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Ainfi le nom de forêt fait concevoir plufieurs arbres, celui de peuple plufieurs hommes, & celui d'armée plufieurs foldats. Il en est de même des noms multitude, infinité, nombre, quantité, troupe, la plupart, &c.

D. Qu'est-ce que les noms propres ?

R. Ce font ceux qui expriment des idées fingulieres, c'est-à-dire,des idées qui ne nous repréfentent qu'une chofe unique : comme les noms de Ciceron & de Paris, qui ne conviennent qu'à un feul homme & à une feule ville..

D.

Q

ARTICLE II.

Du Nom adjectif.

U'EST-CE qu'un nom adjectif? R. C'eft un nom qui exprime un objet vague, confidéré comme revêtu de quelque qualité. Ainfi quand je prononce le mot grand, je veux parler d'une chofe, quelle qu'elle puiffe être, qui a la qualité de gran

deur.

D. Comment définit-on autrement le nom adjectif?

R. C'eft un nom qui exprime les qualités d'une chofe, & qu'on ne peut entendre clairement qu'en y joignant un nom substantif.

D. Apportez-moi quelques exemples pour me faire mieux entendre cette définition.

R. Quand je dis rouge, aimable, généreux »

j'exprime les qualités de quelque chofe: mais on n'entend ces mots clairement, que quand j'y joins des mots fubftantifs: comme lorfque je dis, un habit rouge,un enfant aimable, un cœur généreux.

D. Il me femble pourtant qu'il y a des noms qui n'expriment que des qualités, & qui s'entendent fans être joints à d'autres mots : tels que font la vertu, la vanité, la pénétration, & une infinité d'autres.

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R. Cela eft vrai; mais ce font des noms fubftantifs que l'on appelle abftraits, parce que les qualités qu'ils expriment font confidérées comme fubfiftantes par elles-mêmes, & comme détachées & indépendantes de tout objet qui peut en être revêtu; quoiqu'en effet elles n'aient point d'existence réelle dans la nature, & qu'elles ne fubfiftent que dans l'entendement,lorfqu'elles font conçues de cette

maniere.

D. En quoi donc un nom adjectif differe-t-il d'un nom fubftantif abftrait?

R. En ce que le nom adjectif exprime nonfeulement une qualité, mais préfente encore à l'efprit l'idée confufe de quelque chofe qui en eft revêtu. Ainfi quand je dis rouge, cela veut dire quelque chofe en général qui est rouge: & cette idée confufe ne devient claire & diftincte, que quand on joint la qualité à une chofe déterminée; comme lorfque je dis, un habit rouge.

Au lieu que le nora fubftantif abftrait n'exprime fimplement que la qualité, fans préfenter aucune autre idée à l'efprit : ce qui fait qu'il s'entend clairement fans être joint à un autre mot: comme quand je dis, la rougeur. D. N'y a-t-il pas une regle générale pour diftinguer un nom fubftantif d'avec un nom ad jectif?

Ŕ. Oui: toutes les fois qu'on peut joindre le mot chofe ou perfonne avec un nom, il est adjectif; & quand on ne ne peut y joindre aucun de ces deux mots, il est substantif.

D. Faites l'application de cette regle générale à quelques noms.

R. Table, livre, font des noms substantifs, parce que je ne puis pas dire chofe table, chofe livre, ni perfonne table, perfonne livre; mais agréable, habile, font des noms adjectifs, parce que je puis dire, chofe agreable, une perfonne habile.

D. Un même nom eft-il toujours ou fubftantif ou adjectif?

R. Non: il arrive quelquefois que le même mot eft tantôt un vrai nom substantif, & tantôt un vrai nom adjectif. Par exemple, les mots, colere, facrilege, politique, font de vrais noms fubftantifs dans les phrafes fuivantes : Craignons d'irriter la colere de Dieu : La communion indigne eft un facrilege: La politique eft rarement d'accord avec la fincérité; parce que dans ces phrafes, les mots, colere, Jacri

lege, & politique, expriment des chofes qui fubfiftent & qui s'entendent d'elles-mêmes. Au lieu que ces mêmes mots font de vrais noms adjectifs, quand on dit, une homme colere, une main facrilege, une conduite politi que; parce qu'ils n'expriment que des qualités d'homme, de main, & de conduite.

Il y a des noms adjectifs, qui font quelquefois employés à la place des fubftantifs abftraits: comme quand on dit, rien n'eft beau que le VRAI,c'est-à-dire, que la vérité. Le FAUX d'un principe, c'est-à-dire, la fauffeté. Le SUBLIME d'un difcours, c'eft-à-dire la fublimité. Souvent on emploie les noms adjectifs de cette maniere, faute de substantifs abftraits qui puiffent fignifier précisément la même chofe: comme quand on dit, lefort de la mêlée; faire fon poffible; ce ne feroit pas la même chofe de dire la force de la mêlée, faire fa poffibilité, &c.

Il eft vrai auffi que la plupart des noms adjectifs pris fubftantivement, renferment l'idée d'un fubftantif vague & général dont ils font adjectifs, comme quand on dit preférer l'utile à l'agréable, c'est-à-dire, préférer la chose utile a la chofe agréable, ou préférer ce qui eft utile à ce qui eft agréable.

Il y a encore une autre forte de noms, qui fubfiftant feuls dans le difcours, font regardés communément comme substantifs, quoiqu'au fond ce foient de véritables adjectifs,

parce qu'ils préfentent à l'efprit des objets revêtus de quelques qualités: tels font les noms roi, reine, pere, mere, fils, époux, époufe, magiftrat, philofophe, peintre, foldat, &c. Mais comme les offices ou qualités fignifiées par ces mots, ne peuvent convenir qu'à des hommes ou à des femmes, il n'a pas été néceffaire d'y joindre leur fubftantif, qui fe fous-entend fans confufion. Ainfi quand je dis, un roi, une reine, on entend affez que je veux parler d'un homme qui eft roi, d'une femme qui eft reine, & ainsi des autres.

ARTICLE III.

Des Noms de nombre.

D.QU'EST-CE

·U'EST-CE que les Noms de nombre? R. Ce font des noms qui expriment les rapports numériques que l'on conçoit dans les chofes.

D. Combien y en a-t-il de fortes ?

R. Deux fortes: les noms de nombre adjectifs, & les noms de nombre substantifs.

D. Quels font les noms de nombre adjectifs? R. Ce font les noms de nombre abfolus ou cardinaux, & les noms de nombre ordi

naux.

D. Qu'entendez-vous par noms de nombre abfolus ou cardinaux ?

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