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fance la plus parfaite des muscles, la précision du trait, l'art même de rendre les paffages harmonieux de la peau, & d'exprimer les refforts du corps humain; ce favoir, dis-je, n'est que pour les yeux des artistes & pour ceux d'un bien petit nombre de connoiffeurs. Mais comme la fculpture ne fe fait feulement pour ceux qui l'exercent ou qui y ont acquis des lumieres, il faut que le sculpteur, pour mériter tous les fuffrages, joigne aux études qui lui font néceffaires un talent fupérieur encore. Ce talent fi effentiel & fi rare, quoiqu'il paroiffe à la portée de tous les artiftes; c'eft le fentiment. Il doit être inféparable de toutes leurs productions; c'eft lui qui les vivifie: fi les autres études en font la bafe, le fentiment feul en eft l'ame. Les connoiffances acquifes ne font que particulieres, mais le fentiment eft à tous les hommes; il est universel: à cet égard, tous les hommes font juges de nos ouvrages.

Exprimer les formes des corps, & n'y pas joindre le fentiment, c'est ne remplir fon objet qu'à demi. Vouloir le répandre par-tout, fans égard pour la précision, c'eft ne faire que des efquiffes & ne produire que des rêves dont l'impreffion fe diffipe en ne voyant plus l'ouvrage, même en le regardant trop long-temps. Joindre ces deux parties, (mais quelle difficulté!) c'eft le fublime de la fculpturé.

Tome III.

être

BAS-RELIEFS.

COMME le bas-relief est une partie très intéresfante de la sculpture, & que les anciens n'ont peutpas laiffé dans les leurs affez d'exemples de tous les moyens d'en composer, je vais effayer quelques idées fur ce genre d'ouvrage.

Il faut principalement diftinguer deux fortes de bas-reliefs, c'est-à-dire le bas-relief doux, & le basrelief faillant; déterminer leurs ufages, & prouver que l'un & l'autre doivent être également admis felon les circonftances.

Sur une table d'architecture, un panneau, une colonne, un vafe, objets qui font cenfés ne devoir point être percés, & qui n'admettent point de renfoncement, un bas-relief faillant à plusieurs plans, & dont les figures du premier feroient entièrement détachées du fond, feroit le plus mauvais effet, parcequ'il détruiroit l'accord de l'architecture, parceque les plans reculés de ce bas-relief fuppoferoient & feroient fentir un renfoncement où il n'y en doit point avoir; ils perceroient le bâtiment, au moins à l'œil. Il n'y faut donc qu'un bas-relief peu faillant, & de fort peu de plans: ouvrage difficile par l'intelligence & la douceur des nuances qui en font l'accord. Ce bas-relief n'a d'autre effet que celui qui réfulte de l'architecture, à laquelle il doit être entièrement fubordonné. On doit entendre, fans qu'il foit

besoin de le dire, que le sujet & le style doivent auffi concourir à l'union avec l'architecture. Je ne de l'effet résultant des faillies.

parle ici que

Mais il y a des places où le bas-relief saillant sera très avantageufement employé, & où les plans & les faillies, loin de produire quelque défordre, ne feront qu'ajouter à l'air de vérité que doit avoir toute imitation de la nature. Ces places font ordinairement fur un autel, ou telle autre partie d'architecture que l'on fuppofera percée ou fufceptible de renfoncement, & dont l'étendue fera fuffifamment grande, puifque dans un grand efpace un bas-relief doux ne feroit aucun effet à quelque distance. Ces places & cette étendue font l'ouverture d'un théâtre, où le sculpteur fuppofe tel enfoncement qu'il lui plaît, pour donner à la scene qu'il représente, toute l'action, le jeu & l'intérêt que le fujet exige de fon art, en le foumettant toujours aux loix de la raison, du bon goût & de la précision. C'eft auffi l'ouvrage par où l'on peut reconnoître plus aifément les rapports de la fculpture avec la peinture, & faire voir que les principes que l'une & l'autre puisent dans la nature font abfolument les mêmes. Loin donc toute pratique fubalterne qui, n'ofant franchir les bornes de la coutume, mettroit ici une barriere entre l'artifte & le génie. Ceux qui penferoient que ces fortes de bas-reliefs produiront du papillotage, ignore

roient les moyens du fculpteur intelligent pour les

éviter (a).

Parceque d'autres hommes, venus plusieurs fiecles avant nous, n'auront tenté de faire que quelques pas dans cette carriere, nous n'oferions en faire plus! Les fculpteurs anciens font nos maîtres fans doute dans les parties de l'art où ils ont atteint la perfection; mais il faut convenir que, dans la partie pittorefque des bas-reliefs, nous devons peu d'égards à leur autorité. On peut déployer beaucoup d'érudition pour prouver que les bas-reliefs antiques font une fource précieuse où nous devons puiser le coftume des anciens. Qui en a jamais douté? Mais cette question n'a aucun rapport avec l'intelligence pittorefque, ou, fi vous voulez, Sculpturale, dont il eft feulement question ici.

(a) M. Dandré Bardon a donné, cinq ans après que ces réflexions parurent, une excellente idée de ces bas-reliefs. Voyez fon Effai fur la Sculpture, pages 48, 49 & so. Mais ne Lifez qu'avec précaution la page 54: l'enthousiasme patriotique l'a dictée. Il s'agit de l'étonnant Puget & de fon bas-relief d'Alexandre vifitant Diogene, ouvrage fuprême dans plufieurs partics d'exécution, mais absolument faux dans l'intelligence du bas-relief: ce n'eft que du papillotage. Refpectons les erreurs fublimes, & tolérons auffi les erreurs honnêtes, fur-tout quand elles font compensées. Lifez la fuccincte, mais jufte description du bas-relief d'Alegarde, dans l'ouvrage de M. Dandré, page ss.

Seroit-ce parcequ'ils ont laiffé quelques parties à ajouter dans ce genre d'ouvrage, que nous nous refuferions à l'émulation de le perfectionner? Nous qui vraisemblablement avons porté notre peinture audelà de celle des anciens pour l'intelligence du clairobfcur, de la magie de la couleur, de la grande machine, & des refforts de la compofition; n'oferionsnous prendre le même effor dans la fculpture? Bernin, le Gros, Alegarde, Melchior Caffa, AngeloRoffi, nous ont montré qu'il appartient au goût & au génie d'étendre le cercle trop étroit que les anciens ont tracé dans leurs bas-reliefs. Ces grands artiftes modernes fe font affranchis avec fuccès d'une autorité qui n'eft recevable qu'autant qu'elle est raifonnable.

Je n'introduis donc aucune nouveauté, puisque je m'appuie fur des exemples qui ont un fuccès décidé. Après tout, fi mon opinion fur le bas-relief étoit une innovation; comme elle tendroit à une plus jufte imitation des objets naturels, fon utilité la rendroit néceflaire.

Je ne veux laiffer aucune équivoque fur le jugement que je porte des bas-reliefs antiques. J'y trouve, ainfi que dans les belles ftatues, la grande maniere dans chaque objet particulier, & la plus noble fimplicité dans la compofition. Mais quelque noble que foit cette compofition, elle ne tend en aucune forte à l'illufion d'un tableau ; & le bas-relief

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