Mais trois fois plus heureux le jeune homme prudent Soldat sous les drapeaux de la philosophie ! Mais qu'on m'ose prôner des sophistes pesans, 2 (Satire 1, Le Dix-huitième siècle “.) 1. Voir nos Prosateurs. 2. Qui n'est rien moins qu'un tableau raisonné des connaissances hu maines. 3. Le mouvement de tout ce morceau rappelle les vers de Boileau (Sat. IX) sur Chapelain : « Mais que pour un modèle, etc. » V. page 265. 4. Qu'est-ce qui a trouvé grâce devant Gilbert dans la littérature du XVIIIe siècle? La tragédie de Voltaire est pompeuse et raisonneuse; Alzire «< commente le Phédon », Alvarez est un sauvage » qui « parle d'humanité ». La Chaussé est L'apôtre larmoyant de la philosophie. L'opéra comique Prête à son Apollon un air philosophique. Diderot dans le drame est un < possédé »>. Dans Thomas (il n'épargne même pas le « sensible» et honnête Thomas, « en travail d'un gros poème épique >>) Il cherche un peu de sens et voit beaucoup d'emphase. « Et pourtant, dit M. NISARD, Gilbert, aigri, repoussé, satirique par parti pris avant de l'être de génie, est clairvoyant par cela seul qu'il est décidé à ne pas voir comme ses contemporains. Ce qu'il écrit avec colère sur les auteurs en renom, la postérité le pense froidement. Otez à ses jugements le trait vengeur, ils restent vrais. La colère est dans les mots; la justice est dans les choses. » Voir notre note sur Alzire. APOLOGIE DE GILBERT PAR LUI-MÊME PSAPHON, Philosophe du jour. Vous nommez les auteurs et c'est là votre crime. GILBERT. Ah! si d'un doux encens je les eusse fêtés, De l'Encyclopédie ange conservateur, Dans l'histoire chargé d'inhumer ses confrères, Quand lui-même il se fait l'affront de se nommer? (Satire 11, Mon Apologie.) 1. Secrétaire perpétuel de l'Académie française en 1772 (« chancelier du Parnasse », Salire précédente), d'Alembert y lut des Eloges historiques de la plupart des Académiciens morts de 1700 à 1770. 2. La Harpe eut pendant plusieurs années le privilège du Mercure de France. 3. Ce sont là les vers les plus souvent cités de Gilbert. Le dernier est « trouvé ». Il vaut toutes les épigrammes de Piron contre l'Académie. La Harpe ne le pardonna pas à Gilbert. ADIEUX A LA VIE J'ai révélé mon cœur au Dieu de l'innocence, Il guérit mes remords, il m'arme de constance; Mes ennemis, riant, ont dit dans leur colère: Mais à mon cœur calmé le Seigneur dit en père : A tes plus chers amis ils ont prêté leur rage; Celui que tu nourris court vendre ton image, Mais Dieu t'entend gémir, Dieu vers qui te ramènc Dieu qui pardonne enfin à la nature humaine J'éveillerai pour toi la pitié, la justice, 2 Eux-même épureront, par leur long artifice, Soyez béni, mon Dieu ! vous qui daignez me rendre Vous qui, pour protéger le repos de ma cendre, Au banquet de la vie, infortuné convive 3, Je meurs, et sur ma tombe, où lentement j'arrive. Salut, champs que j'aimois, et vous, douce verdure, Et vous, riant exil des bois ! 1. Cf. BOILEAU, Ép. VII, à Racine : Et soulever pour toi l'équitable avenir. 2. La grammaire exige l'accord: eux-mêmes. 3: Métaphore souvent reproduite d'après LUCRÈCE (III, 951 : Cur non ut plenus vitæ conviva recedis ! et HORACE (Sat., I, 1, 119): Cedat uti conviva satur Ciel, pavillon de l'homme, admirable nature, 1 Ah! puissent voir longtemps votre beauté sacrée Qu'ils meurent pleins de jours 2, que leur mort soit pleurée, Qu'un ami leur ferme les yeux 3! (Odes, IXe et dernière *.) LE BRUN-ÉCOUCHARD 1729-1807 Le BRUN-ECOUCHARD, né à Paris, chanta en des odes la conquête de Minorque, l'amour des Français pour leurs rois, l'héroïsme du Vengeur, et la bataille de Marengo. Ces sujets mesurent la longueur de sa vie. Six livres d'odes (cent quarante-deux Odes guerrières, politiques, littéraires, morales, anacreontiques), quatre d'Elégies, deux d'Epitres, six d'Epigrammes (six cent trente-quatre en tout), nombre de pièces diverses prouvent qu'elle fut bien remplie. Son style dur, roide, enflé, mythologique à l'excès, a de l'âme et du feu; et, dans l'épigramme, où il excelle, une pointe acérée. Le surnom de « Pindare », donné à Le Brun par ses contemporains comme un éloge et un titre, n'est plus pour nous qu'un surnom qui le distingue de ses homonymes. ODE A MONSIEUR DE BUFFON SUR SES DÉTRACTEURS Buffon, laisse gronder l'envie ; C'est l'hommage de sa terreur : Pensois-tu donc que le génie 1. Cf. LAMARTINE, Premières Méditations, XIX, l'Automne.Voir infra. 2. PLINE LE JEUNE, II, 1: Plenus annis obiit. 3. Cf. HÉG. MOREAU, Un Souvenir à l'hôpital. Voir infra. 4. Ecrite par l'auteur huit jours avant sa mort. Blesseroit de jaloux regards? Par les orages de tes jours; Mais ce torrent qui dans ton onde 1. Cf. VICTOR HUGO, Le Génie, à M. de Chateaubriand (Odes, IV, 6): Malheur à l'enfant de la terre Qui, dans ce monde injuste et vain, La Gloire, fantôme célestr, Il voltige de cime en cime, Puis il accourt, et meurt victime Du doux regard qui l'a séduit. Ou, s'il voit luire enfin l'aurore Du laurier qui croît pour les morts; Pourtant, fallût-il être en proie Qui n'accepterait avec joie Le génie au prix du malheur? Que l'envie, aux pervers unie. Pour lui, loin des bruits de la terre, Il va s'endormir dans les cieux. (L'albatros dort en volant. Note de V. H.) On le voit, V. HUGO fait de la Gloire un « fantôme céleste » pour le Génie; VOLTAIRE en fait, pour le soldat, un «fantôme » encore, habillé en soldat français (voir p. 36); et ailleurs: « La Gloire est assise sur une haute montagne; les aigles volent; les reptiles ne peuvent se trainer jusque-là ». Quant au Gênie lui-même, que d'images n a-t-il pas inspirées aux poètes pour le peindre! C'est pour V. HUGO, tantôt Prométhée, tantôt l'oiseau « bercé par son vol |