Arrachez de vos cœurs la jeunesse lascive, Ne vous entremeslez des affaires mondaines, 1. Des troupeaux commis à votre garde. 2. Il y a en ce passage, du trop plein, des longueurs, des redites, mais de l'émotion, du coeur. Ces métaphores finales, un peu banales, sont à leur place, ou jamais. « Allez faire la cour... » est touchant et éloquent. 3. Etym.: de, re, indiquant retour, chef (caput, pris au sens de l'extrémité, origine). De nouveau, ab initio, ab integro. 4. Ronsard a souvent de ces vers pleins et francs. Ils donnent beaucoup d'accent et de fermeté à son Institution pour l'adolescence du Roy tres chrestien Charles IX de ce nom. (Discours, p. 33 sqq.). Elle commence ainsi : Sire, ce n'est pas tout que d'estre Roy de Franc, Il faut premierement apprendre à craindre Dieu Comme le seul secours dont [par lequel] l'homme se console. Qui furent Rois en terre et sont là haut aux cieux;... D'amis plus que d'argent montrez-vous desireux; Fendez la terre grasse et y semez des blez; Monstrez-vous à ce coup bons serviteurs du roy. Qui devroient mesnager et garder leur maison. Quant à moy je suis prest, et ne perdray courage, (Discours. Remontrance au peuple de France, 1564.) Tome VII, p. 54 sqq. 1. Tromper. Etymol.: Pipare, siffler; imiter le cri de la chouette pour attirer les oiseaux sur des branches enduites de glu. D'où prendre à la pipée. Gentil, noble, généreux, de race (gens, gentis; generosus). 2. Verbe formé comme pindariser, ronsardiser. 3. Ce que j'écris. 4. Comme on dit familièrement, la monnaie de sa pièce. 5. « Docte personnage, alors qu'il fut en prise contre ce bon apostre de la nouvelle créance; mais toujours l'Huguenot, à l'ouïr parler, est le maistre et vainqueur en dispute.» (Commentaire de l'édition de 1623.) 6. Dompté, domitus. Les Discours de Ronsard, ajoutez-y quelques parties du Bocage royal, faisceau ou bouquet d'épîtres au roi de France. sont la partie de ses œuvres la moins connue et la plus digne REMI BELLEAU 1528-1577 Né à Nogent-le-Rotrou, mort à Paris âgé de moins de cinquante ans, l'histoire de sa vie tient en deux lignes. Il fut précepteur des fils de Remy de Lorraine, marquis d'Elbeuf, le suivit à Naples, revint avec lui à Paris et y cultiva la poésie. Ses amis Ronsard, Baïf, Desportes et A.Jamyn portèrent son corps sur leurs épaules à l'église des Grands-Augustins, où il fut enterré. Le « gentil », entendez le charmant Belleau, l'ami de prédilection de Ronsard, celui qu'il appelait « le peintre de la nature », n'a pas son essor. Il a quelquefois tenté de monter. La prose narrative et descriptive de ses Bergeries (1re journée, 1565; 2e journée, 1571) est un fond sur lequel se détachent, au milieu de séries de sonnets, des chants, des odes, des prières, des stances imitées des Ecritures, comme en écriront Desportes et Malherbe, plus tard J.-B. Rousseau, une complainte « de Prométhée », un discours sur Ixion, des épithalames et des « tombeaux » des grands de son temps: toutes de l'être. Il faudrait pouvoir citer de ses Discours sur les misères de ce temps, de son Institution pour l'adolescence de Charles IX, de sa Remontrance au peuple de France, de sa Response aux calomnies des prédicans, etc., bien des pages d'un mouvement entraînant, d'une contexture ferme et pleine. Par elles il a sa place dans l'histoire de son temps, sinon par l'action, au moins par la plume et l'éloquence. Le patriotisme, l'horreur de la discorde et de la guerre civile lui donnent une émotion généreuse et chaude. Plus ou peu d'artifice, de pastiche, de mosaïque grecque et latine : l'expression vient de source, tour à tour chaleureuse et touchante, ou satirique et âpre. A part les exceptions qui deviennent rares, la prolixité complaisante de l'esprit y fait place à l'abondance du cœur, et la période s'y déroule avec une ampleur toute nouvelle. Il est simple et élevé quand il défend sa foi; il a des accents qui annoncent le Saint-Genest de Rotrou, l'Imitation de Corneille. Il est pathétique, il pleure sur la pauvre France »; il s'adresse, pour guérir ses plaies, à tous, peuple et noblesse, noblesse catholique, noblesse huguenote, clergé, princes, rois, et tous les pousse vivement. indépendant, hardi. On songerait presque à ce noble l'Hospital, qui disait Otons ces noms diaboliques de partis, ne changeons le nom de chrétien, n'étaient les accents de colère qui bientôt eclatent pour démentir lous les appels à la concorde, et cette prière finale à Dieu pour lui demander la mort de Coligny : Donne que de son sang il enyvre la terre Et que ses compagnons au milieu de la guerre, Mordent dessus le champ la poudre entre leurs dens, Au moins ne demandait-il pas les assassins qui, huit ans après, couchaient par terre, dans les ruisseaux de Paris, Coligny et ses compagnons », qui tuaient de douleur l'Hospital, qui faisaient courir, « de fleurs bien couronnée, » la multitude pour voir l'aubépine miraculeusement refleurie au cimetière des Innocents. -Aux imprécations publiques de Ronsard répondaient les imprécations, secrètes encore, des Tragiques de d'Aubigné. les