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SIXAIN

Pleurés, mauvais François, la Ligue est trespassee;
Riés tous, bons François, la tempeste est passec.
Quand le Roy est entré, les Seize sont sortis,
Et les feus de la guerre ont été amortis.
France se va remettre en paix et en concorde;
Pendés vous, Espagnols, nous fournirons la corde '.

CONTRE LES ALLEMANDS 2

Sauvegarde pour la maison de Baignolet contre les Reistres '

Empistolés au visage noirci,

Diables du Rhin, n'approchés point d'ici :
C'est le sejour des Filles de Memoire.
Je vous conjure en lisant le grimoire 5;
De par Bacchus, dont suivés les guidons,
Qu'alliés ailleurs combattre les pardons ".
Volés ailleurs, Messieurs les heretiques :
Icy n'y a ne chappes ne reliques.

Les oiseaux peints 7 vous disent en leurs chants:
Retirés vous, ne touchés à ces champs;

A Mars n'est point ceste terre sacree,
Ains à Phoebus qui souvent s'y recree.
N'y gastés rien et ne vous y joués:

Tous vos chevaus deviendroient encloués 8;
Vos chariots, sans aisseüils et sans roües,
Demeureroient versés parmi les boües.
Encore un coup, sans espoir de retour,
Vous trouveriés le Roi à Montcontour",
Ou maudiriés vostre folle entreprise,
Rassiegeans Mets gardé du duc de Guyse:

1. La chanson sur la Journée de Senlis, avec son malin refrain: « Il n'est que de bien courir», compléterait cette revue des poésies patriotiques de Passerat. Elle se trouve dans la Satire Ménippée.

2. Appelés en France et soudoyés par les Huguenots.

3. Reitres ou rêtres. Etymol.: reiten, chevaucher; reiter, cavalier.

4. Armés de pistolets.

5. Conjurer signifie souvent détourner par des cérémonies religieuses ou des pratiques magiques. Grimoire, ivre (Etymol.: controversée, yęáμμa? des sorciers pour évoquer ou conjurer les démons.

6. Indulgences, dont l'abus fut un des griefs de la Réforme.

7. Les Latins disent souvent pictæ volucres.

8. Blessés par un clou de leur fer.

9. Essieu, axiculus, de axis.

40. Henri III y battit en 1560 Coligny et ses mercenaires allemands.

Et en fuyant, batus et desarmés,
Boiriés de l'eau que si peu vous aimés.
Gardés vous donc d'entrer en ceste terre:
Ainsi jamais ne vous faille la guerre 1;
Ainsi jamais ne laissiés en repos
Le porc sallé, les verres et les pots:
Ainsi tousjours rouliés vous soubs la table.
Ainsi toujours cou hiés vous à l'estable,
Vaincueurs de soif, et vaincus de sommeil,
Ensevelis en vin blanc et vermeil,

Sales et nuds, veautrés dedans quelque auge,
Comme un sanglier qui se souille en sa bauge.
Brief, tous souhaits vous puissent advenir,
Fors seulement d'en France revenir,

Qui n'a besoin, o estourneaux estranges 2,
De vostre main à faire ses vendanges 3.

LES PROCÉS

A la vérité,

Rien ne ressemble mieux à la Divinité.

On n'y peut garder ordre : il faut à l'adventure
Comparer des procés et des dieux la nature.

Pour rendre leur venue aux mortels incertaine,

Les dieux les viennent voir avec des pieds de laine *:

Les procés, au venir, marchent si doucement,

Qu'ils ne sont entendus pour le commencement;

Puis d'un son esclatant leur presence est connüe.

Les dieux et les procés sont voilez d'une nüe....

— Les dieux vendent leurs biens aux hommes cherement, Achetez par soucy, par peine et par tourment, Dont la proprieté n'est par eux garantie.

Avant que par procés soit riche une partie 5,

Il se faut coucher tard et se lever matin,

1. Ainsi, à cette condition. Sic et ita s'emploient de même en latin dans l'expression d'un souhait.

2. En latin sturnus, oiseau friand de raisin, qui s'en « saoule comme les grives.-Estranges, étrangers. 'Alλóxoto, s'emploie aussi dans le double sens de étranger et étrange.

