De la rapide faux l'éclair par instant brille. Par instants, une voix d'homme ou de jeune fille Dans le calme du soir, il fait bon de l'entendre! Le jour s'efface au loin; ses lueurs étouffées La nuit régnait encor, belle nuit de printemps, 1. Le poète ajoute: Journal de campagne; journal, en effet, écrit au Jour le jour, pendant que la terre est en fleur, pendant que les moissons murissent, pendant que les arbres s'effeuillent (c'est la division du recueil), où, en des pièces de longueur et de mètres variés, il décrit et rend ce qu'il voit, ce qu'il entend, ce qu'il sent, dans la plénitude de cette vie pure et saine des champs où il se mêle fraternellement: poésie d'haleine un peu courte, mais d'allure franche, non sans une nuance de rêverie et de mélancolie quand « les arbres s'effeuillent », mais qui se plait mieux aux tableaux des trav ux rustiques égayes sous le soleil ardent par le chant de la caille, par les cris joyeux de l'enfant qui, sur le sein de sa mère, tire à lui la grappe mûre de la treille, par la danse improvisée près des meules ou des gerbes; puis, le soir venu, à la peinture du repos goûté, entre sa femme qui file et son enfant qui joue, par le paysan, Assis devant sa porte, Laboureur jeune encore, au front sévère et doux. Le meilleur des parfums, celui des gerbes mûres... Ces étoiles au ciel dont la fête commence, Ces bruits errants du soir dans la campagne immense, Roulent, rouent sans fin jusqu'aux horizons bleus (Vers la Saint-Jean, II, 9.) Dans cet ordre de sujets et de poésie rustique, voici deux passages, de Les brises qui de l'aile effleuraient sa fenêtre Lui jetaient ces parfums que la nuit fait renaître. formes très diverses, auxquels la précision du trait et la vérité du coloris donnent une valeur et un charme particulier. La Ferme à midi. Il est midi: la ferme a l'air d'être endormie : Leur queue aux crins flottants sur leurs flancs qu'ils caressent A quelques pas plus loin, un poulain familier Frotte son poil bourru le long d'un vieux pailler, Montrent leurs fronts cornus et leurs barbes de soie, Grattent le sol, cherchant quelques graines de blé. Entre ses doigts légers tournant son fuseau blanc, (Ch. REYNAUD, 1821-1853, Contes, Épîtres et (Pailler, v. 16, signifie: 1° une basse-cour où il y a de la paille, 20 un hangar sous lequel on conserve de la paille entassée.) Les Bœufs CHANSON J'ai deux grands boeufs dans mon étable, Deux grands boeufs blancs marqués de roux; Le charri est en bois d'érable, L'aiguillon en branche de houx. C'est par eur soin qu'on voit la plaine Verte l'hiver, jaune l'été ; Ils gagnent dans une semaine Plus d'argent qu'ils n'en ont coûté. S'il me fallait les vendre, J'aimerais mieux me pendre; J'aime Jeanne ma femme; eh bien, j'aimerais mieux Les voyez-vous, les belles bêtes, Se poser les petits oiseaux. S'il me, etc. Ils sont forts comme un pressoir d'huile, Ils sont doux comme des moutons; Tous les ans, on vient de la ville Les marchander dans nos cantons, L'astre des claires nuits argentait l'orient; Calme, les bras croisés, à la fenêtre, Armand (Les Laboureurs 2, livre II. — Calmann Lévy, éditeur.) CE QU'ON ENTEND DANS LA PLAINE Couché dans l'herbe sèche, au penchant des collines, A voir les champs, les bois, l'horizon spacieux, Et puis les vendre aux boucheries; Quant notre fille sera grande, En mariage la demande, Je lui promets tout mon argent; Mais, si pour dot il veut qu'on donne Les grands boeufs blancs marqués de roux, Ma fille, laissons la couronne, Et ramenons les boeufs chez nous. S'il me, etc. (Pierre DUPONT, 1821-1870.) (Régent, v. 34, signifie maitre d'école. Couronne, v. 39, signifie eouronne de mariée). 1. Cf. dans notre Recueil de Prosateurs, Une soirée d'été, par J. Sandeau. 