CHAP. I. maux, nous empêchoient de nous attacher à la vertu. JESUS-CHRIST en renonçant à ces biens dont l'amour nous affoibliffoit, les a dégradés & deshonorés, & nous les a rendu méprifables. Et en acceptant les maux dont la crainte nous faifoit abandonner la vérité & la juftice, il les a vaincus pour lui & pour nous, & il a mis en poudre tous les obfta→ cles qui nous retenoient. Omnia que habere cupientes non rectè vivebamus carendo vilia fecit. Omnia qua vitare cupientes à ftudio deviabamus veritatis, perpetiendo dejecit. Tota vita ejus in terris, difciplina morum fuit. Ibid. n. 32. S. II. Defcription de l'état où étoit l'univers avant la Croix de JESUSCHRIST. Regne univerfel de l'idolatrie. Incertitude & timidité parmi les philofophes fur les points les plus effentiels de la religion. La Croix a prouvé les vérités du falut, les a rendu populaires, & a inspiré le courage de les défendre. I. AVANT la Croix de JESUS-CHRIST dans quel état étoit l'univers? Quel ufage avoient fait les hommes du fpectacle de la nature, & de l'admirable fageffe qui éclate dans tous les ouvrages du Créateur? Le vrai Dieu avoit-il un temple dans toute la terre, excepté l'unique temple de Jérufalem? La raifon avoit - elle garanti quelque peuple de l'idolatrie, quoiqu'elle foit fi oppofée à la loi naturelle: Ceux qui faifoient profeffion d'une plus haute fageffe, n'avoientils pas converti en problêmes les vé CHAP. I. CHRIT crucifié CHAT. I. rités les plus conftantes, & obscurci par leurs vains raifonnemens les anciennes traditions fur l'immortalité de l'ame, la résurrection des corps, les biens ou les maux préparés à la vertu ou au vice, que le fimple peuple, malgré fes ténébres, confervoit plus religieufement que les philosophes Ceux d'entre-eux à qui Dieu avoit manifefté fon unité, fa providence, & fa juftice, n'avoient-ils pas. retenu ces connoiffances dans le fecret par une ingrate & timide lâcheté: Un feul d'entre-eux s'eft-il élevé contre l'impiété qui avoit fubftitué au Dieu vivant & véritable des idoles muettes, & des figures non feulement d'hommes, mais de bêtes & de reptiles? Un feul s'eft-il abftenu d'aller dans les temples, quoiqu'il Scholas ha- n'approuvât pas dans fon cœur le bebant priva- culte fuperftitieux qu'il autorifoit par Communia. S. fa préfence & par fon exemple ? L'uSocrates, nique dont la religion fut mife à l'épreuve, ne traita-t-il pas de calomniateurs ceux qui l'accufoient de n'adorer pas les dieux que les Athé Xenophon. niens adoroient? Son Apologiste, qui étoit auffi fon difciple & fon ami, tas, &templa Aug. le défend -il autrement, qu'en af- CHAP. I, furant qu'il a toujours reconnu les memes divinités que le peuple? Et Platon lui-même n'eft-il pas contraint d'avouer que ce lâche prévaricateur ordonna un facrifice impie, quoiqu'il fût certain de mourir? Un petit Fragmen extrait d'une lettre de Platon nous platonis ad tum Epiflole fait voir combien il craignoit de s'ex- Dion. pliquer fur la nature & l'unité de Dieu, & combien par conféquent il étoit éloigné de lui rendre graces, de le confeffer devant les hommes, & de s'expofer au moindre danger en lui rendant témoignage. Les actions. hontenfes qu'on attribuoit aux faux Dieux, le faifoient rougir; mais il fé contentoit de dire, ou qu'ils n'étoient pas coupables de ces crimes, s'ils étoient Dieux, ou qu'ils n'étoient pas Dieux, s'ils les avoient republic. lib. commis: fans ofer dire qu'il n'y avoit qu'un feul Dieu, & fans avoir le courage de s'élever contre le culte public fondé fur les crimes mêmes dont il avoit honte. Plato de 2. Quelle apparence y avoit - il qu'on pût jamais détromper des hommes charnels, groffiers, prévenus, CHAP. I attachés à un culte qui favorifoit tou tes leurs paffions, & qui juftifioit tous leurs vices, qu'on pût leur perfuader des vérités auffi fublimes que celles qui font le fondement de la religion chrétienne; qu'on pût les rendre capables d'un culte intérieur & fpirituel, où les fens ne comprennent rien, & dont la cupidité eft ennenie? Et qui, s'il avoit été confulté fur le choix des moyens pour réuffir à ce grand ouvrage, auroit penfé à la Croix & aux opprobres dont elle étoit couverte ? 3. Cependant c'eft de cette Croix qu'eft venue toute la lumiere & toute la fageffe des nations. C'eft en y voiant le Fils de Dieu attaché, qu'elles ont connu la vanité de l'idolatrie; l'unité de l'effence divine dans des perfonnes diftinctes; la corruption générale de la nature humaine, dont l'origine est infectée; le befoin qu'avoient les hommes d'un médiateur ; l'impuiffance où ils étoient de retourner à Dieu par leurs feuls efforts, ou par des moyens qui ne réformaffent pas leurs volontés; la néceffité de vivre fous les yeux de Dieu, & |