CHAP. III. fonne porter réellement nos liens ; -être menée captive devant tous les Tribunaux; deshonorée dans le confeil des Juifs par des foufflets & par un indigne bandeau; traitee de folie par Herode & par fa cour; punie par le fupplice des efclaves dans le Prétoire; mife en parallele, non avec Jofeph & les autres juftes, mais avec deux criminels publics; & mourant dans le fein de l'ignominie. 2. Elle nous promettoit, cette divine Sageffe, d'être avec nous dans l'affliction, de nous y proteger, de Pfal. 90, 15. nous en délivrer. Cum ipfo fum in tribulationes eripiam eum, & glorificabo eum. Mais nous n'aurions jamais pû concevoir qu'elle fût capable de partager réellement avec nous nos fouffrances pour les adoucir, & pour nous en délivrer, fi elle ne s'étoit pas mife dans le même état que le nôtre, & fi elle n'avoit pas uni dans le fien toutes les efpeces de douleurs qui font partagées & divifées entre ceux qui lui font fidéles. Il n'y en a aucun qui ne foit confolé en fe fou venant que fon Seigneur & fon Dieu a éprouvé tout ce qu'il fouffre, & qui ne trouve dans les épines qui lui CHAP. III. percent la tête, dans les cloux qui fui percent les pieds, dans la dure fituation qui le tient étendu sur la croix, dans les outrages qui lui font faits par toutes fortes de perfonnes, un adouciffement à fes peines, un rafraîchiffement dans fes plus preffantes douleurs, une paix & un repos dans les tortures les plus violen tes. pour 3. Il n'y en a aucun qui ne tire de fon agonie, & de fa défaillance au milieu d'une fueur de fang, une nouvelle force & un nouveau courage fe foumettre aux volontés de Dieu, quoique contraires aux inclinations naturelles. Il n'y en a aucun qui ne fonde fon efpérance fur l'abandon extérieur dont JESUS-CHRIST lui-même fe plaint à fon Pere: & les plus foibles, malgré leurs craintes & leurs foibleffes,fentent au fond de leur cœur une fecrette affûrance que leur patience n'eft pas rejettée, parce que celui qui eft la force des Martyrs n'a pas dédaigné de s'abbaiffer jufqu'aux plus foibles de fes brebis, pour fandifier leurs craintes en les foumet CHAT. III. tant à l'obéiffance, parce qu'il eft pret à excufer la répugnance naturelle & les gémiffemens d'une victime tremblante, quand d'ailleurs elle confent à être facrifiée; & parce qu'il fçait par lui-même combien l'épreuve de la douleur, quand elle eft extrême, eft au-deffus de la nature. י, : 4. Il eft permis alors à un homme, foumis à la vérité, mais craignant de ne l'être pas affez, ou de ne l'être pas toujours, de représenter à Dieu qu'il trouve fa main bien pefante, & de Job.6.1.2. lui dire avec Job: Quelle eft donc ma force, Seigneur, pour pouvoir vous répondre que ma patience ne s'affoiblira pas? Vos épreuves n'ont point de fin mais ma patience est très bornée. Je n'ai pas la dureté & l'infenfibilité des pierres, & ma chair n'eft point de bronze. Il lui eft encore plus permis de s'adreffer à J E s USCHRIST pour lui faire des plaintesdont l'humilité eft le principe, & de lui dire Vous fçavez par l'effai que vous en avez fait, ô mon Sauveur, que ma chair n'eft pas infenfible, qu'elle eft brûlée & déchirée la par douleur, qu'elle y fuccombe, fi elle n'eft puiffamment foutenue. J'appelle CHAP. III. Les fouffrances de JESUS-CHRIST parer à a enduré 1. C'EST ainfi que les forts & les foibles trouvent une confolation toujours préfente & toujours réelle, fortiffimum folatium, dans leurs affli- Heb. 6.184ctions particulieres, en penfant à CHAP. III. JESUS crucifié, quand cette perfée eft l'effet d'une foi vive, foutenue par la reconnoiffance & par l'amour. Mais ce n'eft pas dans les feules afAlictions particulieres & perfonnelles que le fouvenir des fouffrances & de la croix de JESUS-CHRIST eft une fource de confolation & de paix : c'est auffi dans les malheurs publics & généraux, fur- tout quand ils ne font que temporels, & qu'on en peut faire un faint ufage par une patience chr tienne. Car dans l'es afflictions de ce genre, que qu'elles foient grandes, & qu'elles méritent de la compaffion & des larmes, que peut-on y comparer avec JESUSCHRIST Couvert d'opprobres, & mis en croix par fes propres créatures? Lorfque Rome, capitale de P'univers, fut prife & pillée par les Goths, la confternation fut univerfelle, & le récit des défordres caufés dans cette grande ville attendrit tous les peuples qui faifoient partie de l'empire Romain. L'Afrique fur émue comme les autres provinces ; & faint Auguftin, qui joignoit à un excellent naturel les entrailles que |