faite à fon frere, eft tellement liée à cette reception même, que l'un fuit neceffairement de l'autre. Mais, dira-t-on, l'Enfant prodigue étant une fois. reçû en grace, l'Auditeur n'attend & n'éxige plus rien. Il faudroit pour cela que cet Auditeur fût peu éclairé, & qu'il n'eût gueres fait de reflexion aux marques de jaloufie que le fils aîné donne dans le premier Acte, & qu'il fait enfuite éclater bien plus vivement dans le troisième; car fuppofé qu'il y ait fait la moindre attention, il ne peut s'empêcher d'être curieux d'apprendre comment la reception gracieufe que le pere fait à l'Enfant prodigue fera reçûë de ce même frere, qui le même jour avoit trouvé à redire aux regrets & aux larmes que fon pere donnoit à la ruine & à la déroute de ce fils ingrat, jufqu'à lui dire, en parlant de fon frere: Lui qui meriteroit qu'on lui fermât la porte, Si dans ces mêmes lieux, dont il fe fçût bannir, Après fa faute indigne il ofoit revenir. Or l'Auditeur éclairé n'eft point content, s'il n'apprend l'effet que produit le retour de l'Enfant prodigue, Car la piece ne consiste pas fimplement dans ce retour, mais dans un retour qui réuniffe tous les efprits en rétabliffant le calme dans la maison. Et comment pouvoit-il s'y rétablir, fi à l'arrivée du cadet, l'aîné fe retiroit mécontent? C'étoit un nouveau trouble que la fageffe & la bonne conduite du fils aîné, rendoit encore plus fâcheux & plus embarraffant que le premier; or toutes les fois qu'il refte quelque fcrupule ou quelque inquiétude dans l'efprit de l'Auditeur, la piece ne peut point être cen fee complete. C'est le fentiment de Corneille dans fon difcours des trois Unitez. Que s'il y a des Critiques qui faffent encore difficulté de fe rendre aux raifons de ce Prince du Poëme dramatique, dont l'autorité eft fi refpectable en cette matiere; je les prierai du moins de trouver bon que je n'entreprenne pas de réformer la Parabole de Notre Seigneur car quoique les regles d'une fimple narration foient differentes de celles du theatre, cependant elles conviennent entierement dans ce qui regarde la fimplicité de l'action qui eft ou racontée ou reprefentée; & comme Notre Seigneur n'a pas prétendu faire deux histoires féparées du retour de l'Enfant prodigue, & de la reconciliation du fils aîné, que ce retour avoit brouillé avec fon pere; mais une fimple & unique hiftoire compofée de deux parties differentes liées neceffairement enfemble, & qui fuivent l'une de l'autre, auffi doit-on dire la même chofe de la maniere dont ces deux parties font traitées dans la piece Dramatique de l'Enfant prodigue. Voilà pour ce qui touche l'unité d'action. A l'égard de l'unité de jour, elle y eft fi regulierement obfervée, que l'action a pû fe paffer en auffi peu de temps qu'il en faut pour la reprefenter, quelque peu d'intervalle qu'on mette entre les Actes. Ľu nité de lieu n'y eft pas moins étroitement gardée, puifque tout fe paffe au bout d'une petite avenue qui joint la maifon du pere. L'ENFANT ACTEUR S. LE PERE. LE FILS AISNE. L'ENFANT PRODIGUE. MANASSE'S, AZARIAS, } amis du fils aîné. UN BERGER. La Scene eft dans un bois voifin de la maison du pere de famille. L'ENFANT P PRODIGUE. ACTE I SCENE I LE PERE. HARE's tarde long-temps! cruelle in certitude! Helas toûjours en proye à mon inquié- Depuis qu'il eft parti, chaque jour je l'attens; |