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Quelques perfonnes étoient inftruites du projet que nous avions conçu pour réformer la collection des Décifions nouvelles : ce projet parvint jufqu'à M. le préfident Gilbert. Auffi-tôt, il nous fit offrir les plaidoyers de fon ayeul, qui a rempli fi dignement & pendant un fi grand nombre d'années, les fonctions d'Avocat-Général. On peut juger facilement de notre reconnoiffance. M. Gilbert fit plus que ce qu'il avoit offert; il engagea M. le président de Fleuri à nous communiquer fes plaidoyers dans les causes où il avoit porté la parole, tant au Grand Confeil qu'au Parlement. M. le préfident d'Ormeffon & M. l'avocat-général Séguier nous accorderent la même grace pour les leurs; M. de Saint-Fargeau pour ceux de fon pere. Bientôt nous eûmes à notre difpofition une collection immenfe, non pas de décisions féches, arides, dont les faits font rapportés d'après des notes incertaines, ou d'après les mémoires & l'expofé d'une feule partie : mais de décifions dont le fait étoit bien pofé, les motifs balancés de part & d'autre, & le réfultat préparé par ces grandes vues, ces motifs supérieurs qui caractérisent en général, les réflexions des Magiftrats chargés du ministere public,

Ces fecours n'étoient relatifs qu'aux affaires qui s'étoient présentées au parlement de Paris. Pour les affaires jugées aux parlemens de prc vince, nous n'avions d'autre reffource que celle des livres, & l'on n'a pas de tous les parlemens un Journal auffi bien fait que celui du parlement de Bretagne, D'ailleurs, indépendamment des décifions de queftions particulieres & ifolées qui peuvent avoir été jugées dans les parlemens de province, il y avoit un objet d'une toute autre importance & dont nous étions bien plus fortement occupés.

Perfonne n'ignore que prefque toutes les Cours ont des points de jurifprudence qui leur font propres. Ils font déterminés par les loix que l'on fuit dans la province, quelquefois par fa fituation, quelquefois par fon ancien état. Les tribunaux fupérieurs donnent des réglemens analogues à la législation & à la fituation de leur reffort; des jurifconfultes qui traitent les matieres fur les lieux, en développent les regles d'après les principes & les ufages propres aux cours auprès defquels ils font employés. Une partie de ces réglemens & de ces

ufages particuliers font connus à Paris, à caufe des affaires qui y viennent des différentes parties du royaume; mais ils ne le font pas tous & ils ne le font que de quelques perfonnes. D'une province à l'autre, ils font prefque abfolument ignorés. Nous concevions quel fervice ce feroit rendre aux jurifconfultes, & combien ce feroit étendre l'utilité de la nouvelle collection, que d'y inférer ces ufages; nous forhaitions pouvoir y parvenir : quelques effais ne nous avoient montré que la difficulté d'y réuffir: un dernier événement auffi heureux que ceux qui venoient de précéder, a furpaffé nos espérances & mis le comble à nos vœux.

La demande du privilége pour l'impreffion de la collection nouvelle, exigea que nous miffions fous les yeux du magiftrat qui eft à la tête de la librairie, le projet de nos travaux : il s'étoit déja étendu d'après les fonds précieux qu'on avoit confiés à notre difpofition. Nous n'attendions qu'une permiffion; M. de Néville nous annonça que M. le Garde des fceaux prenoit intérêt au fuccès de notre travail IP enhardis par cette annonce flatteuse, nous le fuppliâmes de nous obtenir fa protection. M. le Garde des fceaux nous l'accorda; il voulut bien nous demander comment il pourroit nous être utile, & voici ce qu'il s'eft donné la peine de faire à notre priere.

M. le Garde des fceaux a écrit à chacun de MM. les procureurs généraux, une lettre par laquelle il leur a demandé de lui envoyer tous les arrêts de réglement rendus dans leur cour depuis l'année 1750; de lui envoyer même une note des arrêts, qui, depuis la même époque, feroient regardés comme ayant jugé nettement des points de jurifprudence importans, & d'y joindre l'indication des traités de droit modernes les plus eftimés & les plus fuivis dans la province.

Sur cette demande, il a été envoyé à M. le Garde des sceaux dequoi former plufieurs volumes de recueils qu'il nous a fait paffer avec les lettres d'envoi, dont beaucoup contiennent des notes très-intéres– fantes fur le droit & les ufages des provinces. Nous avons fait venir la plupart des traités que ces lettres indiquoient; & alors nous avons penfé, non fans raifon ce femble, avoir entre les mains les matériaux les plus riches fur la jurifprudence du parlement de Paris, & fur

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les ufages propres à tous les parlemens du royaume. Il ne s'agiffoit plus que de concevoir pour leur emploi, des idées & un plan qui répondît à la faveur que les premiers magiftrats nous accordoient, & qui fut digne du public auquel nous avions confacré nos travaux & nos veilles. Les Jurifconfultes éclairés jugeront de ce que nous avons fait : nous n'en parlerions qu'en aveugles; mais nous pouvons rendre compte de ce que nous avons eu deffein de faire.