antiquités s'y mêlent au présent; ailleurs il a paraphrasé en des Discours sur la Vanité (1566) l'Ecclésiaste. Mais les ailes de sa muse gracieuse et fleurissante, toutes diaprées de vives couleurs, ne le portent pas si haut. A chaque page les épithètes jolies, les diminutifs mignards qu'il a prodigues dans la fluidité harmonieuse et molle de ses huit Eglogues sacrées, tirées du Cantique des Cantiques (1556), détonnent dans les sujets élevés. C'est un fin artiste qui aime tout ce qui brille et chatoie dans les œuvres de la nature et de l'art. Il excelle à chanter avril et mai; - il traduit Anacréon (1555), dont les petits tableaux sont faits, comme on a dit, pour être gravés sur le chaton d'une bague; dans ses Petites inventions (1557) il chante en petits vers le papillon, la cerise, le ver luisant, les jeux de l'ombre, etc.; dans ses Amours et nouveaux eschanges des pierres precieuses, vertus et proprietez d'icelles (1566), il leur imagine une histoire allégorique et les décrit: c'est l'améthyste, le diamant, la perle, l'émeraude, le saphir, la turquoise; la pierre aqueuse est une nymphe, Iris a été aimée d'Opale. Nul, ce semble, ne représente mieux, dans la poésie du xvie siècle, le culte de la Renaissance pour l'antiquité grecque et latine, l'Italie artistique et littéraire, et la nature. Théophile Gautier, de nos jours, a aímé à dessiner dans ses romans les châteaux du temps de Louis XIII, en briques rouges reliées par des cordons de pierre blanche; il fait dans ses poésies scintiller le soleil sur les vitres ogivales et sculpte émaux et camées. R. Belleau est de cette famille d'artistes littéraires. C'est dans les Bergeries, le plus renommé de ses ouvrages au XVIe siècle, le pied sur un perron, le coude sur un balustre, qu'il regarde, respire et chante les abeilles et les roses. Voir l'édition A. GOUVERNEUR, III vol. in-12 (Bibl. Elzévirienne). CHANT DE LA PAIX 2 Je te salue, ô Paix, fille de Dieu. Donc que l'on voye à ton heureux retour Le moissonneur par toy librement dort 1. Nous donnons quelques vers de ce chant pour montrer qu'il s'en était fallu de peu que R. Belleau ne sût joindre à la vivacité des images, qui lui est ordinaire, le mouvement de l'inspiration lyrique. 2. Voilà en deux vers un tableau parfait : fond, personnage, attitude tout y est. Par toy l'humeur 1 du vin nouveau distille Dans le fourreau se moisissent au croc ". (Bergeries, 1 journée 7). 1. Humor, liqueur, liquide. Humida vina, dit VIRGILE, Géorg.. III, 364. 2. Espérer employé ic: dans le sens de attendre. Racine a dit de même (Androm. V, sc. dern.): Grâce aux Dieux, mon malheur passe mon espérance, 3. Ancienne armure de tête plus légère que le casque. Etymol. espagnole. 4. VIRGILE, Géorg., I, 508: Et curvæ rigidum falces conflantur in ensem. 5. Les noms de pistola et pistolese, donnés en italien à un court poignard que fabriquait la ville de Pistoie, furent donnés en français (pistole, pisiolet) à la plus courte des armes à feu. Le nom de pistole fut donné aussi, par assimilation diminutive, au demi-écu d'or. V. LITTRE. 6. Cf. RONSARD, les Poèmies, liv. II: la Paix, au roy Henri II: O Paix, fille de Dieu! nous viens réjouyr Que l'ardeur du soleil avoit rendu flétrie : Pends nos armes au croc, et au lieu des batailles Et que le coutelas du sang humain souillé, Pendu d'une couraye (courroie), au fourreau soit rouillé, Et que le corcelet au plancher se moisisse, Et l'aragne à jamais ses filets y ourdisse. 1. La Bergerie, qui date du xvr siècle, est une extension considérable du cadre classique de l'antique églogue Sannazar (1544) en fait un roman. Plus élastique et plus vague chez R. Belleau, à peine a-t-elle un plan et une action. Réunis sur une belle terrasse, dont le poète se complaît a décrire, dans la prose qui relie ses poésies, les magnificences artistiques, de grands seigneurs et de grandes dames costumes en berger et bergères devisent, lisent et chantent. La nuit les sépare; le jour suivant les rassemble; de là, après une première journée, une seconde journée. Pss d'autre économie. Les vers qui précèdent, le poète imagine les avoir lus sur des troncs d'arbres, représentés en une tapisserie. On voit tout ce que cache d'artificiel le titre rustique de Bergeries. Voici, au surplus, le début, en prose, du poème. L'auteur, nous dit-il, arrive au point du jour en un lieu ravissant. C'estoit une croupe de montagne, moyennement haute, toutesfois d'assez difficile accez: du costé où le soleil rapporte le beau jour, se descouvroit une longue terrace pratiquee sur les flancs d'un rocher, portant largeur de deux toises et demie, enrichie d'appuis et d'amortissemens de pierre taillee à jour, à petites tourelles, tournees et massonnées à cul de lampe, avancees hors la courtine de la terrace. pavee d'un pavé de porphyre bastard, moucheté de taches blanches, rouges, verdes, grises, et de cent couleurs differentes, nettoyee par des esgouts faits à gargouilles et muffles de lyon. L'un des bouts de ceste terrace estoit une gallerie vitree, lambrissee sur un plancher de |