Ce pendant que j'ahanne1 (Divers Jeux rustiques.) LE POÈTE COURTISAN Je ne veulx point icy du maistre d'Alexandre Je te veulx peindre icy, comme un bon artisan, 1. Ahaner, éprouver une grande fatigue en faisant quelque chose. Atlas ahane, dit Marot. Tu sçais combien ahane mon âme en compaignie d'un corps si tendre, dit Montaigne. Etymol.: ahan, grand effort, comme de l'homme qui soulève un fardeau ou fend du bois. De là suer d'ahan, origine incertaine, probablement onomatopée. 2. Cette Chanson est quelquefois improprement intitulée « Villanelle»: la Villanelle comporte un refrain (voyez p. 3). Petite pièce toute chantante et ailes déployées, qui sent la gaieté naturelle des campagnes au lendemain de la moisson, et qui nous arrive dans l'écho. » (SAINTEBEUVE, 1840) 3. HOMÈRE, Mæonides. 4. Cf. HORACE, Sat., I, 10, 70: PERSE, I, 106: In versu faciendo Sæpe caput scaberet, vivos et roderet ungues. Nec pluteum cædit, nec demorsos sapit ungues. Qui ne rapporte, ingrat, qu'une longue risee Toy donc qui as choisy le chemin le plus court, Je veux en premier lieu que, sans suivre la trace Ce procès tant mené, et qui encore dure, Lequel des deux vault mieulx, ou l'art, ou la nature Par le seul naturel, sans art et sans doctrine, Et soit la seule court ton Virgile et Homere; Puis qu'elle est (comme on dit) des bons esprits la mere, La court te fournira d'argumens suffisans, Et seras estimé entre les mieulx disans, Non comme ces resveurs, qui rougissent de honte, Comme quelque victoire ou quelque ville prise, 5 Je veux qu'aux grands seigneurs tu donnes des devises, 1. Sur le Parnasse. 2. Pégase. 3. Cf. HORACE, A. P., 408, sqq. 4. Gratificari, yapistola, être agréable à. 5. Projets et plans d'ouvrages. 6. Les Latins appelaient scrinium le coffret où ils mettaient les manuscrits roulés. Je veux que tes chansons en musique soyent mises, En faveur d'un grand prince ou de quelque grand Dame De mots durs, ou nouveaux, qui puissent amuser 1 Et d'un petit soubriz et branslement de teste Ainsi tenant tousjours ce povre homme soubs bride, Je te veux enseigner un aultre poinct notable. Mais qui des grands seigneurs veult acquerir la grace 1. Retarder, arrêter. 2. Distillerpeut se prendre au sens neutre, couler doucement. 3. Aborder est pris substantivement, comme dans la locution au sortir de. En l'abordant. 4. Pour en amuser la cour. 5. Adroitement (dexter, qui est à droite). 6. Piqué. On disait aussi poinct, espoinct. Etymol. : pungere, panotus. Il fault d'autres propos son stile deguiser, Et ne leur fault tousjours des lettres deviser; Entre les Courtisans du sçavant tu feras, Si tu m'en veux croire, Au jugement commun ne hasarde ta gloire, RONSARD 1524-1585 PIERRE DE RONSARD, né au château de la Poissonnière, dans le Vendômois, d'une famille originaire de Hongrie, après avoir été page de cour auprès du duc d'Orléans, troisième fils de François I*, et de Jacques V, roi d'Ecosse, attaché à la personne de Lazare de Baïf dans sa mission diplomatique auprès de la diete de Spire, soldat sous le capitaine de Langey en Piemont, atteint de surdité, se retira et s'enferma dans le collège de Coqueret, où, sous la direction de Daurat, il étudia avec passion l'antiquité en compagnie d'Antoine de Baïf, de Remi Belleau, de Jodelle, de Muret, de Tur 1. Aura popularis, ont dit les Latins. 