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Sur la Vénus de Médicis.

DE's antiquaires affurent que la Vénus de Gnide

étoit dans l'attitude précife de celle de Médicis : on a gravé, d'après des antiques, des Vénus de la même position; & à la faveur de quelques médailles & de deux ou trois paffages des anciens, qui ne font rien moins que décififs, on a formé ce qu'on appelle des preuves. On favoit On favoit pourtant que le nom de Cléomene, fils d'Apollodore, eft écrit au bas de la Vénus de Médicis ; & l'on pouvoir penfer que fi les deux statues étoient femblables, l'une étoit la copie de l'autre. Voyons ce qu'il en peut être.

croya

Praxitele, auteur de la Vénus de Gnide, & antérieur à Cléomene, ne l'a pas copié; mais eft-il ble qu'au milieu de la Grece, au fiecle d'Alexandre, Cléomene ait ofé mettre fon nom feul à une copie? Ce ftatuaire vivoit, dit-on, peu après Alexandre, & la Vénus de Praxitele étoit trop récente pour ofer, en la copiant, s'attribuer l'originalité & se flatter qu'on en feroit cru fur fa fignature. L'inscription d'une autre ftatue de Vénus nous laiffe un modele de l'ufage modefte des anciens copiftes. L'original avoit été fait dans la Troade, peut-être dans la ville de Troas; & au bas de la copie on lit en grec, Ménophante la faifoit d'après la Vénus qui eft dans

la Troade,

Il est dit, dans le Mufaum Florentinum, que la Vénus de Médicis n'eft pas de Cléomene, parceque Pline, qui fait mention de neuf statues de Vénus, ne dit pas que cet artiste en ait fait une, & qu'il ne lui donne que les mufes des monuments d'Afinius Pollion. Pline auroit pu ignorer le fait, ainsi qu'il en ignoroit d'autres.

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L'infcription, dit M. Gori, eft gravée sur un morceau de marbre rapporté à la plinthe, les lettres ont été dorées, & l'écriture eft moderne. Je le veux: mais il feroit bien fingulier que des modernes euffent écrit de préférence le nom de Cléomene, qu'aucun écrivain de l'antiquité ne leur faifoit connoître pour l'auteur d'une Vénus, tandis qu'ils avoient à choifir dans Pline Alcamene, Scopas, & Praxitele, qui ont fait des Vénus. Je conclurois donc feulement du raifonnement de M. Gori que la plinthe brifée de la Vénus de Médicis avoit été trop mutilée pour qu'on pût la maftiquer proprement, mais non pas affez pour qu'on ne pût la déchiffrer, & qu'on l'aura rétablie & copiée fur la nouvelle plinthe en caracteres modernes. Il n'eft pas d'ailleurs étonnant qu'on ait doré les lettres fi les anciennes lettres l'étoient, comme on fait que l'étoient auffi les che veux de la ftatue.

Autre objection. On a écrit επεσεν pour ἐποίει, ce qui ne fe trouve, dit-on, fur aucun monument qui ne foit pas restauré; in omnibus finceris monu

mentis. Le nombre des exemples de ce verbe mis à l'aorifte eft fi grand fur des monuments finceres, que je fuis furpris de l'affertion de M. Gori. Je foutiens même qu'elle fait une forte preuve contre lui : car en admettant qu'il foit plus dans l'ufage des anciens artistes de mettre il faifoit, que il a fait, je demanderai pourquoi les modernes fauffaires, pour mieux donner à leur infcription l'air antique, n'ont pas mis le verbe comme ils le voyoient au Torfe, à l'Hercule, au Gladiateur & à tant d'autres. Ce n'est donc pas un marbrier moderne qui a compofé