2. Petit roman rustique en 4 livres. Un jeune homme, qui n'a rapporté des plaisirs de la ville que le dégoût de l'existence, revient au manoir paternel pour s'y tuer. Il ne peut éviter, sur le chemin qui y mène, la ferme; il n'y respire pas impunément l'air sain d'une vie laborieuse et honnête. Il ne se tue pas, dote la fille du fermier, et va servir en Afrique. Le babil des oiseaux dans les branches, la note (Les Laboureurs, livre III. - Calmann Lévy, éditeur.) PONSARD 1814-1868 La chute des Burgraves de Victor Hugo et le retour du public à la tragédie du xvIIe siècle qu'en 1838 avait ramenée sur la scène le talent d'une grande tragédienne, Me Rachel, preparèrent le succes de Lucrèce que Francis PONSARD apporta de Vienne (Isère) à Paris en 1843. Il semble qne les spectateurs haletants, surmenės par les convulsions du drame romantique, respirerent enfin. Les oreilles, étourdies de cliquetis de mots, d'antithèses et de lyrisme, se reposerent sur un style clair, sobre, ferme. Les yeux fatigués des détails, éblouis de l'éclat d'une mise en scène riche comme un musée, savante comme une collection, sourirent à ce fuseau, à cett urne, ces toges blanches qui, avec le poignard classique de la fin, suffisaient au nouveau poete. Ponsard eut le double mérite de venir à propos, et, venu, accepté d'emblée, de ne pas faire, après le coup d'éclat de Lucrèce, d'un succes légitime un drapeau et une arme de réaction. Applaudi pour ses Romains, il laissa le regain de leur popularité nouvelle à la Virginie de M. Latour-SaintYbars (1845), et sut entretenir l'intérêt du public par la variété de ses sujets et par un judicieux usage des droits dont l'école rivale avait assuré au theâtre la conquête et l'exercice, les libertés de temps et de lieu. Chacune de ses pièces nouvelles l'éloigne de son point de depart et le rapproche de nous. Il est en France, au XIIe siècle, avec Agnès de Méranie (1845), dans le feu de la Révolution avec Charlotte Corday (1850) et sa comédie du Lion amoureux (1866), au milieu de ses contemporains avec ses comédies de l'Honneur et l'Argent (1853), et de la Bourse 1856), sans préjudice de ses excursions en pleine antiquité avec Ulysse (1852), en pays étranger avec Galilée (1867). Son style, quelquefois un peu nu, toujours naturel, souvent energique, particulierement touchant dans sa seconde tragédie, éloquent dans la troisième, brillant dans son drame italien, archaïque dans son étude antique, coloré dans sa comédie politique et militaire de 1795, simple dans ses comédies bourgeoises de nos jours, revêt partout des idees et des sentimeuts purs. Charlotte Corday est son œuvre la plus puissante; Lucrèce restera son œuvre originale. 1. Expression roide et terne, qui détonne en ette page, émue et colorée. LES TEMPORISATIONS DE BRUTUS JUNIUS BRUTUS, VALERIUS [depuis] PUBLICOLA BRUTE 1. Que me veux-tu, Valère ? VALÈRE. Ami, réjouis-toi: tes vœux sont satisfaits, Se voient poussés à bout par la guerre aux Rutules, Il manque, a dit Procule, un chef qui nous commande, Et, je vous le promets, vous en serez contents. >> 1. Cette terminaison française rappelle déjà Corneille, qui dit aussi Crasse, Tulle, Cosse, Métel, comme l'usage dit encore Camille, PaulEmile, Marc-Antoine, etc. 2. Mot pris dans un des sens du latin peculium, dont il vient: avoir, biens. Autres sens épargne du père de famille, du fils de famille, de l'esclave. Pécule n'a, proprement que le sens de épargne de l'esclave, épargne faite par le travail et l'économie. Racine pecus (qui a produit aussi pecunia) parce que, à Rome, primitivement, le bétail représentait la richesse. 3. Comparer dans Tite-Live (III, 36 sqq.) l'état de Rome qui commence à se lasser des décemvirs: Circumspectare tum patriciorum vultus plebeii, etc. |