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D'où tu verras fortir & la flamme & le fouffre,
D'une voix de tonnerre imprimant la terreur,
Il te dira cent fois, fcélérat, impofteur!
C'est alors qu'éperdu, reconnoiffant ton crime
De Santeuil irrité pitoyable victime,
D'un repentir tardif implorant le secours,
Tu voudras le fléchir par tes triftes discours;
En vain, pour terminer la peine qui t'eft dûë
Une froide fueur dans ton corps répanduë,
Ira glacer ton fang figé dans fes canaux
Ira durcir tes nerfs, pétrifier tes os;
En marbre transformé tu feras

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dans la France 02

Un rare monument d'une illuftre vengeance.

Ah! fi fur toi Santeuil lance un regard mutin,
Tu ne peux de Niobe éviter le destin.

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Je n'ai rien à prétendre au temple de Mémoire,
Le vif éclat de l'or n'ébloüit point mes yeux :
De ces foibles honteux mon ame préservée
N'écoutera jamais de fi bas fentimens ;

Tout ce que je demande, eft la

Du Meffager du Mans.

prompte arrivée

Déja plus de vingt fois le foleil & la lune
Ont regné tour à tour,

Depuis que je languis dans ma trifte infortune.
Déja la lumiere du jour'

A vingt fois pour le moins fait place à la chandelle, Sans que, durant un si longtems,

fi

On ait vu dans ces lieux la noble haridelle
Du Mellager du Mans.

Cependant je languis, & ma douleur profonde
Me fait perdre le jugement:
Qu'avez-vous, me dit tout le monde?
Vous êtes depuis peu tout je ne fçai comment.
Helas! fi l'on fçavoit la cause

De ces maux cruels & preffans!

Si l'on fçavoit; & quoi? Non, je ne puis, je n'ofe, Et je ne le dirai qu'au Messager du Mans.

Quel Démon cruel & barbare

Si longtems l'arrête en chemin?

Quel ennemi fecret, quel envieux destin,
L'un de l'autre tous deux fi longtems nous fépare?
Non, je ne puis fouffrir tous ces retardemens,
Je veux moi-même aller le chercher & le fuivre,

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Car c'en eft trop, & je ne puis plus vivre,
Si je ne vois le Meffager du Mans.

Quoi! tout le jour à ma pensée
Son image viendra s'offrir;

Et ma douleur présente, & ma douleur passée,
Me feront doublement fouffrir?

Encore fi la nuit, dans un repos tranquile,

Contre tous mes chagrins je trouvois un azyle!

Mais non, quand le fommeil vient affoupir mes fens, Si je rêve, je rêve au Messager du Mans.

Si pour calmer un peu ma trifte inquietude
Je prens quelque livre à la main,

D'abord fon fouvenir vient troubler mon étude,
Et me fait perdre mon Latin,

Oui, j'ai beau tout tenter, rien ne peut m'en distraire,
Et je paffe fouvent tout le jour, à quoi faire?
Le dirai-je ? à compter les heures, les momens
Que retarde en chemin le Messager du Mans.

Avouons ici ma foibleffe;

Jamais le plus touché des plus tendres amans
A-t'il plus fait pour fa Maîtreffe?

Non, jamais les Cyrus, les Héros de Romans,
N'ont foupiré, j'ose le dire,

Après le cher objet qui caufoit leurs tourmens,
Comme nuit & jour je soupire

Après le Meffager du Mans,

Si quelqu'un vient à ma rencontre,
Je vais le prendre au dépourvû,

Et lui difant, ne l'avez-vous point vû ?

Bon gré malgré je veux qu'il me le montre.
S'il me demande, Et qui? Je demeure en fufpens,
Et j'admire fon ignorance,

Croyant que comme moi tout le monde ici pense
Au Meffager du Mans.

J'entens crier, grande nouvelle !
J'accours avec empreffement;

De quoi s'agit-il donc! vetille, bagatelle,
D'une victoire feulement.

Et qu'ai-je affaire ici de nouvelles de guerre;
A tous momens, en tous lieux j'en entens,
On m'en dit d'Allemagne, on m'en dit d'Angleterre,
Et l'on ne m'en dit point du Meffager du Mans..

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