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à proportion qu'elle sera sensible, aura approché du but.

& que

lui-même

Ce n'eft pas que de très habiles sculpteurs n'aient emprunté les fecours dont la peinture tire avantage par le coloris; Rome & Paris en fourniffent des exemples. Sans doute que des matériaux de diverfes couleurs, employés avec intelligence, produiroient quelques effets pittorefques: mais diftribués fans harmonie, cet affemblage rend la fculpture défagréable & même choquante. Le brillant de la do

la rencontre brufque des couleurs difcordantes de différents marbres, éblouira l'œil d'une populace toujours fubjuguée par le clinquant, & l'homme de goût fera révolté. Le plus certain feroit de n'employer l'or, le bronze, & les différents marbres, qu'à titre de décoration, & de ne pas ôter à la fculpture proprement dite fon vrai caractere, pour ne lui en donner qu'un faux, ou pour le moins toujours équivoque. Ainfi, en demeurant dans les bornes qui lui font prescrites, la sculpture ne perdra aucun de scs avantages; ce qui lui arriveroit certainement, fi elle vouloit employer tous ceux de la peinture. Chacun de ces arts a fes moyens d'imitation; la couleur n'en eft point un pour la fculpture.

Mais fi ce moyen, qui appartient proprement à la peinture, eft pour elle un avantage, combien de difficultés n'a-t-elle pas qui font entièrement étrangeres la fculpture? Cette facilité de produire l'illufion

par le coloris eft elle-même une très grande difficulté; la rareté de ce talent ne le prouve que trop. Autant d'objets que le peintre a de plus à repréfenter que le sculpteur, autant d'études particulieres. L'imitation vraie des ciels, des eaux, des payfages, des. différents inftants du jour, des effets variés de la lumiere, & la loi de n'éclairer un tableau que par un feul foleil, exigent des connoiffances & des travaux néceffaires aux peintres, dont le sculpteur eft entièrement difpenfé (a). Quoiqu'il y ait des études & des travaux qui appartiennent exclufivement à chacun des deux arts, ce feroit ne les pas.connoître que de nier leurs rapports. Ce feroit une erreur fi on donnoit quelque préférence à l'un aux dépens de l'auà caufe de leurs difficultés particulieres.

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(a) Les corps & les rayons de la lumiere agiffent continuellement les uns fur les autres : les corps fur les rayons de lumiere, en les lançant, les réfléchiffant & les réfractant ; & les rayons de lumiere fur les corps, en les échauffant, & en donnant à leurs parties un mouvement de vibration, &c.

Voilà ce qu'obferve le grand Newton fur les effets de la lumiere; & c'eft précisément ce que de grands peintres venus avant lui avoient obfervé & pratiqué. Ils n'ont dû cet objer important de l'art à aucun philofophe ; & la plupart de ceux qui l'ont fupérieurement exécuté, n'auroient pas fa lite Newtoff, Mais, comme lui, ils lifoient la nature : l'un écrivit, les autres la peignirent. Ainfi quand on vous dira que le philofophe tient le fceptre qui doit régir les arts, & que ce fceptre ne doit jamais fortir de fes mains, exceptez-en la peinture.

La peinture eft encore agréable, même lorfqu'elle eft dépourvue de l'enthousiasme & du génie qui la caractérisent; mais fans l'appui de ces deux bafes,. les productions de la sculpture font infipides. Que le génie les infpire également, rien n'empêchera qu'elles ne foient dans la plus intime union, malgré les différences qu'il y a dans quelques unes de leurs marches. Si ces arts ne font pas femblables en tout, il y a toujours la ressemblance de famille ( a).

Appuyons donc là-deffus, c'est l'intérêt des arts. Appuyons-y encore pour éclairer ceux qui en jugent fans en connoître les principes, ce qui arrive souvent même à des efprits du premier ordre. Pour ne rien dire de nos littérateurs modernes, fouvenons

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(a) Facies non omnibus una,,

Nec diverfa tamén, qualem decet effe fororum.

