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» ne reffort pas, fans avoir des oppofitions foit » d'ombre ou de lumiere. C'eft pourquoi les pein» tres, lorfqu'ils affemblent plufieurs objets dans un

tableau, les grouppent de façon que par le foyer » de lumiere, ou les maffes d'ombres portées fur plusieurs objets rassemblés, l'effet foit plus impofant, plus foutenu, & que cette chaîne, cette magie de l'art, aide à l'entiere illusion ».

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Mais les paroles de Quintilien, qui difent précifément le contraire, ne donnent de la peinture qu'une idée des plus refferrées. Circonfcrire chaque figure d'un entourage d'ombres, & les féparer toude peur que l'ombre de l'une ne porte fur l'autre, c'est diviser, éparpiller les objets qui forment la compofition. Qu'on fuppofe Quintilien auffi connoiffeur que l'on voudra dans les arts, il fuffit

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peu

Inft. orat. 1. 8, c. 5. On peut reprocher à l'abbé Gédoyn de n'avoir pas traduit ce paffage avec affez de précifion. Mais un homme de lettres d'un grand mérite, embarrassé de ce même paffage qu'il trouvoit fort difficile, parcequ'il ne vouloit pas convenir du fens qu'il préfente naturellement, crut fe tirer d'affaire en traduifant ainfi le fecond membre de la phrase: C'est pourquoi les ouvriers qui arrangent les tableaux, les placent de maniere que l'ombre des bordures ne porte pas fur les autres tableaux. Quand on expofe au grand jour le délire du rêve d'un homme rare, & qu'on refpecte fon fommeil, on ne doit pas le nommer. Je furprendrois bien les lecteurs, fi j'indiquois feulement celui dont il s'agit ici. ·

qu'il n'ait pas été aveugle, pour qu'on doive admettre ici fon témoignage; il fuffit qu'il parle jufte d'après la peinture qu'il voyoit, pour qu'on doive croire qu'elle avoit en général quelque rapport avec les bas-reliefs du même temps. M. Cochin a donc pour lui une autorité de plus, & Quintilien nous fournit un rayon de lumiere fur la peinture des anciens.

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Le comte de Caylus emporté par le moment, lorfqu'il écrivoit fon 3 tome des Antiquités, fe trouvoit dans une fituation d'efprit fort différente de celle qu'il avoit en parlant d'une peinture colossale qui représentoit Néron, & dont j'ai déja parlé dans une des notes fur le 35 livre de Pline. » Si » ce coloffe, dit-il, a été bien exécuté, & s'il a eu » ce qu'on appelle de l'effet, comme on ne peut

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prefque pas en douter, puifque Néron l'exposa » à la vue de tout le peuple, on doit regarder ce morceau, non feulement comme un chef-d'œu»vre de peinture, mais comme une chofe que peu » de nos modernes auroient été capables de penfer » & d'exécuter ». Les peintres, depuis Alexandre, ne font plus ici du fecond rang, en leur faifant même beaucoup d'honneur: les voilà fous Néron capables de penfer & d'exécuter un chef-d'œuvre de peinture: on ne peut prefque pas en douter.

Voilà l'homme en effet : il va du blanc au noir;

Il condamne au matin fes fentiments du foir.

Il est cependant vrai que M. de Caylus n'a con→

damné ni rétracté, du moins à notre connoiffance, ni fes fentiments du foir, ni ceux du matin ; ainfi paffons. Il a, dit-il, beaucoup examiné la Noce Aldobrandine, qu'on a tronvé très bien confervée à Rome. (Aujourd'hui elle ne l'eft plus. ) Ce morceau, dit-il encore, quoique dans une classe inférieure aux grandes écoles de la Grece, ne laiffe pas de nous faire fentir le faire, & la maniere de definer, de peindre & de compofer des anciens.

