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doit toujours prétendre, puifque cette illufion n'eft autre chofe que l'imitation des objets naturels. Si le bas-relief eft fort faillant, il ne faut pas craindre que les figures du premier plan ne puiffent s'accorder avec celles du fond. Le fculpteur faura mettre de l'harmonie entre les moindres faillies & les plus confidérables: il ne lui faut qu'une place, du goût & du génie. Mais il faut l'admettre, cette harmonie; il faut l'exiger même, & ne point nous élever contre elle, parceque nous ne la trouvons pas dans les bas-reliefs antiques.

Une douceur d'ombres & de lumieres monotones

qui fe répetent dans la plupart de ces ouvrages, n'eft point de l'harmonie. L'œil y voit des figures découpées, & une planche fur laquelle elles font collées; & l'œil est révolté. Art divin de percer la toile, ne franchiras-tu jamais cette barriere infipide qui ne doit fes admirateurs qu'à fon ancienneté ?

Afin qu'on ne croie pas que je fabrique une chimere qui n'a de réalité que dans mon imagination, je prouverai que cette admiration mal entendue a une existence plus réelle. Il y a plus d'un fiecle qu'elle fut foutenue dans notre académie par un de fes recteurs (a). Après avoir parlé des bas-reliefs où les

(a) Conférence manuscrite du 9 juillet 1673, fur l'ordre que le fculpteur doit tenir pour faire les bas-reliefs felon les antiques, par M. Anguier, sculpteur.

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plans feroient obfervés felon la dégradation naturelle, & après les avoir blâmés, il dit: » Cet ordre » de bas-relief, quoique naturel, n'a aucun rapport » avec les bas-reliefs des fculpteurs anciens, qui » n'ont voulu faire aucune figure inutile ni perdue " par la distance éloignée d'où on les doit voir; & » c'est avec juste raifon qu'ils y ont tenu leurs figu» res, tant celles de devant que celles de derriere, » les plus grandes qu'ils ont pu, afin de les faire paroître, & de bien faire connoître tout le fujet » de l'histoire avec peu de figures, de la distance » dont elles doivent être regardées». Il conclut,après quelques autres obfervations, que » les figures feront » peu différentes de leurs hauteurs, & prefque d'une » même grandeur; qu'étant ainsi, il n'y aura rien » de perdu ». Ce fculpteur raisonnoit tout juste comme ces enfants qui ne favent danser que du côté de la cheminée, & qui font fort fots quand il faut danfer ailleurs: exemple humiliant de l'aveugle routine (a).

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(a) C'est vraisemblablement cette idée fauffe d'un basrelief qui a fait dire à un voyageur françois, en parlant de notre comédie de Paris : » Quatre ou cinq acteurs rangés à la file → fur une même ligne, comme un bas-relief au devant du » théâtre". (Voyage d'un François en Italie, tome 8, p. 211.) Pourquoi ne l'auroit-il pas dit? M. Mariette croyoit bien, lui, que les fculpteurs modernes qui ont observé des dégradations & des diftributions de plans, ont mis figure fur figure, & ont

D'habiles artistes cependant pourroient penfer qu'un bas-relief ne doit avoir d'autre prétention que celle d'un deffein rehauffé d'un peu d'ombre pour y faire appercevoir quelques faillies, & l'idée de pré-* tention à un tableau peut leur paroître outrée. La raifon qu'on en donneroit peut-être, feroit le peu de réuffite qu'ont eu ces fortes de bas-reliefs, lorfque quelques uns de nos fculpteurs les ont tentés. Mais auroit-on bien examiné fi ce défaut vient de l'art ou de l'artifte? Le beau bas-relief d'Attila par l'Alegarde eft-il dans ce cas? Les bas-reliefs des éleves qui concourent au prix n'ont-ils pas le fuffrage de l'académie, quand aux autres parties ils favent réunir l'intelligence heureuse des plans variés avec

formé des grouppes qui fe développent toujours mal dans la fculpture en bas-relief, où il faut tâcher, dit il, autant qu'il eft poffible, que les figures foient ifolées. Il ajoute que » les » anciens, mieux confeillés que les modernes, ne fe font prefque jamais écartés de cette louable pratique ». (Traité des pierres gravées, tome 1, p. 83.)