2. Il est facile de reconnaître, dans de nombreux passages de cette satire spirituelle et mordante, écrite par Du Bellay lorsqu'au sortir du service du cardinal, son cousin, trois ans avant sa mort, il se résigna à une pauvreté indépendante et fière, des traits épars qui referaient assez bien la figure de Melin de Saint-Gelais. nèbe, que le maître avait échauffés de son ardeur. « Il continuoit l'étude jusqu'à deux ou trois heures après minuit, et se couchant, resveilloit Baif, qui se relevoit et prenoit la chandelle et ne laissoit pas refroidir la place. » (Daurat). Tous ambitionnaient de rajeunir la poésie française aux sources antiques. Un jour, en revenant de Poitiers, Ronsard rencontra dans une hôtellerie un gentilhomme de son âge, qui y étudiait en droit, et le ramena avec lui en son colége. C'était en 1548; un an après, le dernier venu publiait, avec un volume de vers, le manifeste de la nouvelle école. En 1550, celui qui l'y avait conquis en fut du premier coup proclamé le roi; il se révélait par le recueil intitulé: Les quatre premiers livres des Odes de P. de Ronsard, Vandômois. Puis successivement vinrent, publiés et republiés à différentes reprises, les Amours de Cassandre,avec le cinquième livre des Odes (1552), le Bocage royal (1552), les Hymnes (1555), les Amours de Marie (1557), des Poèmes (1560), des Discours divers (1562 et ann. suiv.), des Elégies, Mascarades et Bergeries (1565), les quatre premiers chants de la Franciade (1572) qui resta inachevée; puis, plus tard, du fond de sa retraite de l'abbaye de Croix-Val, en Vendômois, les Troisièmes Amours et Amours d'Hélène; enfin épars à différentes dates dans différents recueils, des Gayetez (dont la plus piquante est le Voyage d'Hercueil, Arcueil), et Epigrammes. A l'apparition de chaque œuvre nouvelle c'était un nouvel applaudissement; poètes et savants, amis ou disciples, Muret, Belleau, etc., se faisaient un honneur d'associer par des commentaires leur nom à celui du maître. Odes pindariques ou horatiennes, ou anacreontiques; dans les « Amours », sonnets italiens par centaines, chansons ou élégies, poésies légères de toute espèce, épîtres sous les titres de Poemes, Bocage royal, Discours qui sont souvent une éloquente intervention dans ce qui passionnait et divisait la société politique et religieuse; tout haussait sa gloire. Il fut un pontife et un oracle. Rois, reines, poètes, philosophes, hommes d'Etat, lui rendaient hommage. Charles IX, dans de beaux vers, inclina son diademe de roi devant la couronne du poète; dans ses voyages il s'en faisait accompagner et le logeait sous son toit. Elisabeth d'Angleterre lui envoya un diamant. Le Tasse le visita en 1571. L'Hopital le glorifia. Montaigne« ne le trouva guère esloigné de la perfection ancienne aux parties en quoy il excelle» (II, 17). Lui-même, outrant l'orgueil ordinaire aux poètes, ecrivit en tête de la seule euvre qui pouvait faire hesiter l'admiration, la Franciade: Il est aisé de me reprendre, · Et Quand il mourut on couvrit sa tombe de fleurs et de vers. R. Garnier fit une élégie, Bertaut un discours en vers, A. Jamyn et R. Estienne des stances, Binet, son biographe, une églogue, Remi Belleau un chant pastoral, J.-B. de Thou et Daurat des vers grecs et latins; le cardinal du Perron prononça son oraison funèbre. cependant il fallut que, moins de quarante ans après sa mort, en 1623, quelques fidèles obstines, les d'Urfé, les La Mothe le Vayer, les G. Colletet, les Hardy, unis à la fille adoptive de Montaigne, la belliqueuse Mile de Gournay, cherchassent à raviver cette gloire morte en lui consacrant une edition monumentale, qui laissa le public indifférent. Ronsard a porté la peine d'un double tort son impatient et intempérant génie a brusqué la langue et ne s'est pas réglé. Il a voulu faire improviser à la langue française ce qu'elle devait atten |