Je n'ai fait que passer, il n'étoit aeja plus. II (Esther, III, 9.) Le soleil perce l'ombre obscure, Et les traits éclatans qu'il lance dans les airs O Christ, notre unique lumière ! Nous ne reconnoissons que tes saintes clartés ; Souvent notre âme criminelle, Sur sa fausse vertu, téméraire s'endort. Des malheureux assis dans l'ombre de la mort. (A LAUDES, Hymnes traduites du bréviaire romain.) ÉPIGRAMMES ' Sur les critiques qu'essuya la tragédie d'Andromaque Créqui prétend qu'Oreste est un pauvre homme Et Créqui de ce rang connoit bien la splendeur : 1. Cette strophe et la prédiction de Joad (Athalie, III, 7) sont ce que Racine a écrit de plus parfait dans le genre de la poésie lyrique. Boileau admirait particulierement, et récitait souvent cette strophe. Cf. Psaumes de David, XXXVI, 35-36: Vidi impium superexaltatum, et elevatum sicut cedros Libani. Et transivi, et non erat: et quæsivi eum, et non est inventus locus ejus.- Cf. LOUIS RACINE: Dans ton cœur tu disois: A Dieu même pareil, A mes pieds trembleront les humains éperdus. > 2. On est étonné de rencontrer plusieurs fois dans ces Hymnes chrétiennes le mot olympe pris au sens de ciel. - Racine a écrit encore quatre Cantiques spirituels. 3. Racine a laissé une douzaine d'épigrammes, sans plus, mais aiguisées. Boileau disait : « Monsieur Racine est plus malin que moi. > 4. Cette expression proverbiale se dit d'une chose singulière, qui ne se voit pas. Ce qui en rend l'application piquante ici, c'est que le duc de Créqui, étant ambassadeur à Rome, y avait essuyé, le 20 août 1662, une insulte très grave, et avait été obligé de se retirer sans obtenir satisfaction. II Sur l'Iphigénie de Leclerc 1. Entre Leclerc et son ami Coras, Deux grands auteurs, rimant de compagnie, Coras lui dit: La pièce est de mon cru. Leclerc répond: Elle est mienne et non vôtre. Plus n'ont voulu l'avoir fait l'un ni l'autre 2. QUINAULT 1635-1688 Philippe QUINAULT, ls d'un boulanger de Paris, tout en exerçant avec distinction la profession d'avocat et les fonctions d'auditeur en la Cour des comptes, cultiva la poésie dramatique avec passion et avec succès. Il montra assez de talent dans ses nombreuses tragédies, ne fût-ce que dans l'Astrate, tuée par deux vers de Boileau et regrettée par Voltaire (Epître dédicatoire de Sophonisbe (1774), et assez d'esprit dans ses comédies, pour entrer à l'Académie française (1670) avant d'avoir enfin trouvé la voie où il s'est illustré. Il a eu la gloire de se faire et de rester un maître dans un genre de poésie condamné ordinairement à n'être que le serviteur effacé de la musique. C'est à lui, plus qu'à Lulli, son collaborateur, que les operas de Cadmus, Alceste, Atys, Proserpine, Persée, Amadis, Roland, Armide, « l'immortelle Armide, le chef-d'oeuvre du Théâtre Lyrique (LA HARPE) ont dûleur renommée durable. Il sut, à l'occasion, y joindre l'energie et la noblesse à la douceur et à l'harmonie. Les railleries de Boileau et les louanges exagérées de Voltaire lui ont fait tort. Il ne méritait « ni cet excès d'honneur ni cette indignité ». La Harpe lui a fait avec beaucoup de justesse et de goût sa part véritable, qui est assez belle et lui assure une place honorable à la suite des poètes de génie du siècle de Louis XIV; il a eu une fois, dans Psyché, l'honneur d'être associé à deux d'entre eux, Corneille et Molière. CHŒUR DES ‹ SUİVANS » DE PLUTON (Le théâtre représente le fleuve Acheron.) Tout mortel doit ici paroître; On ne peut naître 1. Cette tragédie fut d'abord iouée (1675) sous le nom de Coras, réclamée par Leclerc. puis 2. On a reconnu le style marotique. Il fut familier à Voltaire. 3. Ce furent un cardinal et un abbé qui fondèrent l'opéra en France, en 1647 et en 1671. En 1647, Mazarin fit représenter au Louvre un premier opéra (Orphée), suivi de deux autres, d'ailleurs sans succès. Trois ans après, Corneille donna au théâtre du Petit-Bourbon Andromède, tragédie Que pour mourir. De cent maux le trépas délivre : Cherche à souffrir. Venez tous sur nos sombres bords; Ne tient son empire Que dans le séjour des morts. Jamais on n'en sort. C'est pour tous une loi nécessaire; De fuir ce passage? C'est un orage Chacun vient ici-bas prendre place Sans cesse on y passe, Tous les charmes, Plaintes, cris, larmes, Chacun vient ici-bas prendre place. Sans cesse on y passe; (Alceste, tragédie lyrique, 1674, IV, 3.) avec des machines », accompagnée de musique : l'italien Torelli, qui devait faire des merveilles à Vaux pour le Prologue des Fâcheux de Molière, avait eu dans la machination des « inventions admirables » (Préface de Corneille). En 1661 la Conquête de la Toison d'or de Corneille fut représentée et chantée, pour les fêtes du mariage du roi, au château de Neubourg, chez le marquis de Sourdéac, qui, passionné pour la mécanique, ne s'y épargna pas. Enfin, en 1671, l'abbé Perrin, e musicien Lambert et M. de Sourdéac obtinrent le premier privilège de l'Académie royale de musique, et donnèrent des opéras à l'hôtel Guénégaud. Le marquis s'y ruina. De 1673 à 1683 le privilège fut exercé par Lulli, associé à Quinault, sur le théâtre du Palais-Royal. 