires. Mais rien ne change fon état. Toutes fes fituations font dures & pénibles: & foit qu'il fe couche fur le côté, fur le dos, fur la poitrine, foit qu'il invente d'autres imanieres de fe mettre, tout le blesse & tout le repouffe. Malheur à l'ame infidéle & préfomptueufe, ô mon Dieu, qui efpere, en s'éloignant de vous. trouver quelque chofe de plus confolant & de plus doux ! Qu'elle s'agite, qu'elle fe tourne, qu'elle varie fes objets & fes defirs, elle éprouvera que tout fe convertit en affliction & en amertume pour elle, & que Vous

feul

pouvez être fon repos. Ve ani- Aug. 1. 6. ma audaci, quæ fperavit, fi à te recef- Conf.c.26.1.3. fiffet, fe aliquid melius habituram. Verfa & reverfa in tergum, & in latera, & in ventrem, & dura funt omnia, & tu folus requies.

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4. C'est une juftice que cela foit ainfi, & que le mauvais choix qu'on fait d'un autre objet, foit puni à l'inftant par une amertume qui deviendroit un remede, fi l'on fçavoit en profiter. Il est même de la bonté &

CHAP. VIII de la miféricorde de Dieu, de trou

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bler le faux repos qu'on cherche hors de lui, dans les créatures qui n'ont que ce qu'il leur a donné, & qui font incapables, quand elles feroient tou tes réunies, de tenir lieu de lui, & de confoler le cœur de fon absence.

5. Où courez-vous à travers des lieux escarpés, nous dit la Sageffe éternelle,par la bouche de faint Auguftin? Où courez-vous? Ne voiez-vous pas que le bien que vous poursuivez n'a que ce que Dieu lui a donné; qu'il n'eft qu'une foible participation de fa bonté & de fa beauté, & qu'il en dépend totalement ? Les perfections qu'il en a reçues font réelles, mais très-bornées ; elles n'ont aucune proportion avec vos defirs qui font infinis. Elles en ont encore moins avec le bien fouverain que vous abandonnez. N'eft-il pas jufte, fi vous perfévérez dans une fi injufte préférence, que la créature vange le créateur par la trifteffe & par l'amertume, dont Aug. Conf. 1. Votre méprife fera firivie? Quo itis in 4. 6. 11. n. 1. afpera? Quo itis ? Bonum quod amatis, ab illo eft. Sed quantum eft ad illum? Bonum eft & fuave; fed amarum erit

juflè,

juftè, quia injuftè amatur, deferto illo, CHAP. VIII. quidquid ab illo eft.

S. V.

la

Si un tel amour fans partage ne
nous étoit pas commandé par
loi, nous devrions fouhaiter
qu'il nous fût permis, parce
lui feul peut nous rendre

que
heureux.

1. S'IL étoit donc poffible que le commandement indifpenfable d'aimer Dieu de tout notre cœur ne

nous imposât pas cette heureuse né-
ceffité,
nous devrions pour notre
propre interêt defirer qu'un tel
amour nous fût permis. Car la vie de
notre cœur étant l'amour, & notre
cœur étant comme la vie de notre
ame, nous ferions toujours indigens.
& toujours malheureux, fi nous étions
contraints d'errer de biens particu-
liers en biens particuliers, fans pou-
voir nous fixer dans aucun, parce
qu'aucun n'a les mêmes caracteres
que nos defirs, qui font immenfes &
infinis, & que rien ne peut
les fatis-

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Partie I.

Bb

CHAP. VIII. faire, s'il n'eft le bien univerfel, le bien même dans fa fource, le bien par effence & par état.

2. Quelque injuftes & quelque aveugles que nous foions, notre injuftice & notre erreur ne changent ni nous, ni les biens. Nous n'avons rien de moins, & les biens n'ont rien de plus. La difproportion entre eux & nous fubfifte malgré nous. Nos pensées & nos paffions peuvent nous tromper avant l'expérience & l'effai: mais l'expérience & l'effai nous détrompent, fans que nous puiffions en empêcher l'effet.

3. Nous accufons alors notre méprife, ou l'objet; mais avec efpérance de mieux réuffir, en faifant un autre choix. Et ce nouveau choix,

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caufé par la même illufion, eft puni par le même repentir. Nous fommes ainfi toujours occupés de la recher che, & toujours trompés. Ne ferions-nous pas bien malheureux, fi cette inquiétude & cette continuelle méprife étoient fans remede? Et n'eftce pas pour nous une grace d'un prix infini, qu'il nous foir permis (car part le commandement) de

mets à

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