Quand un bon connoiffeur a beaucoup examiné un ouvrage, on doit s'en rapporter à fon jugement, & des principes qu'il établit on peut hardiment tirer des conféquences. On peut donc affurer, d'après le comte de Caylus, que les anciens compofoient leurs tableaux fans plans, fans beaucoup de perspective, sans liaison d'objets, fans harmonie générale, fans chaîne, d'une maniere éparfe, découfue, & tout-à-fait dans le goût de leurs bas-reliefs, & même de ceux où ils mettoient ensemble des fcenes qui ne fe paffoient ni dans un même inftant, ni dans un même lieu tous ces défauts fe trouvent dans la Noce Aldobrandine. Voici fes bonnes qualités. Le faire en eft facile, le deffein affez bon, le drapé fimple & noble. On affure auffi que la touche en eft hardie. Puifqu'on y trouve ces qualités de la peinture ancienne, pourquoi n'y trouve-t-on pas auffi celles qui devroient y être également, fi le peintre les eût vues dans les tableaux des plus grands maî

tres? car ce peintre étoit un fort habile homme. Dira-t-on que fon goût le portoit de préférence au grand fimple, & que le Pouffin en est un exemple récent? Mais quand tout ce qu'on a trouvé de meilleur à Herculanum eft plus ou moins calqué fur ce patron, l'exemple particulier du Pouffin ne peut avoir lieu. D'ailleurs le Pouffin, dans fes plus froides compofitions, difpofoit fes objets avec plus de liaifon & plus de vérité qu'il n'y en a dans la Noce Aldobrandine. Un écrivain romain & connoiffeur (le P. Refta) croyoit que ce tableau étoit d'Apelles, qui vint le peindre à Rome. Sur quoi il eft bon d'ob ferver que l'ouvrage fut trouvé plus de quatre-vingts ans après la mort de Raphaël, & qu'alors, dans le plus beau fiecle de la peinture en Italie, des connoiffeurs romains eftimoient ainfi le mérite d'Apelles. Il feroit poffible à la rigueur que, quelques années après la mort d'Alexandre, Apelles eût été à Rome; & ç'auroit pu être vers le temps que la peinture étrangere commençoit à y être connue : mais ce voyage n'eft pas affez prouvé.

Pour plaider une caufe avec quelques avantages, il faudroit du moins, eût-on raifon, ne pas employer des moyens qui la fiffent perdre fur le bureau. C'est à quoi M. de Caylus n'a pas fait affez d'attention; car nous lui dirons toujours : Les peintres anciens connoiffoient ou ne connoiffoient pas les grands refforts de la compofition, & la grande har

par

monie du clair-obfcur: c'eft là une queftion. La preuve qu'ils étoient fupérieurs dans ces deux ties en eft une autre; & cette preuve n'a pas encore paru, quelques efforts qu'aient pu faire des écrivains modernes pour la chercher. Voyez comment les anciens parlent de l'expreffion en peinture, & combien ce qu'ils en difent eft clair & fouvent exact. C'eft qu'ils la voyoient dans les bons tableaux de leur temps. S'ils y euffent vu les deux autres parties, pourquoi n'en auroient-ils pas également parlé ? L'imagination des Grecs étoit trop vive pour y manquer. Qu'on y faffe bien attention : fi les grands pein tres modernes euffent toujours ignoré les refforts d'une grande compofition & la grande harmonie du clair-obscur, les écrivains modernes n'euffent jamais que les anciens avoient ces deux connoiffances. M. le comte de Caylus parle enfuite du prix exceffif de la peinture ancienne, & donne ce prix pour une preuve de la fupériorité fur la fculpture. I craint que par mauvaise foi, ou plutôt par ignorance, on ne dife que les peintres anciens étoient étendus dans leurs compofitions; & voici comment il en ufe avec l'ignorance & la mauvaise foi. Il rapporte les fujets de quelques tableaux dont la compofition pouvoit être étendue. Il finit justement par celui où Bularque peignit le combat des Magnetes; ouvrage, qui lui fut payé par le roi Candaule au poids de l'or: nous ignorons la grandeur & la pefan

dit

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