Imágenes de páginas
PDF
EPUB

L'Adam & Eve du même eft un des plus beaux tableaux qu'il y ait en Europe. Ce tableau eft une froide copie de la Vénus de Médicis & de l'Antinous. Il a des beautés fans doute : mais il doit refter

dans la claffe de ces ouvrages trop exaltés par les poffeffeurs, & par ceux qui les croient & les flattent. Ce tableau, tout froid qu'il eft, l'emporte cependant fur la fainte Thérefe de la chapelle de Verfailles. M. Dandré dit fort judicieusement de ce peintre: Ses tableaux les plus eftimés font des têtes de fantaisie & des demi-figures.

Jouvenet, quoique bon peintre, eft inférieur à le Brun fon maître. On croit communément qu'en difant, tel eft fupérieur, tel eft inférieur, on a jugé les grands peintres; on fe trompe. Il faudroit, par une balance exacte, analyfer des parties de l'art qui ne peuvent jamais être réunies dans une feule tête, & voir celles qui conftituent plus fpécialement le peintre. Sans parler de quelques autres tableaux, quand on en montrera un de le Brun qui l'emporte fur la defcente de croix par Jouvenet, qui eft préfentement dans notre académie, nous donnerons la préférence à le Brun.

Le mérite de la Foffe étoit à-peu-près semblable à celui de Santerre. Santerre', qui ne faifoit que des figures feules, n'eft en rien femblable à la Foffe, peintre très favant dans les effets, le coloris, la magie & la machine d'une grande compofition. Si l'on

avoit à nommer deux peintres différents en tout, on pourroit dire la Foffe & Santerre.

Le tableau de Rigaud, du cardinal de Bouillon. ouvrant l'année fainte, eft un chef-d'œuvre égal aux plus beaux ouvrages de Rubens. Ce tableau, de la vieilleffe de Rigaud, eft couleur de rose & de brique. Aucun artiste ne s'avifera de le citer, quand il parlera des plus belles productions de ce maître. En un mot, il eft auffi loin des plus beaux ouvrages de Rubens, qu'un jardin bien peigné eft loin d'un payfage riche, agrefte & fublime.

De Troyes le fils a fait des tableaux d'hiftoire eftimés. Ses beaux tableaux font en général foutenus par une nobleffe de compofition, une richeffe d'ajustements, & une beauté de coloris, qui feront toujours beaucoup d'honneur à notre école. De Troyes doit être affurément plus qu'eftimé.

Vateau a été dans le gracieux ce que Ténieres a été dans le grotesque. Vateau eft créateur d'un genre de galanterie, qu'il a porté à un point de perfection unique: Ténieres peignit avec la plus grande finesse les hommes & les mœurs de fon pays. Si chacun ne favoit pas ce qu'il faut entendre par grotesques en peinture, M. Watelet y fuppléeroit dans l'Encyclopédie, à l'article de ce mot. On pourroit dire auffi que, dans un sens, Callot a fait quelquefois des figures grotesques; des figures de fantaisie, des cari

catures.

[ocr errors]

Le Moine a peut-être furpaffé tous ces peintres par la compofition du falon d'Hercule à Versailles. Tout habile homme qu'il étoit, il n'a furpaffé par aucune de fes compositions, ni Pouffin, ni Vouet, ni le Sueur, ni le Brun, ni Bourdon, ni Jouvenet, ni la Foffe, ni de Troyes. Son plafond de Versailles, quoique rempli de très beaux détails dans l'exécu tion, ne furpaffe point du tout les belles compofitions des peintres que je nomme.

Girardon a égalé tout ce que l'antiquité a de plus beau, par les bains d'Apollon, & par le tombeau du cardinal de Richelieu. Très affurément, s'il ne reftoit que ces deux ouvrages, ils attefteroient la beauté de la fculpture françoife; mais ils ne nous empêcheront pas de voir la fupériorité de l'Apollon, du Gladiateur, du Laocoon, du Torfe, & de quelques autres encore. M. de Voltaire a omis, dans fa lifte des fculpteurs françois, Desjardins, Lerambert, Marfy, le Pautre, qui cependant y auroient figuré pour le moins auffi honorablement que Théodon, quoiqu'il fût habile homme.

Je crois auffi que, parmi les peintres, il falloit nommer le Fevre, Blanchard, Bourguignon, la Hire, J. Baptiste Vanloo, Largilliere, Noël Coypel, qui tous ont fait honneur à notre peinture, & qui, fi je ne me trompe, ont furpaffé, la jufte balance à la main, Caze, qu'il eft convenable de louer, mais avec plus de modération que n'en mettoit le marquis

d'Argens. Il dit, page 144, Examen des différentes écoles de peinture: Peut-être ne rifqueroit-on rien en foutenant qu'il n'y eut jamais de plus beau pinceau, fi l'on en excepte celui du Correge. Cela eft un peu fort, & nous connoiffons entre ces deux peintres de plus beau pinceau & plus léger que celui de Caze. Mais quand ailleurs on compare notre Mignard au Correge, on a la permiffion de tout dire.

De quelques mots d'un autre ouvrage.

MONSIEUR

ONSIEUR de Voltaire a quelquefois parlé de mon métier ; & quand j'ai cru qu'il en parloit bien, je l'ai cité avec diftinction: je puis donc rectifier deux ou trois inadvertences qui lui font échappées dans fes Questions fur l'Encyclopédie : on doit penfer que je n'oublierai pas comment il faut reprendre un écrivain de fon mérite.

Il dit, à l'article enchantement, que les fils de Laocoon étoient deux grands garçons de vingt ans & que, dans le grouppe antique, Laocoon eft repréfenté comme un géant, & fes grands enfants comme des pygmées.

J'ai un peu étudié la ftatue de Laocoon; j'ai auffi mefuré le pere & fes deux fils, & je n'ai trouvé ni géant ni pygmée. Laocoon a fix pieds neuf pouces environ; fon plus grand fils a cinq pieds, & paroît âgé de treize à quatorze ans; le plus jeune eft un enfant de dix ans, qui a quatre pieds deux ou trois pouces. En fuppofant ces trois figures droites, l'aîné des fils viendra jufqu'aux tetins du pere, & l'autre à fon nombril: fi je me trompe, c'eft de bien peu.

Il falloit, auroit-on pu me dire, què les trois ftatuaires leur donnaffent vingt ans. Ils étoient trop habiles pour commettre cette faute. S'ils l'euffent

« AnteriorContinuar »