3. Le mélange de verve patriotique, d'humeur satirique, de gaieté bachique, - la dernière discrète, et de pointe légère, fait de cette pièce (La Divinité des Procés) un modèle du meilleur et du plus vif Passerat. 4. Jambes de laine, jambes molles; pieds de laine, pieds qui marchent sans bruit.

5. Un des deux contestants.- Ma partie s'emploie dans le sens de "mon adversaire. »

Et faire à tous propos le diable saint Martin 1;
Remarquer un logis, assieger une porte,
Garder que par derriére un conseiller ne sorte,
S'accoster 2 de son clerc, caresser un valet,
Reconnoistre de loing, aux ambles, un mulet 3;
Avoir nouveaus placets en main et en pochette;
Dire estre de son cru tout cela qu'on achette
A beaus deniers contans: bref, il faut employer
Possible et impossible à procés festoyer.

On n'ose dementir des dieux les saincts oracles,
Ni l'arrest des procés. Les dieux font des miracles:
Les procés, que font-ils? les plus goutteux troter,
Galoper les boiteux, pour les solliciter,

Les rendant, au besoin, prompts, dispos et habiles.
Du profond des forests ils attraînent aux villes

Cerfs, et daims, et sangliers, sans rets ny hameçons,
Et sans moüiller la patte ils prennent les poissons *.
Leur occulte cabale attire metairies,

Villages et chasteaux, rentes et seigneurie;
Comme le luth d'Orphé, les arbres desplantez,
Ou celui d'Amphion, les rochers enchantez,
Qui descendant des monts en une grasse plaine,
Bastirent sans maçons la muraille thebaine ".

Ce qui est jà passé, et une fois est fait,

Par tous les dieux ensemble estre ne peut defaict:
Les procés, en ce poinct, ont sur eux l'advantage,
Pour ce qu'un alibi, avec un tesmoignage
Presté par charité, defaict tout le passé,
Fait un mort estre vif, et un vif trespassé.

- On recognoist les dieux, ainsi que dit Homere,
Au mouvement des pieds, qu'ils tournent en arriere :
Mon procés prend plaisir à tousjours reculer.

Les dieux sont recogneuz souvent à leur parler,

1. On dit faire le diable, le diable à quatre, le diable Saint-Martin, expressions proverbiales venues des Mystères, où le diable avait un rôle, ou « diableries ».

2. Se faire de son clerc un compagnon, que l'on aborde et qu'on ne quitte plus. VOLTAIRE (Le Pauvre diable) l'emploie encore.

3. Amble, ou ambleure (étymol. ambulare), allure par laquelle la bête lève en même temps les deux jambes du même côté. Les procureurs,

comme les médecins, montaient chevaux ou mulets.

4. Nourrir et entretenir.

5. Allusion d'abord aux cadeaux de gibier faits aux juges par les plaideurs.

6. Allusion aux frais des procès. On y perd terres et rentes.

Car tout autre est leur voix que n'est nostre langage :
Les procés, vrais Bretons, ont à part un ramage.

- Aux dieux, francs de la mort, on dresse des autels :
Qu'on en dresse aux procés, puisqu'ils sont immortels;
Mon procureur Guillon en sçauroit bien que dire 1,
Qui mon procés jugé tire encore et retire 2,

Et depuis seize mois m'a tant villonizé 3

Que je le tiens dejà pour immortalizé.......

On n'ose offrir aux Dieux que victimes de choix :
es escus des procés doivent estre de poids.

Les

La main de Jupiter par un horrible foudre
Porté d'estourbillons", met en cendre et en poudre
Les orgueilleuses tours et les haultes forests:
Aussi font bien souvent les foudres des arrests;
I es plus grosses maisons, à plaider obstinees,
Par l'effort des procés se trouvent ruinees.

Jupiter courroucé d'un don va s'appaisant :
Un vigoureux procés s'adoucit d'un present.
L'ambroisie et nectar font des dieux les delices,
Et le procés friand aime fort les espices 5.

