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que les jeunes gens qui fe difpofent à apprendre ou qui apprennent déja la langue latine. Mais ce n'eft pas pour eux feuls que j'ai travaillé, & je donne encore plus d'étendue à l'ufage de cette méthode.

On peut affurer en général, qu'à l'exception des gens de lettres, & d'un petit nombre de perfonnes qui ont étudié dans les Colleges, il n'y a prefque pas de François qui fache fa langue par principes. Et il y a lieu de s'étonner que ce ne foit qu'en France our l'on trouve fi peu de goût pour une langue qui par fa beauté eft devenue celle de prefque toutes les Cours de l'Europe, & dont les Etrangers font tant de cas, qu'ils n'épargnent ni dépenfes, nivoyages, pour en avoir une parfaite connoiffance.

Les Romains n'avoient pas pour leur langue la même indifférence que nous avons pour la nôtre. L'étude du latin précédoit toujours l'étude des autres fciences, qu'ils fefoient apprendre à leurs enfants : & le foin qu'ils prenoient de les former de bonne heure à la pureté du langage, alloit jufqu'à ne les confier, même dans l'âge le plus tendre, qu'à des nourices ou autres domeftiques qui fuffent parler correctement, & dont l'accent n'eût rien de défectueux.

C'eft fans doute au défaut de principes que l'on doit attribuer tant d'expreflions irrégulieres & de prononciations vicieufes

qui échappent tous les jours, je ne dis pas feulement aux gers du commun, mais même aux perfonnes de l'un & de l'autre sexe, qui tiennent un rang diftingué dans le monde. Et fi parmi ceux qui fréquentent la Cour & les gens de lettres, il s'en trouve quelquesuns qui parlent plus correctement que les autres, ce n'eft jamais que par habitude & par imitation.

Cette ignorance générale paroît furtout dans l'écriture. Tel s'exprime d'une maniere exacte, qui n'écrit pas toujours de même. Une Dame, par exemple, fait tout le plaifir d'une converfation par fon efprit, par les graces qu'elle fait répandre fur tout ce qu'elle dit, par les expreffions fines & délicates dont elle fe fert. Que cette même Dame s'exprime par écrit, il femble que ce ne foit plus la même perfonne. Son efprit, il eft vrai, paroît toujours dans fa lettre. Les penfées n'y ont pas au fond moins de vivacité ni moins de délicateffe. Mais fouvent il n'y a plus ni conftruction ni liaifon dans les phrases, & les regles les plus effentielles de l'orthographe y font négligées dans prefque tous les mots, de maniere qu'on ne lit qu'avec peine ce que l'on entendroit dire avec plaifir.

Ces fautes ne peuvent abfolument s'éviter que par une étude particuliere de la langue. L'ufage du monde & la lecture des bons livres peuvent bien rectifier en quelque chofe

le langage & l'écriture; mais ils ne donneront jamais de principes. 11 faut donc avoir recours aux Grammaires. On en a fait un allez grand nombre pour notre langue, parmi lefquelles il s'en trouve d'excellentes. Mais on peut dire des plus parfaites, fans prétendre rien ôter de leur mérite, qu'elles font trop chargées, & qu'elles ne font pas affez fimples pour les perfonnes fans étude, & furtout pour les Dames, qui font d'abord rebutées par la nouveauté des termes, & effrayées par l'abondance des matieres.

J'ai toujours penfé que c'étoit-là le plus grand obftacle à l'inclination qu'elles pouroient avoir d'étudier leur langue, & que le feul moyen de le lever étoit de leur préfenter une méthode courte & facile, où elles ne trouvaffent que des principes généraux, fuivis, & raifonnés.

J'efpere qu'elles apprendront en peu de tems dans celle-ci, ce que notre langue a de plus effentiel, tant pour l'expreffion que pour l'orthographe, & que quand elles fauront bien toutes les regles qui y font contenues, elles feront en état de lire fans peine & avec fruit les autres ouvrages qui traitent avec plus de détail de tout ce qui peut contribuer à la perfection & à la pureté du langage.

Je me fuis fait un devoir de fuivre les principes & les regles que l'Académie a établis

dans la derniere Edition de fon Dictionnaire. Cet excellent ouvrage eft fans contredit la fource la plus pure à laquelle on puiffe avoir récours pour connoître la valeur, l'énergie, & le véritable usage des termes de notre langue. C'est un guide fûr que l'on ne peut abandonner fans rifque de s'égarer, & il n'appartient à aucun particulier de vouloir oppofer fon autorité à celle d'une illuftre Compagnie uniquement occupée du foin de perfectionner la Langue françoife, d'en écarter tout ce qui pouroit en corrompre ou en altérer la pureté, & de la foutenir dans cette fupériorité qu'elle s'eft acquife au-deffus de toutes les Langues de l'Europe.

Si je ne me fuis pas conformé à ce Dictionnaire fur quelques points d'Orthographe, ce n'eft pas que j'aie prétendu critiquer le fentiment de l'Académie; mais c'eft ou parce que la faveur de la prononciation m'a déterminé, comme dans le mot fefant, ou parce que j'ai trouvé un ufage autorifé par un trèsgrand nombre de bons Auteurs, comme dans les pluriels en és, ou parce que de deux ufages dont l'un eft moins fuivi que l'autre, le premier m'a paru le plus régulier, comme dans les pluriels en ants ou ents: & dans tous ces cas je me fuis contenté d'expofer mes motifs de préférence, fans blâmer ni condamner les fentiments contraires.

Cette méthode me paroît encore très-pro

pre pour les jeunes Demoifelles qui font dans ies Couvents. Le tems qu'elles y paffent dans la retraite & éloignées de toute diffipation, eft fans doute le tems le plus précieux & le plus favorable qu'elles puiffent avoir pour s'appliquer aux fciences qui leur conviennent. De toutes celles qu'on leur enfeigne ordinairement, j'ofe dire qu'après la religion, elles ne peuvent en apprendre de plusutile ni de plus néceffaire que la Grammaire françoise. Elles n'auront que rarement occafion de faire ufage de l'Hiftoire, de la Géographie, du Blazon, de la Mufique, & de la Danfe; mais elles feront tous les jours dans l'obligation de parler & d'écrire correctement. Ainfi ce feroit un grand avantage pour elles, fi l'étude de la langue françoife fefoit partie des exercices qui les occupent dans les Couvents.

Il feroit aufli à fouhaiter que cette étude de la langue françoife s'introduisît jufque dans les petites Ecoles, où l'on se borne à donner aux enfants des principes de Religion, & à leur apprendre à lire & à écrire. Tous ceux que l'on y envoie ne font pas deftinés au latin. La plupart en fortent pour entrer chez le Procureur, ou dans d'autres emplois dont on ne s'acquitte que par l'écriture: & il arrive qu'ils ne parviennent jamais à l'exactitude de l'orthographe, faute d'en avoir appris les regles par les principes de la langue: à quoi l'on ne peut remédier

qu'en

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