Imágenes de páginas
PDF
EPUB

atteliers? Il eût répondu : Les grouppes de Coyzevox font beaux, hardis, un peu maniérés; mais le Curtius du Bernin eft, fur-tout pour le cheval, une des plus mauvaises productions qu'on puisse voir en fculpture: mais il faut pourtant le regarder, à quelques égards, comme le délire d'un très habile artifte.

DE MICHEL-ANGE,

ET DE SON BACCHUS.

Je ne connois dans les beaux arts aucune autorité; je n'admire que ce qui a le droit de m'en impofer, & je crois que rien ne me doit ôter la permiffion de le dire. C'est fur ce principe que je vais expofer fans détour ce que je penfe du Moïfe de MichelAnge. Et pourquoi n'aurois-je pas cette franchise? M. Richardson le fils, qui a vu l'ouvrage dont je vais parler, a bien pu dire: Ce Moïfe reffemble fi fort à un bouc, qu'il faut ou que Michel-Ange l'ait fait à deffein, comme il n'en étoit que trop capable, ou qu'il fe foit trompé dans l'idée du caractere; & qu'au lieu de l'élever, comme il le devoit, jufqu'au plus haut degré de la nature humaine, il l'ait abailé vers la brutalité. Ne craignez pas que je vous en dife autant; mais voici ma pensée fur l'air de fatyre que certainement Michel-Ange a un peu donné à cette tête fublime. Qui peut nous affurer que ce grand artiste n'avoit pas monté fon imagination fur l'idée univerfelle de Pan, & que, prife pour toute la nature, cette idée n'ait pas été réunie dans fa tête à l'image connue du dieu, mais agrandie, mais ennoblie par la plus forte expreffion de puiffance?

La ftatue de Moïfe, dont je connois la compofition par les modeles, les deffeins & les gravures, eft de la plus favante exécution. Je défie fes plus grands admirateurs d'ajouter, à cet égard, à l'idée que j'en ai. J'ai vu les deux ftatues de MichelAnge qui font à Paris chez le duc de Richelieu & j'ai vu Michel-Ange: il eft effrayant! Quand on a vu une de fes figures, difoit le Dolce, on les a toutes vues. Cela ne doit s'entendre que de l'exécution; c'est de la pensée, de la compofition, des convenances, que j'ai à vous parler.

Un héros, un légiflateur, le chef d'un peuple doit être représenté dans l'attitude la plus convenable à la grande idée qu'on s'en eft faite. Il doit avoir une action caractéristique & un vêtement qui marque fa dignité, fur-tout lorfque celui qu'il portoit n'étoit pas ignoble. Si l'artiste s'éloigne quelquefois du coftume, ce ne doit être que pour ajouter à la dignité de fon fujet : tous les grands peintres & les grands statuaires font d'accord fur ce point. Voyez les Moïfes qu'ils ont représentés, & fi aucun ressemble, pour l'ajustement, à celui de Michel-Ange. Vous en excepterez cependant un Moïfe du Parmefan: c'est une belle figure affise, bien étudiée, bien caractérifée. Mais ce Moïfe n'ayant qu'une draperie jettée fur le haut des cuiffes, repréfente un vigoureux athlete prêt à brifer les deux tables, il les éleve par-deffus fa tête, & va les lancer avec indignation

au pied de la montagne. Moïfe étoit-il nud dans cet inftant? & fi le Parmesan vouloit faire du nud, tant' d'autres fujets ne lui en offroient-ils pas raifonnablement l'étude ? Ce tableau eft à Parme.

Que l'habillement qu'a donné Michel-Ange au fien foit femblable ou non à celui que portoit Moïfe, c'est ce qui importe peu; que cet habillement doive concourir à caractériser la perfonne représentée, cela eft indifpenfable. Mais, pourront dire quelques partifans aveugles de la fculpture antique, l'efpece d'étoffe qu'il auroit fallu pour habiller convenablement le légiflateur des Juifs eût été trop.pefante à repréfenter en fculpture, parceque des plis grands & larges font des duretés infupportables, & reffemblent plutôt à un rocher qu'à une véritable étoffe. Il n'y a rien à répondre à ceux qui n'ont aucune idée de tout ce que peut exécuter la fculpture, & ce n'eft pas ici le lieu de les en instruire: je l'ai fait ailleurs ( a ). Pour les autres, il n'y a qu'à les faire fouvenir des belles ftatues de papes, d'évêques, d'apôtres, &c. faites par les grands ftatuaires italiens, & leur demander fi les étoffes larges, jettées de grande maniere & bien exécutées, n'ajoutent pas à la grandeur ou à la dignité du fujet où elles conviennent, & fi la ftatue antique de Zénon n'est pas belle, même par fa draperie.

(a) Réflexions fur la sculpture. Voy. ci-dessus, page 39.

Quel eft donc le défaut d'ajustement que je trouve dans le Moïfe de Michel-Ange? Le voici : un homme vêtu d'une espece de fimple camifole fort ferrée, qui lui laiffe les bras nuds jufques par-deffus les épaules, reffemble plutôt à un forçat qu'à un législateur. Le défaut d'expreffion & de convenance eft tout aussi frappant : un homme qui d'une main tient le bas de fa barbe, & dont l'autre main fans action eft pofée fur fon ventre, n'exprime rien, abfolu-. ment rien; il ne dit pas un mot de ce que Moïfe avoit fans ceffe à dire à fon peuple indocile. Quel fujet heureux pour un ftatuaire ! que d'expreffions, de grandeur, de pathétique il préfente ( a )!

(a) Un écrivain, auffi eftimable par fes vertus que par fes connoiffances, a mis dans un journal quatre pages d'obfervations très abrégées fur mes écrits : j'aurois voulu qu'il eût daigné s'étendre davantage. Il dit & il cite Jules II mele pape que noit le génie de Michel-Ange au bâton. Je favois qu'à Toulon il y a des artistes fort adroits dont on mené le génie à coups de bâton, mais j'ignorois que celui des beaux arts fût infpiré de la mêine maniere. J'avois lu dans les Obfervations fur l'Italie, tome 3, page 183: L'opulence ouvrit les atteliers; la liberté, dont l'effet eft d'étendre les idées, de fortifier l'ame & d'augmenter fon reffort, échauffa les génies nés pour les arts. Je le croyois, & je le crois encore.

Le même auteur dit dans le même journal: Une des mains de Moïfe eft fur fa poitrine & l'autre à sa barbe. Comme la` poitrine n'est pas fituée au deffous du nombril, il eft évident que cette main eft pofée fur le ventre; & je ne crois pas que

« AnteriorContinuar »