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comme nous voyons effectivement au (nommé). Antinous du Vatican, & au fameux Méléagre, qui n'ont point le caractere des héros de M. de Watelet. II arrive de même de fon obfervation fur les faunes; celui que vous citez eft un jeune garçon, & les Cupidons du même âge ont la forme auffi peu découplée que ces faunes : mais fi vous vous donniez la peine, monfieur, de confidérer le beau faune de Borgefe avec le jeune Bacchus entre fes bras, vous n'y trouveriez rien de lourd, comme non plus à celui de Florence qui joue des crotales, fi vous en exceptez les bras & la tête qui font modernes. Mais à Rome nous avons quantité des faunes de la forme la plus élégante; nonobftant, ils ne font pas des Apollons, comme vous dites fort bien, mais fouvent égaux au plus beau Bacchus, excepté dans la phyfionomie & la posture : mais il faut diftinguer les fylvains des faunes. Je fuis d'ailleurs bien perfuadé que fi M. de Watelet avoit été à Rome avant d'écrire, il auroit joint à l'élégance de fon ftyle & belle maniere de ' s'énoncer, les idées que la vue de tant de belles productions de l'art des Grecs infpire naturellement à tout homme d'efprit & de tact délicat, & ne fe' feroit pas arrêté aux idées prifes dans les atteliers des artistes de Paris; & je me perfuade même que. fi vous, monfieur, homme de génie, comme vous êtes fûrement, fuffiez à Rome, vous auriez peutêtre le bonheur de devenir antiquomane, comme vos

ancêtres

ancêtres les grands artiftes françois qui ont fait tant d'honneur au fiecle de Louis XIV.

Winckelmann a dédié fon hiftoire de l'art à l'art même, au temps, & à moi. Perfonne de nous ne peut parler pour l'art : mais ce fera le temps qui fera peut-être connoître fi fon ouvrage aura été utile. A vous dire la vérité, monfieur, je suis perfuadé que oui, & que ceux qui liront fon hiftoire avec envie de s'inftruire, & particulièrement l'article du premier tome, page 313 de la traduction, y trouveront quelque avantage dans la connoiffance du goût antique; & je pense que fi même il y régnoit de la préoccupation pour les Grecs, cette même idée eft utile, & les reftaurateurs des arts ont trouvé tout ce qu'il y a de bon dans ceux des modernes par cette même prévention, & on s'eft foutenu tant qu'elle a duré en Italie & en France, & on a reculé à mesure qu'on s'en eft éloigné; mais où elle n'eft pas arrivée, on n'a jamais touché à un certain degré de perfection. Quand vous aurez, monfieur, convaincu l'univers que Winckelmann eft un ignorant, que Cicéron, Pline, Theodore, Quintilien, & tous les anciens auteurs, n'ont fu ce qu'ils difent, qu'est-ce que nous avancerons par-là? Les Laocoon, l'Apollon, le Gladiateur, les Faunes, l'Apolin, les Vénus, & tant d'autres ftatues, foutiendront toujours le crédit des Grecs; & vous êtes fûrement perfuadé vous-même que la belle proportion, le

Tome III.

beau idéal, l'aifance des attitudes, la nobleffe & égalité du style, l'entendement des os, des muscles, l'expreffion folide, la variété de caractere, les draperies qui habillent fans cacher le nud, enfin un travail qui fe foutient en toute place & lumiere, font des mérites qui fe trouvent fupérieurement dans les beaux ouvrages antiques; vous-même, dis-je, monfieur, favez fûrement combien des difficultés il y a à acquérir quelqu'une de ces parties, & voulant parler fans paffion, vous conviendrez qu'en comparaifon de ces mérites, celui d'exprimer des plis des chairs, & des veines, devient très petit; que enfin les coups hardis, les touches, & cet efprit qui est fouvent l'unique foutien des artistes modernes, difparoît à côté de la beauté folide de l'antique.

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Je vous fouhaite donc, monfieur, la gloire de vous occuper à faire des ouvrages par lefquels nous puissions nous convaincre de plus en plus de vos talents fupérieurs, & je fuis fâché de ne pouvoir voir le fuperbe ouvrage que vous avez entre les mains, duquel j'ai entendu beaucoup d'éloges, & que je fuppofe me feroit un grand plaifir. Je fouhaiterois que vous fiffiez quelque note fur les études que vous avez fait du cheval, dont le public & l'art pourroient fûrement tirer grand avantage, profitant

de vos lumieres. Je vous demande excufe fi ma longue lettre vous a incommodé, & en vous priant

de l'honneur de votre amitié : je m'offre à votre fervice, fi je pouvois avoir l'avantage de vous être utile à Rome, où je vais paffer en peu de femaines. En attendant, j'ai l'honneur d'être avec le plus parfait estime & considération,

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MONSIEUR,

Si chacun avoit votre franchife, on ne fe déchireroit pas comme on fait à chaque inftant dans les lettres & dans les arts. Vous avez la bonté de m'avertir en particulier de ce que vous trouvez de répréhensible dans mes rêveries; & je mets, je vous affure, à ce procédé, le prix qu'il méritera toujours chez les hommes honnêtes. Je vais, fi vous me le permettez, prendre votre lettre à côté de moi, la relire, & à mesure que j'aurai à vous répondre, jetter mes idées fur le papier.

Vous dites, monfieur, que, dans les Obfervations fu la ftatue de Marc-Aurele, je m'explique avec un peu d'amertume. Vous pourriez bien avoir raison; car, en les écrivant, je buvcis dans la coupe amere du déplaisir. Si vous n'avez jamais éprouvé celui que donnent quelquefois des perfonnes qui devroient maintenir l'efprit des artistes dans un état ́contraire à l'amertume, je vous en félicite; & fi je pouvois m'expliquer, vous trouveriez que j'ai encore écrit avec affez de douceur.

Si j'avois, me dites-vous, monfieur, vu la ftatue de Marc-Aurele en place, & fi en même temps j'euffe

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