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Quand il dit, l. 16, c. 12, Poftea humor omnis è tota confluit in ulcus, il entend que la réfine flue par l'incifion, la bleffure qu'on a faite à l'arbre : il ne s'agit pas là d'ulcere.

Quand il dit, l. 17, c. 24, In ulcus penetrat omnis à foris injuria, il entend que le chaud & le froid penetrent dans un cep par l'incifion, la blessure que lui aura faite une ferpette émouffée. Ceux qui ont lu cet auteur, Cicéron, & d'autres écrivains latins favent qu'ils ont dit ulcerare & vulnerare pour fignifier blesser. On fait qu'Horace dit vulnus, comme il dit ulcus, pour la bleffure de l'amour, ode 27, 1. 1, & ode 11, 1..5. On fait que Virgile dit, vulnus alit, Enéide, 1. 4, comme les poëtes que j'ai cités difent ulcus.

Voilà déja beaucoup d'autorités; mais j'en ai encore une à produire, qui me paroît trop décisive pour la laiffer de côté. Apulée, dans le feptieme livre de l'Ane d'or, ne laiffe rien à defirer fur le fens que les Latins donnoient fouvent au mot uicus. Il dit, en parlant d'un petit drôle qui l'accabloit de coups de bâton (a): Frappant toujours à la même place, m'ayant entamé la peau, & fait le trou d'une fort

(a) Unum feriendo locum, dissipato corio, & ulceris latiffimi facto foramine, immò foveâ, vel etiam feneftrâ, nullus tamen definebat identidem vulnus fanguine delibutum obtundere.

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large bleffure, ou plutôt une foffe, & même une fenêtre, il ne ceffoit de frapper fur cette bleffure quoiqu'elle fût toute remplie de fang »

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C'est dans la même phrafe, en parlant de la même bleffure & du même inftant, qu'Apulée nomme ulcus ce que peu de mots après il appelle vulnus. Voudriez-vous fuppofer que, par un dérangement d'efprit, ou par l'ignorance d'une langue qu'il s'étoit donné beaucoup de peine à apprendre, il ait prétendu qu'un ulcere ne foit devenu fur le champ qu'une fimple bleffure? Il est des circonftances où il ne fuffit pas d'avoir raison, il faut encore le prouver de fon mieux; c'eft ce que j'ai tâché de faire. Je fais que, par des longueurs, je sacrifie souvent le goût à la raison: trop d'écrivains font le contraire.

Je ne dis rien de ceux qui voudroient rapporter le cujus du paffage en question à puerum: je crois feulement qu'ils auroient du chemin à faire, attendu

que le puer est à Olympie, & le claudicans à Syra

cufe.

On m'affure que M. Leffing eft convenu que je le critiquois honnêtement: je fuis très flatté de l'avoir au moins fatisfait à cet égard. S'il eût jetté dans quelque journal une réponse à mon observation, fans doute il m'eût jnftruit.

De quelques parcelles d'un excellent ouvrage.

C'EST dans le chapitre 42 de l'Essai sur l'histoire générale, que M. de Voltaire juge le mérite de quelques uns de nos peintres & de nos fculpteurs. Qu'il me foit permis de produire auffi mon opinion, & de l'oppofer à celle du grand écrivain que je contredis. Les artiftes éclairés & les connoiffeurs inftruits feront nos juges.

Le Sueur, dit M. de Voltaire, n'a eu que le Vouet pour maître. On ne peut pas dire à la lettre que le Sueur n'ait eu que Vouet pour maître, parceque les beaux ouvrages & le naturel qu'il étudia étoient auffi de bons maîtres. D'ailleurs le Vouet avoit rapporté d'Italie la grande maniere de composer & de peindre. C'eft lui qui, bien plus que le Primatice & maître Roux ne l'avoient fait fous François I", en développa les principes dans notre école; & nous lui devons la plupart des excellents peintres qui l'ont illuftrée. Quoique le Sueur ait beaucoup furpallé fon maître, je crois cependant que Vouet méritoit quelques lignes, & qu'il ne falloit pas tant le déprimer. J'ose avancer qu'un peintre, encore aujourd'hui, qui auroit les talents du Vouet, à quelques négligences près dans le deffein, mériteroit une belle réputation.

La famille de Darius qui eft à Versailles n'eft

point effacée par le coloris de Paul Véronefe qu'on voit vis-à-vis. Cela fignifie apparemment que la compofition, le deffein, l'expreffion de la famille de Darius, ne font pas effacés par le coloris de Paul Véronefe. N'auroit-il pas mieux valu comparer coloris à coloris ? on auroit vu que celui de le Brun eft pefant & faux dans ce tableau. Celui de Paul Véronese lui fait certainement beaucoup de tort, par fa vérité & fa fraîcheur. La légèreté des étoffes du peintre italien, comparée aux étoffes de le Brun, eût auffi confervé quelque fupériorité. Qui oferoit comparer la touche & la magie du pinceau des pèlerins d'Emmaüs avec ces mêmes parties de la famille de Darius? Mais l'expreffion, la dignité, le costume, le deffein en général, & l'ordonnance, comme le dit M. de Voltaire, font abfolument en faveur de le Brun. Je crois que c'est toujours avec précaution & beaucoup de connoiffance qu'il faut comparer les peintres françois, quelque habiles qu'ils foient, aux grands peintres italiens. Quand nous avons raison, il faut le prouver victorieufement attendu que l'Italie eft toujours difpofée à nous don

ner tort.

Les tableaux de Caze commencent à être d'un grand prix. Nous voyons tous les jours que le prix n'eft pas une regle fort fûre, ni une preuve certaine du mérite d'un ouvrage, en peinture comme en beaucoup d'autres choses. Caze étoit un habile homme

fans doute: mais je ne crois pas que le prix de fes tableaux foit augmenté, car on ne les achete prefque plus. M. de Voltaire ne favoit pas que la cabale contre le Moine élevoit le bon homme Caze, qui ne s'en feroit pas douté. J'ai vu jouer cette farce, & le Moine en a fenti les tristes effets.

Le tableau de Santerre dans la chapelle de Verfailles eft un chef-d'œuvre de graces. Il faut convenir que ce tableau avoit déja reçu de grands éloges. On trouve en effet dans une defcription de Versailles, que le peintre a raffemblé dans la figure de fainte Thérefe tous les dons de la nature, tout ce qui frappe dans la beauté, tout ce qui touche dans la douceur & dans la modeftie, enfin le même air & les mêmes manieres qu'avoit la grande Ifabelle de Caftille. Je fuis trop jeune pour avoir vu Ifabelle de Caftille, & pour connoître fon air & fes manieres; mais j'ai vu le tableau de Santerre. La fainte minaude un roulement d'yeux qui manque fon effet, parceque fes yeux 'appartiennent à une tête fans caractere, & dont les autres parties n'ont point d'expreffion. Ce tableau eft mou, froid; les tons en font pefants, la couleur cendrée; c'eft à-peu-près une capucinade. Si M. de Voltaire eût vu dans la chapelle de Verfailles la defcente du S. Efprit, peinte par Jouvenet, il est à croire que le chef-d'œuvre de graces ne lui eût paru qu'un affez médiocre tableau, ftyle & fujer

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