Voyez la naissance du monde; Voyez1... » Les spectateurs, dans une nuit profonde, «Ma foi, disoit un chat, de toutes les merveille s Le fait est que je ne vois rien. Ni moi non plus, disoit un chien. Moi, disoit un dindon, je vois bien quelque chose; Je ne distingue pas très bien. » Pendant tous ces discours, le Cicéron moderne Il n'avoit oublié qu'un point : C'étoit d'éclairer sa lanterne. (Fables, II, 7.) LE PERROQUET Un gros perroquet gris, échappé de sa cage, Et là, prenant le ton de nos faux connaisseurs, Le linot, selon lui, ne savoit pas chanter; Enfin aucun oiseau n'avoit l'art de lui plaire; Lassés de tant d'affronts, tous les oiseaux du bois Daignez chanter pour nous instruire. » Le perroquet, dans l'embarras, Se gratte un peu la tête, et finit par leur dire : ་་ Messieurs, je siffle bien, mais je ne chante pas. >> 1. Cf. RACINE, Les Plaideurs, III, 3. (Fables, IV, 3.) LE PAON, LES DEUX OISONS ET LE PLONGEON Un paon faisoit la roue, et les autres oiseaux Deux oisons nasillards, du fond d'un marécage, «< Regarde, disoit l'un, comme sa jambe est faite; Et son cri, disoit l'autre, est si mélodieux, Chacun rioit alors du mot qu'il avoit dit. Tout à coup un plongeon sortit: << Messieurs, leur cria-t-il, vous voyez d'une lieue (Fables, III, 16.) LA CHENILLE Un jour, causant entre eux, différens animaux « Quel talent, disoient-ils, cet insecte déploie Tous vantoient son travail, exaltoient son adresse. Un renard s'écria: «Messieurs, cela s'explique; (Fables, V, 13.) LE VOYAGE Partir avant le jour, à tâtons, sans voir goutte, Détrompé, vers le soir, chercher une retraite ; (Fables, IV, 21.) GILBERT 1751-1780 Nicolas-Joseph GILBERT, né à Fontenay-le-Château, en Lorraine, vint tenter la fortune littéraire à Paris. Aigri par un double échec dans les concours de l'Academie, par le froid accueil des gens de lettres en renom, par les sévérités de La Harpe, l'amertume et le ressentiment lui donnerent le génie de la satire, qu'il représente avec Voltaire au XVIIIe siècle. (Le Dix-huitième siècle, 1775; Mon Apologie, 1778.) De ses huit odes, gâtées par l'enflure, on n'a retenu que les trois derniers vers de la première (le Jugement dernier, 1773): L'Eternel a brisé son tonnerre inutile; Et d'ailes et de faulx dépouillé désormais, Sur les mondes détruits le Temps dort immobile. Ses Adieux à la vie suffiraient à consacrer sa mémoire, sans la légende célèbre et mensongère qui le fait mourir pauvre et fou à l'hôpital. LE DIX-HUITIÈME SIÈCLE SATIRE 2 A M. FRÉRON 3. Parlerai-je d'Iris ? Chacun la prône et l'aime; 1. « C'est la véritable épitaphe de Florian, de cet homme heureux, de ce talent facile et riant, que tout favorisa à souha t dans le monde et dans la vie, mais qui ne put empêcher un jour l'inévitable douleur, l'antique douleur de Job, qui se renouvelle sans cesse sur la terre, de se faire sentir à lui, et de lui noyer tout le cœur dans une seule goutte d'amertume. ➤ (SAINTE-BEUVE.) Incarcéré pendant la Terreur, il mourut peu après sa sortie de prison, en septembre 1794. « Son organisation, délicate et faite pour le bonheur, n'avait pu résister à l'ébranlement de tant d'émotions. Il n'avait que trente-neuf ans » : 2. Corruption morale, décadence littéraire tel est le plan, telles sont les deux parties, à peu près égales, de cette satire. 3. Voyez p. 355, note 4. Il est vrai; mais aussi qu'à la mort condamné, Pour être un jour baron, il se fait usurier. Voltaire en soit loué, chacun sait au Parnasse Boileau, correct auteur de libelles amers, 3 1. Lally-Tollendal (le comte de), fils d'un Irlandais qui avait suiv Jacques II en France, servit avec éclat, décida la victoire de Fontenoy, et rendit de grands services dans les Indes; mais, obligé de capituler a Pondichery, il fut accusé de trahison, et, après un procès inique, il fut conduit à l'échafaud un bâillon à la bouche (1766). Voltaire flétrit avec éloquence cet assassinat juridique. Lally fut réhabilité en 1778. 2 Voltaire n'a jamais négligé l'occasion de réhabiliter Quinault, maltraité par Boileau; il faut lui en savoir gré. Son tort à l'égard de Malherbe est son silence et sa froideur. Il ne le nomme que dans son discours de réception à l'Académie, pour lui attribuer l'« élégance » et « quelques strophes harmonieuses >. Les chicanes, relevées par Palissot, qu'il cherche à Corneille, sont compensées par le cri d'enthousiasme que lui arrachent ses sublimes beautés. (Voyez par exemple le commentaire d'Horace, acte II, sc. 3.) Il faut lui tenir compte d'avoir recueilli et doté avec son Commentaire une arrière-petite-fiile de Corneille, hommage rendu par le « soldat » à son «< général », a-t-il dit (Lettre du 7 nov. 1760). 3. Nous trouvons aujourd'hui que La Harpe à au contraire surfait J. B. Rousseau. 4. Mercier (1740-1814), célèbre depuis par son Tableau de Paris (1781), avait, dans un Essai sur l'art dramatique, exposé des idées nouvelles, qui lui donnent une place parmi les ancètres du Romantisme. Boileau, dit Marmontel, tourne assez bien un vers '. Règnent, et l'un par l'autre à l'envi méprisés, Mille cercles savans s'assemblent à leur voix: La faim mit au tombeau Malfilâtre ignoré; De madrigaux en prose allonge une préface! 1. Quelques-uns des traits qui précèdent et celui-ci rappellent le vers du Souper ridicule de Boileau : A mon gre le Corneille est joli quelquefois. 2. Clément (1742-1802), de Dijon, fut, par ses livres et sa plume de journaliste critique, un des alliés de Fréron. 3. Allusion au dictionnaire de l'Académie. On fait, defait, refait ce beau dictionnaire, Qui, toujours très-bien fait, sera toujours à faire. Le Brun-Ecouchard.) 4. On sait (voir la notice) que Gilbert avait des raisons pour être prévenu contre l'Académie. |