ÉLÉGIES I Lettre écrite 1 Quand j'entreprins t'écrire ceste lettre, Sont mis au fond du coffre d'oubliance. Si tes envoys luy fussent agreables, Croy moi, amy, que les choses peu plaisent II (Elégies, liv. I, 7.) Lettre reçue Qui eust pensé que l'on peust concepvoir Bien heureuse est la main qui la ploya 1. Ecrite peu de temps après la bataille de Pavie, où il fut fait prisonnier, 2. Toi, ma consolation. Il n'est resté que le verbe réconforter. 3. Personnification qui est un souvenir du Roman de la Rose. 4. Où, à laquelle. Le xvir siècle fait souvent même emploi de où. 5. Penser. Etymol.: cogitare. 6. Comment un œil peut-il faire goûter au cœur tant...? Et qui vers moy de grace l'envoya ! En aise grand, tant plus me deduysoye1; En disant Lettre (apres l'avoir baisee), 4 Voyla comment pouldre et cendre devint ÉGLOGUE L'ENFANCE DE MAROT Sur le printemps de ma jeunesse folle, 5 6 1. Je me réjouissais. Etymol.: deducere, détourner, distraire, divertir -Le substantif déduit a aussi ce sens : LA FONTAINE, IV, 20: Il avoit dans la terre une somme enfonie, Que d'y ruminer jour et nuit. 2. Qu'il convenait que je brûlasse cette lettre. Ardre, actif, de ardere, neutre. 3. Bouter, mettre, a vieilli: MOLIÈRE l'emploie deux fois dans le Méde-. cin malgré lui. Etymol.: mot germanique qui signifie heurter, pousser. 4. Le bonheur le plus grand qui... 5. Ramage, adj., bocager, sauvage; subst., 10 branchage, 20 chant des oiseaux sous les branches. Etym.: ramus. 6. J'avais coutume (solebam) de m'employer pour, m'occuper de. A faire bricz1 ou cages pour les mettre. Ou pour jeter des fruictz ja meurs et beaulx Aucunesfois aux fosses devalloye, Pour trouver la les gistes des fouines, Desja pourtant je faisois quelques nottes (Eglogue au Roy, sous le nom de Pan et Robin 4.) 1. Engins pour prendre les oiseaux. Bricole en vient. 2. Transnabam. 3. Funda; auj. fronde. 4. C'est sous le nom rustique de Robin, traditionnel dans les pastourelles du moyen âge, que Marot s'adresse à François Ier, qu'il appelle Pan. On voit la fusion de la vieille poésie gauloise et de l'églogue antique dans le poème bucolique de Marot. Marguerite d'Angouleme y est Margot, bergère qui vaut tant»; Louise de Savoie y est Loisette; son père y est le bon Janot. Le tout pour aboutir à demander au roi, non pas de lui donner Deux mille arpentz de pâtis en Touraine, Ne mille bœufs errans par les herbis, mais de préserver son « troupeau » des «loucerves », c'est-à-dire ses enfants, des créanciers, Et luy du froid, car l'yver qui s'appreste A commencé à neiger sur sa teste. Il n'avait cependant que quarante-quatre ans (1539). C'est dans une églogue qu'il pleure la mort de Louise de Savoie, dans une églogue qu'il chante la naissance de son arrière-petit-fils, qui fut depuis François II. C'est encore sous le voile d'une allégorie pastorale que, dans une Complainte d'un pastoureau chrétien faicte en forme d'églogue RONDEAUX I A M. DE POTHON 1 La ou sçavez sans vous ne puis venir. Et des heureux de ce monde me faire, Male fortune a voulu maintenir Mais, monseigneur, pour l'occire et deffaire Si que 2 par vous je puisse parvenir La ou sçavez. (Rondeaux, 1, 4.) II DE L'AMOUR DU SIÈCLE ANTIQUE Au bon vieulx temps, un train d'amour regnoit, Si qu'un bouquet donné d'amour profonde, Car seulement au cœur on se prenoit. rustique, exile et voisin de la mort, il recommande à Pan (cette fois c'est Dieu lui-même) Marion, son « humble bergerette > Et le petit bergeret qu'elle allaicte. Ainsi fit plus tard Mme Deshoulières pour ses filles, ses « chères brebis ». Il avait déjà mis la religion en bucolique : dans une ballade bucolique, intitulée Carême, il avait invité Pan à « rompre ses flageolets pour porter le deuil de Jésus »; dans un « balladin », la primitive Eglise, sous le nom de Christine la Bergerette, reçoit aide et protection d'Apollon, et cite l'Art d'aimer d'Ovide. -A toute cette fantasmagorie je prefere la peinture de son enfance champêtre. 1. M. de Pothon crut à son « bon vouloir de sage devenir»; il le préCenta lui-même et le fit entrer où il savait ». c'est-à-dire auprès de la sœur de François Ier, alors duchesse d'Alençon (1518). Marot lui-même y contribua sans doute par la jolie ballade « à Madame d'Alençon pour être couché en son estat», entendez sur l'état de sa maison, et dont le refrain est: Il n'est que d'estre bien couché. 2. Si bien que. Et si par cas à s'aimer on venoit, Sçavez-vous bien comme on s'entretenoit ?? Or's est perdu ce qu'amour ordonnoit; 3 (Rondeaux, II, 12.) ÉPIGRAMMES I DU LIEUTENANT CRIMINEL ET DE SEMBLANÇAY Lors que Maillart juge d'enfer menoit A Montfaulcon Semblançay l'ame rendre, A vostre advis, lequel des deux tenoit Meilleur maintien? Pour le vous faire entendre, Que l'on cuydoit, pour vray, qu'il menast pendre (IV, 1.) II D'UN YVROGNE Le vin qui trop cher m'est vendu M'a la force des yeulx ravie: Pour autant 6 il m'est deffendu, Dont tous les jours m'en croist envie. 1. Par bonne fortune. 2. Comme on restait uni. 3. Premièrement. 4. Gilles Maillart, lieutenant-criminel de la prévôté de Paris depuis 1501 C'est devant lui que comparut Marot en 1526. fay, surintendant des finances sous Charles VIII, Louis XII et FranSemblançay ou Samblanfois ler, fut victime des machinations odieuses de Louise de Savoie, mère de François Ier. Le gibet de Montfaucon, établi au delà de la porte SaintMartin, fut bâti par Enguerrand de Marigny, qui y fut pendu le premier, en 1315. 5. C'est, dit Voltaire, de toutes les épigrammes, dans le goût noble, celle à qui je donnerais la préférence. Elle a été faite l'année même de la mort de Semblançay. 6. Pour cela. |