Sebbene per

(Ovid. Met. lib. 2.)

Je n'avois pas encore lu Vafari quand j'écrivois ces réflexions; & depuis j'ai vu que, fur le parallele des deux arts, mon opinion eft entièrement la fienne: le lecteur peut en juger. la diverfità della effenza loro (della fcul» tura e della pittura), hanno molte agevolezze; non fono » elleno però ne tanto, ne di maniera, ch'elle non vengano giuftamente contrapeffate infieme: e non fi conosca la paf»fione, o la caparbietà, piu tofto che il judicio, di chi vuole » che l'una avanzi l'altra. La onde a ragione fi può dire, che → un' anima medefima regia due corpi ed io per quefto conchiudo, che male fanno coloro, che s'ingegnano di difu »nirle o di fepararle l'una dall' altra ». Proemio dell' opera.

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nous que Plutarque en a méconnu les rapports quand il a écrit: » On peut tranfporter à la danse ce que

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Simonide a dit de la peinture, & dire que la danse » est une poéfie muette, & la poéfie une danse » lante: car affurément la peinture ne fe fert point » du fecours de la poésie, ni la poésie de celui de la peinture; elles n'empruntent abfolument rien l'une de l'autre, tandis que l'orchestique & la poétique ont une entiere affinité & une intimité parfaite» (a).

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Si c'est là ce que Plutarque a voulu dire, on peut demander quelle forte de peinture il voyoit, ou quelles étoient fes connoiffances dans l'art. Aucun tableau ne lui faifoit-il appercevoir le pictoribus atque poëtis, & l'ut pictura poëfis erit ?.Il y a quelque l'art de créer une apparence qu'il ne fentoit pas que scene fur la toile, avec des perfonnages qu'il faut auffi créer avant de les repréfenter, tient bien autant, pour le moins, à la poétique, que l'art. de dire à des hommes déja faits à cet exercice, figurez de telle ou telle maniere. Il est visible que Plutarque a confondu l'attitude du modele avec le génie, l'étude avec le talent du peintre, qui a peu fait quand il a imaginé fa scene & placé fes modeles, s'il n'a le grand art de les bien rendre; car aucun de ses perfonnages ne fait faire un pas : il est lui-même, &

(a) Plutarch. Sympos. 1. 9, quest, 15.

lui feul, le maître, le décorateur & tous les figurants de fon ballet.

Quoi qu'il en foit, il femble que l'honneur de la peinture ancienne & la raifon demandent qu'on s'en rapporte plutôt au poëte Simonide qu'au littérateur, au philofophe Plutarque. C'eft, au refté, une difcuffion de fentiment fur laquelle je m'en rapporte à l'homme de goût, au connoiffeur & à l'artifte. Ce n'eft pas qu'au premier chapitre du traité, Comment il faut lire les poëtes, Plutarque ne dise, La poésie eft un art d'imitation & une fcience correfpondante à la peinture, & qu'il n'enseigne au jeune homme qu'il veut inftruire, cette regle du goût, qui eft, ditil, dans la bouche de tout le monde: La poéfie eft une peinture parlante; & la peinture une poéfie muette, D'où nous voyons jufqu'à quel point les hommes d'un très grand mérite font foumis à la contradiction & à l'erreur.

Si, par une erreur dont on voit heureusement peu d'exemples, un fculpteur alloit prendre pour de l'enthoufiafine & du génie cette fougue déraifonnée qui emportoit Boromini & Meiffonier; qu'il foit perfuadé que de pareils écarts, loin d'embellir les ob jets, les éloignent du vrai, & ne fervent qu'à repréfenter les défordres de l'imagination. Quoique ces deux artiftes ne fuffent pas feulpteurs, ils peuvent être cités comme des exemples dangereux, parceque le même efprit qui conduit l'architecte, conduit

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