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Au Bourniquet pourtant en fait-on cas;

Pour un Rimeur ce n'eft pas peu de gloire :
Mais fur ce point ne me flattez-vous pas ?
Quoi qu'il en foit, flattez toûjours, n'importe,
Bien vous le paffe, & je vous dis ici
D'après quelqu'un qu'on flattoit de la forte,
Tu m'aduli, mà pûr tu mi piaci,

Oui, je m'en tiens à votre témoignage
Touchant ce fait, & ne veux rien de plus;
D'en appeller je n'ai pas le courage,
Honte auroit beau me prêcher là-dessus.
Onc à Rimeur honte ne fit dommage,
Sur le Parnaffe on tient que c'eft abus.
Mais entre-nous, voyez comme tout change,
Il fut un tems, & le cotterois bien,
Que quand on m'eût accablé de loüange
Au Bourniquet, l'aurois compté pour rien.
Pour le present il en est autre chose ;
D'encens qui vient de ce petit canton,
Je prife plus cent fois la moindre dose,
Que tout celui que fournit l'Helicon.

D'où peut venir cette métamorphofe?

* Maifon dans le fauxbourg d'Orleans où demeuroit le Cardinal de Bouillon, avant fa fortie de France.

Bien le voyez tant vaut l'homme dit-on,
Tant vaut fa terre, & tant vaut fa maison.
Le texte ici n'a pas befoin de glose,
Et qui voudra remonter à la cause,
Dira d'abord, le Proverbe a raison,
De tout ceci ne peut-on pas conclure,
Que fi bien-tôt
par la faveur des Dieux
Certain Seigneur s'approchoit de ces lieux,
Le Bourniquet pourroit par avanture
En valoir moins, & nous en valoir mieux,
Or vous le dis bien clair, & le repete,
Quand je devrois m'attirer le courroux
Du Bourniquet, & peut-être les coups,
Déja voudrois que la chofe fût faite.
D'autres que moi le voudroient bien auffi,
Et qui plus eft ne vois ici perfonne,
Qui de bon cœur ne le fouhaite ainfi,
J'attens toûjours, & non pas fans fouci,
Qu'enfin le Ciel à nos vœux le redonne,
Et n'y plaindrai les frais d'un grandmerci.
Que plût à Dieu qu'au défaut de Pégase,
Je pûffe au moins, perché fur un criquet,
A travers monts voler au Bourniquet,
Et voir de près le Patron de la cafe,

Là volontiers planterois le piquet,
Si l'on vouloit m'en ouvrir le loquet,
A tant de grace oferois-je prétendre?
C'est bien affez qu'on y fouffre mes Vers;
Vous qui fçavez la route qu'il faut prendre,
Si le voulez fçaurez bien me l'apprendre,
Au Bourniquet tous huis vous font ouverts,
Et de plein pied vous pouvez vous y rendre ;
Près du Patron oubliant l'Univers,

Là vous foulez & le voir & l'entendre,
Et l'admirer, l'un de l'autre s'enfuit;
Bien en ferois autant à votre place,
Mais on n'a pas toûjours ce qui nous duit ;
Jugez de-là, quelque mine qu'on fasse,
Que dans le fond le Bourniquet & vous,
Par cet endroit faites bien des jaloux.

Ne faut pourtant que fi bonne fortune
Aille vous faire oublier vos amis;
Joüiffez-en, elle n'est pas commune,
Mais bien fçavez ce que m'avez promis.
De moi chetif ayez donc fouvenance
Dans votre gloire ; & quand y verrez jour,
Près de l'Alteffe, ou près de l'Eminence,
Ce m'est tout un, faites un peu ma Cour.

Or

pour cela ne faut tant de détour; Suffit de peindre en un portrait fidele L'attachement, & l'ardeur & le zele, Et le refpect, dont mon cœur lui fait vou, Ajoûtez-y reconnoiffance entiere Pour les bontez; bref, fur cette matiere N'apprehendez que d'en dire trop peu. A fa faveur recommandez ma Muse, Elle a befoin d'un femblable fupport, Si quelquefois au moins elle l'amufe, Je fuis content, & me voilà trop fort. Qu'après cela déformais on la fronde, Fier d'un honneur qui releve fes droits, J'oferois dire, elle a plû toutefois A la prémiere Eminence du monde.

SUR LE PARQUET

DONNE'

A Me L'ABBESSE DE PREAUX le jour de fa Fête.

'Allois cueillir des fleurs, pour vous faire un bou

J'ALL

quet;

Elles s'offroient en abondance.

Et demandoient toutes la préference,
Jufqu'au moindre petit muguet ;
Quand un gros chêne à fiere contenance,
Prit la parole en arbre d'importance,
par ces mots rabatit leur caquet:

Et

Canailles, taifez-vous, leur dit-il en colere,
C'est bien à vous de vous offrir ici;

Un

Votre beauté fragile eft courte & paffagere,

gratecu

fur pied vaut mieux, fans vous déplaire Que tout autant que vous voici,

ainfi.

Dès que vous n'êtes plus au sein de votre mere.
Quant à moi, Chêne, il n'en eft pas
Vivant, ou mort, je fuis toûjours d'usage,
On fçait me mettre en œuvre poliment.

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