Cependant, à la page 40 du même volume, il blâme les peintres anciens de n'avoir introduit dans leurs tableaux qu'un petit nombre de figures, prefque toujours ifolées, & difpofées fur un même plan, & loue les modernes d'être à cet égard fort au-dessus des anciens. Pourquoi donc refuse-t-il ici aux faiseurs de bas-reliefs l'art enchanteur de la compofition? Le peintre a -bien fait d'étendre la sphere de fon art, le ftatuaire fait mal d'étendre la fphere du fien, eft un raifonnement qu'on doit rougir d'avoir produit, fur-tout quand on enseigne.

sagesse, c'est-à-dire, autant que la sculpture doit le permettre, fans aller jusqu'à une prétendue liberté qui choqueroit bien plus qu'elle ne feroit illufion? car je n'approuve pas que l'artifte fe livre à un beau rêve que les fpectateurs ne pourroient pas faire avec

lui.

Nous avons quelque part au vieux Louvre un grand bas-relief de marbre, fait par un de nos très habiles sculpteurs. Le principal grouppe, qui confifte en deux figures, eft fort faillant, fans harmonie, fans dégradation, & fans qu'il y ait aucun objet qui y conduife avec intelligence; on apperçoit feulement fur le fond des figures prefque invifibles. Ce bas-relief eft l'ouvrage foible d'un très favant artiste, qui a risqué un genre qu'il n'avoit un genre qu'il n'avoit pas étudié, & qu'il ne fentoit pas. Son exemple feroit donc affez mal choifi, fi on vouloit s'en prévaloir pour blâmer la forte de bas-reliefs dont je parle, puifqu'il lui eft entièrement contraire. Ce feroit dire à-peu-près : Il faut renoncer à faire des odes, car celle de Boileau fur la prise de Namur n'a pas réuffi.

Ce feroit mal défendre la caufe des bas-reliefs antiques, fi on difoit que ce fond qui arrête ́fi défagréablement la vue, eft le corps d'air ferein & dégagé de tout ce qui pourroit embarraffer les figures, puisqu'en peignant ou deffinant d'après un bas-relief, on a grand foin de tracer l'ombre qui borde les figures, & qui indique fi bien qu'elles font collées

donc

fur cette planche qu'on appelle fond; on ne pense pas que ce fond foit le corps d'air. Il est vrai que cette imitation ridicule eft obfervée pour faire connoître que le deffein eft fait d'après la sculpture. Le fculpteur eft donc feul blâmable d'avoir donné à fon ouvrage un ridicule qui doit être représenté dans les copies, ou les imitations qui en font faites.

Dans quelque place & de quelque faillie que foit le bas-relief, il faut l'accorder avec l'architecture, & que le fujet, la compofition & les draperies foient analogues à fon caractere. Ainfi la mâle austérité de l'ordre tofcan n'admettra que des fujets & des compofitions fimples; les vêtements en feront larges & de fort peu de plis : mais le corinthien & le compofite demandent de l'étendue dans les compofitions, du jeu & de la légèreté dans les étoffes.

De ces idées générales je paffe à quelques obfervations particulieres.

La regle de compofition & d'effet étant la même pour le bas-relief que pour le tableau, les principaux acteurs occuperont le lieu le plus intéreffant de la scene, & feront difpofés de maniere à recevoir une maffe fuffifante de lumiere, qui attire, fixe & repofe fur eux la vue, comme dans un tableau, préférablement à tout autre endroit de la compofition. Cette lumiere centrale ne fera interrompue par aucun détail d'ombres maigres & dures, qui n'y produiroient que des taches, & détruiroient l'accord.

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