ΚΛΕΟΜΕΝΗΣ ΑΠΟΛΛΟΔΩΡΟΥ ΑΘΗΝΑΙΟΣ ΕΠΩΕΣΕΝ,

Cleomene fils d'Apollodore Athénien l'a fait. Cet EПQEZEN eft, dit-on, une faute énorme, indigne d'un fculpteur athénien. Je conviens qu'il faudroit EMOIHEN; mais eft-il donc impoffible à toute rigueur qu'un ftatuaire athénien ait commis cette faute? J'ai fous les yeux plufieurs de ces fortes de fautes d'orthographes, dépofées fur des marbres & des médailles antiques; les favants les connoissent, & favent que les artistes grecs en commirent plus d'une. Le ftatuaire, auteur d'un Hercule qui fe repose, n'a-t-il pas écrit 'ΑΝΑΠΑΟΜΕΝΟΣ pour ΑΝΑΠΑΥΟΜΕΝΟΣ ? Ne lit-on pas fous un bufte antique, , au cabinet du roi de Naples, 'AHOMANNIO EПOEZE? Voyez Winckelmann, Monumenti inediti.

Je n'aurois plus rien à dire de cette inscription, fi je n'avois pas vu à la Haye, chez le prince de

Gallitzin, un fort ancien plâtre, où le nom eft Diomede, & non pas Cléomene, & où le verbe est également fautif. Ce nom n'eft point gravé fur le plâtre; il eft aifé de voir qu'il eft empreint fur la plinthe, dans un moule qui l'étoit fur le marbre comme la ftatue.

François Ier fit mouler en Italie plufieurs belles statues antiques, au nombre defquelles étoit la Vénus: le plâtre que je dis ne feroit-il pas de ce temps? Puifque j'ai rapporté l'infcription telle qu'elle eft aujourd'hui à Florence, il convient que je donne celle que je lis à la Haye : ΔΙΟΜΗΔΗΣ. ΑΠΟΛΛΟΔΩΡΟΣ. ΑΘΗΝΑΙΟΣ. ΕΠΩΕΣΕΝ. (α) On voit que le fecond mot eft fautif, & qu'il faudroit AПOAAANPOY: ainfi, des deux manieres, on a mal'fait cette infcription, foit en la reftaurant, foit en la compofant en Grece ou en Italie.

Il est vrai qu'on ne trouve aucun ancien ftatuaire

(a) M. Winckelmann prétend que le verbe eft écrit, comme il doit être ; que M. Gori fe trompe en le niant, & que M. Mariette a eu tort de le fuivre. Pour le prouver, il copie ce verbe autrement qu'il n'eft fous la ftatue ; il écrit 'EПOH2E, & foutient que c'est ainsi qu'il se trouve fur la plinthe de la Vénus Cependant il eft très vrai que, fur cette plinthe, on lit 'EПQEZEN, tant en Italie qu'en Hollande, & que M. Winckelmann a changé trois lettres dans un feul mot. Comment donc a-t-il lu cette infcription? Il a pourtant paffé quelques mois. à Florence; & quoique je n'y aie pas été, j'ai employé un moyen

qui fe nomme Diomede; mais Gruter produit une infcription où eft le nom d'un Diome te cifeleur. Ce titre n'eft pas une preuve, abfolue fans doute; auffi ne le donné-je que pour une induction qui peut conduire à une grande vraisemblance Ne feroitil pas croyable que ce Diomede, s'il étoit jeune encore, eût abandonné le cifelet pour étudier fé rieufement la fculpture, & qu'il eût fait la Vénus? Pline nous apprend que Lyfippe commença par être ouvrier en bronze, & qu'il s'enhardit à étudier la ftatuaire; & qu'auffi le cifeleur Calamis laiffa le cifelet, étudia la fculpture, & parvint à faire un bel Apollon de marbre. Pourquoi le cifeleur Diomede ne feroit-il pas également parvenu à faire une belle Vénus de marbre?

Ce que je puis affurer, c'eft qu'en Hollande on voit plufieurs plâtres de cette figure fignés Diomede; qu'on en a un à Amfterdam, venu du tems de Louis XIV, & même de fa part, difent les poffeffeurs.

prefque auffi für que fi j'euffe touché le marbre, fans copier MM. Gori & Mariette, ni aucun livre: car je voulois être mieux affuré qu'on ne l'eft ordinairement par les livres, & bien m'en a pris. M. Huber, qui ne se doute pas de l'infidélité de fon auteur, nous l'a transmise bien complete dans sa traduction (tome 2, page 258). Chacun peut l'y voir, & con clure que le favant antiquaire Winckelmann étoit quelquefois loin d'être exact.

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