Apollon est à craindre, avec son arc d'argent,
Comme avec un exploit est à craindre un sergent.
-D'Apollon et Bacchus on vante la jeunesse :
Un procés rajeunit souvent en sa vieillesse.
Si les dieux deguisés, changeant leur majesté,
En bestes et oiseaux par la terre ont esté,

Et ont fait de bons tours dessous forme empruntee.
Le procés ne doit rien aux changes de Protee 7;
Vous le pensez civil, il devient criminel;

Vous l'estimez fini, le voilà eternel...

1. Comme on dit familièrement: en sait quelque chose, en aurait long

à dire.

2. Allonge sans fin mon procès, même jugé.

3. Ou villoner, tromper, friponner.

4. Porté par des tourbillons.

5. On a appelé anciennement épices les dragées et confitures. Les plaideurs en faisaient présent à leurs juges et rapporteurs. Ce mot s'est conservé quand les présents se sont faits en argent. On voit la justesse de

la métaphore «< friand ».

6. Les sergents (Etymol.: servientem, qui sert, qui remplit un office), officiers de justice, aujourd'hui huissiers,, dressaient et signifiaient les exploits pour assigner, notifier, saisir (Etymol.: explicitum, achèvement, exécutien).

7. Ne devoir rien à, n'être pas moins riche que... Est aussi changeant que Protée.

DESPORTES

1546-1606

PHILIPPE DESPORTES, né à Chartres, d'abord clerc de procureur, puis abbé, et abbé successivement et grassement pourvu, fit bonne figure à la cour des Valois par ses poésies galantes, fort goûtées du brillant entourage de Charles IX et de Henri III, fort applaudies de Ronsard et de Baïf. On chantait encore au XVIe siècle sa Villanelle de « Rozette » que fredonnait le duc de Guise à Blois quelques heures avant de mourir. La part qu'à la suite de nobles protecteurs il prit à la Ligue le compromit un peu; il y perdit quelques bénéfices, il y gagna quelques épigrammes de ses amis de la Menippée. Mais Henri IV et Sully ne lui tinrent pas rigueur: il recouvra ses abbayes, dont l'une, celle de Tiron, près de Chartres, le désignait communément; et, l'âge venu, et avec l'âge le repos, il traduisit ces Psaumes qui« valaient mieux que ses potages », si l'on en croit la boutade de Malherbe, dont son neveu Regnier le vengea, s'enferma dans sa riche bibliothèque de Bonport, où il vécut et mourut doucement, réconcilié avec les Ménippéens.

Desportes proclamé par Ronsard, avec une générosité sans péril, le premier poète françois », n'a ni sa pédantesque erudition poétique, ni non plus son essor de génie. Sa douceur, sa délicatesse, sont gâtées par l'afféterie, ce que Malherbe appelle drôlerie italienne et, brutalement,« imagination prise de l'italien et sotte partout». Il a trop bien entendu l'appel que, dans son éclectisme, le chef de l'école faisait à l'imitation de l'Italie comme de l'antiquité. Chez lui les souvenirs d'Ovide, de Catulle, de Properce, de Tibulle, se fondent avec ceux d'Arioste, de Pétrarque, de Sannazar, dont il prend, avec la grâce, la pointe.

Ses Amours de Diane, Hippolyte, Cléonice et diverses, ses Bergeries contiennent force sonnets, plaintes, complaintes, chansons; ses Elégies sont suivies de Mascarades; ses OEuvres chrestiennes comprennent des prières, des psaumes, des sonnets spirituels. (Edition A. Michiels, 1 vol. 1858). On, trouvera dans l'édition de Malherbe de la Collection des grands Écrivains de la France, tome IV, ses Remarques sur les Œuvres de Desportes: il a, à l'exception des Psaumes, tout corrigé d'une horrible manière », dit, dans une lettre à Conrart, Balzac qui a possédé le manuscrit. Ces notes, d'un bon sens prosaique et quelquefois étroit, ont souvent, dans leur mauvaise humeur ou leur gaieté, de la finesse.

LA VIE CHAMPÊTRE'

CHANSON

O bien-heureux qui peut passer sa vie,
Entre les siens, franc de haine et d'envie,
Parmy les champs, les forests et les bois,

1. Cf. supra, p. 106, sq.; et les Stances à Tircis, de Racan.

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