1. Voltaire ne va-t-il pas un peu loin quand il dit qu'il ne connaît rien de plus sublime »? Ces vers sont en général d'une précision remarquable, quoiqu'il y ait des répétitions et des négligences.» (LA HARPE.) Voltaire ne tarit point sur Quinault. Tel couplet de Quinault (Commentaire sur Corneille, Médée, IV, 2, et lettre du 25 décembre 1761) naturel, harmonieux, sublime, est peut-être un chef-d'œuvre », et « vaut peut-être mieux que toute la Médée de Sénèque, de Corneille, de Longepierre. >> Ailleurs (Comment. sur Corneille, Andromède, I, 1): « Les étrangers ne UN SERMENT HIÉRAX. Ce fut dans ces vallons, où, par mille détours, Me promit de m'aimer toujours. Ont enfin emporté les sermens qu'elle a faits. (Isis, tragédie lyrique, 1677, 1, 2.) connaissent pas assez Quinault; c'est un des plus beaux génies qui aient fait honneur au siècle de Louis XIV.» Voir encore dans le Diction. philo sophique, les articles critique: « Ecrivain gracieux, touchant, pathétique, élégant; et il insinue que Boileau ne le dénigrait que par jalousie et impuissance; -et Art dramatique, de l'opéra. -Siècle de Louis XIV, ch. 32: « Si l'on trouvait dans l'antiquité un poème comme Armide ou comme Atys, avec quelle idolâtre il serait reçu! - Le nom de Quinault a le don de fâcher Voltaire contre Boileau. Un jour il dit : Boileau, correct auteur de quelques bons écrits, Il est moins âpre dans le Temple du Gout: « Despréaux, par un ordre exprès du dieu du Goût, se réconciliait avec Quinault, qui est le poète des grâces comme Despre aux est le poète de la raison. Mais le sévère critique Embrassait encore en grondant << Je ne me réconcilie point avec vous, disait Despréaux, que vous ne conveniez qu'il y a bien des fadeurs dans ces opéras si agréables. Cela peut bien être, dit Quinault; mais avouez aussi que vous n'eussiez jamais fait Atys ni Armide. Dans vos scrupuleuses beautés La réconciliation s'était faite réellement.Boileau écrit à Racine, de Bourbon, le 19 août 1687: «... Ainsi nous nous séparàmes amis à outrance il s'agit de Boursault). A propos d'amis, mes baise-mains, je vous prie, à tous nos amis communs. Dites bien à M. Quinault que je lui suis infiniment obligé de son souvenir, et des choses obligeantes qu'il a écrites de moi à M. l'abbé de Salles. Dans la préface qu'il fit pour ses éditions de 1683 et 1693, il dit: «J'ajouterai sur Quinault que, dans le temps où j'écrivis contre lui, nous étions tous deux fort jeunes, et qu'il n'avoit pas fait alors beaucoup d'ouvrages, qui lui ont dans la suite acquis une juste réputation. » 1. LA HARPE imprime bientôt, qui semble plus juste. Il ajoute: « En vérité, si Despréaux était insensible à la douceur charmante de semblables morceaux, il faut lui pardonner d'avoir été injuste; il était assez puni. » Quinault trouve en passant le ton et la couleur de la poésie pastorale. Segrais a peu de vers aussi gracieux. Les superbes géans, armés contre les dieux, Des monts qu'ils entassoient pour attaquer les cieux 1, Sous une montagne brûlante: Jupiter l'a contraint de vomir à nos yeux Et tout cède à l'effort de sa main triomphante 3. (Proserpine, tragédie lyrique, 1680, I, 1.) {TYPHON PLUTON. Les efforts d'un géant qu'on croyoit accablé L'affreux Typhon, avec sa vaine rage, 1. Quelle force expressive dans le rejet pesant des monts, dont l'œil suit de mot en mot l'amoncellement jusqu'aux cieux. C'est le imponere Pelio Ossam de Virgile. Cf. LA FONTAINE, p. 230, note 1. 2. Voyez sur cette fusion de l'expression morale et abstraite et de image physique une note de nos Prosateurs, p. 275. Cf. EscHYLE, Prométhée, 370: Τοιόνδε Τυφώς ἐξαναζέσει χόλον Θερμοῖς ἀπλήστου βέλεσι πυρπνόου ζάλης. Et VIRGILE, Æn., VIII, 431: Fulgore nunc terrificos, sonitumque metumque 3. Le contraste de ce passage avec le morceau précédent peut faire apprécier la souplesse du talent de Quinault. Une seule chose étonne, c'est que ces vers retentissants soient placés dans la bouche de Cérès. On croit entendre un choeur des dieux de l'Olympe. La période a un mouvement magistral, dont les petits vers habilement mélangés aux alexandrins augmentent le ressort et l'élan. Le redoublement de rimes d'une puissante sonorité sur des épithètes expressives et colorées, semble étendre et prolonger l'écho d'un chant de victoire |