fixer enfin notre cœur & fes defirs CHAP. VII. dans le feul bien capable de les remplir ? 4. Ой pouvons-nous en effet les fixer, que dans la vérité même, & dans celui de qui nous tenons tout ce que nous avons, & tout ce que nous fommes? Y a-t-il pour nous un afyle plus fûr? Pouvons-nous mettre en dépôt nos defirs & nos efpérances dans des mains plus fidelles & plus puiffantes? Et après tant d'expériences, qui n'ont fervi qu'à nous laffer & qu'à tromper notre avidité, ne devons-nous pas regarder comme un bonheur la liberté que Dieu nous accorde, de venir enfin nous repofer auprès de lui, & de le fupplier de remplir un cœur dont le poids nous accable, & dont l'activité nous dévore? Ibi fige manfionem tuam; ibi S. Aug. lib. commenda quidquid inde babes, anima 4. Conf. c. 11. mea, faltem fatigata fallaciis. Veritati commenda, quidquid tibi eft à veritate i &non perdes aliquid. n. I. Ce feroit pour nous un grand malheur de laiffer perdre par les différens écarts de l'amour notre bien le plus précieux, au lieu de le réunir en Dieu feul. réu 1.CEs mots, & non perdes aliquid, renferment un grand fens, & font une puiffante exhortation pour nir en Dieu & en JESUS-CHRIST fon Fils tout notre amour. Car que deviendront tous les ruiffeaux particuliers qui fe détournent de cette fource? Où fe terminent-ils ? Quelle en eft la fin, & quel en eft le fruit? Je fuppofe que ces écarts foient permis, au lieu qu'ils font injuftes. Je fuppofe qu'ils foient exemts de peché, au lieu qu'ils font contre l'ordre & contre la loi naturelle. N'est-ce pas pour nous un grand mal, qu'ils foient infructueux & fteriles? Pourquoi laiffons-nous tomber dans un égout des eaux deftinées à embellir & à arrofer un jardin? Aquam fluentem in cloa cam converte in hortum, nous dit faint Auguftin; & n'a-t-il pas raifon de CHAP. VIII. nous le dire ? 2. Que nous reftera-t-il à la fin de la vie, de tout ce qui se sera répandu en chofes frivoles, en ufages temporels, en defirs fugitifs & paffagers ? Pourquoi confentons-nous fi facilefe ment que notre amour partage & s'épuife en mille objets que le tems nous enleve? Et pourquoi travaillons-nous nous-mêmes à nous appauvrir, en diffipant le plus précieux & le plus cher de nos biens, qui est l'amour? Le menfonge & la vanité nous enlevent par notre imprudence, ce que la vérité nous eût confervé. Ferons-nous toujours la même faute? & ne comprendrons-nous point enfin que c'eft nous feuls qui perdons, quand nous diminuons quelque chofe de l'amour que nous devons à Dieu ? Veritati commenda, quidquid tibi eft à veritate, & non perdes aliquid. B b iij CHAP. VIII, S. VII. Dieu en nous ordonnant de l'aimer, nous commande de chercher notre bonheur où il eft, & nous défend d'être malheureux. Si un autre bien que Dieu pouvoit nous rendre heureux, Dieu qui eft l'équité même, nous permettroit de P'aimer. Le commandement qu'il nous fait de l'aimer seul, & de l'aimer fouverainement, eft uniquement pour nous: & ce commandement fe réduit à celui de chercher notre bonheur où ileft, & à la défense d'être miférables. Cherchez, nous dit Dieu par ce grand précepte, ce que vous cherchez; mais cherchez-le où il eft. Vous defirez d'être heureux : & puifque c'eft moi qui vous en infpire le defir, je n'ai garde d'y mettre obftacle. Mais où voulez-vous être heureux ? En quel tems, & comment ? Est-ce dans votre exil, & dans le tems de votre pénitence, que vous devez l'être? Et pouvez-vous le devenir par l'abus des créatures, dont l'usage feul vous eft permis, & qui ne font point vo ? tre fin? Puis-je leur ceder mon rang CHAP, VIII. S. VIII. L'amour de Dieu fans partage peut feul nous rendre heureux dans cette vie. 1. Si quelque chofe peut nous rendre heureux dans cette vie, quoique mêlée de mille afflictions, & defti Bb iiij " |