La diftribution de l'ouvrage en différens articles, rangés felon l'ordre, de l'alphabct, nous a paru effentiel à conferver, puifque c'étoit une nouvelle édition de la collection de M. Denifart que nous donnions; d'ailleurs, cet ordre eft fi commode lorfqu'on veut faire des recherches! Mais nous ne nous fommes pas diffimulés les défauts & les inconvéniens de l'ordre alphabétique, lorfqu'on fe propofe des études fuivies. Pour y remédier, avant de confidérer chaque fujet particulier felon l'ordre fortuit dans lequel la fuite des lettres de l'alphabet le difpofe, nous avons confidéré l'ensemble de toutes les queftions de droit comme l'objet d'un vafte traité, dans lequel tout feroit claffé felon la différence des matieres, & ordonné felon que les principes le demandent, en paffant de définitions & d'axiomes, à des conféquences dont les décifions des cours & les fuffrages de jurifconfultes appuyent la vérité. Un pareil traité feroit divifé en livres, en chapitres, en paragraphes; & cette divifion ainfi établie, il nous a femblé que chaque mot que nous employerions pourroit être comme le titre d'un chapitre ou d'un paragraphe du grand traité de droit : voici une idée fommaire de cette divifion.

Il faut confidérer fur le droit, d'abord fes fondemens & fes principes généraux; enfuite pluficurs efpeces de droits : le droit naturel, le droit des gens, le droit public & le droit privé. Celui-ci fe partage en droit civil, droit eccléfiaftique & droit criminel.

Ce qui regarde foit les principes généraux du droit, foit les vérités fondamentales de chaque forte de droits, ne pouvoit pas être divifé: c'étoit ou des axiomes dont il falloit voir l'enchaînement, ou des connoiffances préliminaires qu'il falloit acquérir. Nous en avons fait le fujet d'un difcours placé à la fuite de cet avertiffement,à la tête de la Collection.

Le

:

Le droit public nous a paru pouvoir fe partager en cinq traités fecondaires du Royaume, des loix, des jurifdictions, de la police, des finances. Chacun de ces mots forme donc le premier chapitre d'un traité fur la matiere.

Le droit privé civil nous a semblé devoir former auffi cinq traités : des obligations, des conventions, des donations, des fucceffions, des actions ou de la procédure. Chacun de ces mots forme également le premier chapitre des traités que nous indiquons.

Le droit eccléfiaftique privé n'a que deux traités, l'un des miniftres & perfonnes eccléfiaftiques, l'autre des bénéfices.

Le droit criminel a deux traités auffi, des délits & des peines.

On conçoit que ce qui regarde chacun des droits eccléfiaftique & criminel, exigeroit un plus grand nombre de traités, & l'examen d'un plus grand nombre d'objets, s'il étoit donné féparément. Par exemple, il faudroit dans la divifion du droit criminel, un traité des preuves : mais ce qui a rapport à certe importante matiere ayant été développé au fujet des obligations & des actions, on ne devoit pas le répéter en parlant du droit criminel.

Il eft à obferver auffi que tout le droit, de quelque claffe qu'il foit, fe rapportant aux personnes ou aux chofes, on peut confidérer ce qui regarde les perfonnes & les chofes comme réglant la divifion de toutes les parties du droit : & pour cela nous avons fait des articles perfonnes & chofes, deux articles généraux, qui préfentent l'idée de cette division générale à raison des personnes & des choses.

Pour rendre notre plan plus fenfible, nous allons encore donner l'idée des branches ou chapitres d'un traité particulier, par exemple des obligations.

Les obligations peuvent être examinées quant à leurs différentes efpeces, quant à leur caufe, quant à leur preuve, & quant à leur extinction.

De-là il fuit que dans un traité de droit tel que nous l'avons conçu, il y auroit un livre intitulé Des Obligations. Ce livre feroit divifé en Chapitres où l'on traiteroit des conditions, de l'individualité, de la folidité, de l'hypotheque, des priviléges des obligations: on y

Tome I.

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traiteroit auffi dans des Chapitres particuliers, de la cause, de la de la preuve,

& de l'extinction des obligations. Reprenant enfuite chacun de ces derniers objets on verroit, par exemple, que la preuve des obligations peut être ou littérale ou vocale; que la preuve littérale réfulte d'actes authentiques, ou d'écritures privées, &c; on y verroit pareillement que les obligations s'éteignent par paiement réel, ou abandon en paiement, par décharge, compenfation, confufion de qualités, prefcription, &c. ce feroit-là autant de fections ou de paragraphes.

Mais ces divifions une fois établies, qui empêche que ces mots : oldigation, condition, individualité, caufe, preuve, extinction des obligations; acte authentique, écritures privées, paiement, abandon, &c. ne forment autant d'articles que l'on rangera, pour la facilité des recherches, par ordre alphabétique; mais que, pour la facilité de l'étude, chacun pourra lire dans l'ordre que la matiere même lui enfeigne? Il ne faut, ce femble, pour rendre la chofe poffible, que deux conditions: avertir au commencement de chaque article, de quel livre il est un Chapitre, de quel Chapitre il eft une fection, & donner une table générale où tous les mots, c'eft-à-dire dans notre idée, les titres des Chapitres, foient rangés fuivant l'ordre de la matiere. C'est-là auffi ce que nous avons fait par les indications que nous avons placées immédiatement sous chaque mot, & par une table qui sera imprimée dans le dernier volume. Au moyen des indications qui font fous chaque mot, on peut remonter de principes en principes jufqu'aux vérités premieres; & par le moyen de la table, on peut defcendre des vérités premieres jufqu'aux derniers détails. Par exemple, que l'on cherche le mot Acte authentique, T. 1, p. 159, on lira au deffous de ce mot, l'indication fuivante: voyez 1o. acte; 2°. preuve littérale, 3°. preuve; 4°. obligation. Cela fignifie que pour avoir une connoiffance complette de ce qui regarde les ades authentiques, il faut connoître les principes communs à toutes les efpeces d'actes, qu'on trouvera expofés au mot acte; les principes généraux communs à la preuve littérale, les autres principes plus généraux communs à toute efpece de preuve; & enfin les premiers principes qui découlent de la nature même des obligations. Réciproquement dans la table générale,

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