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les plus acharnés contre vous, vous rendent justice, & difent hautement que votre ouvrage a fubi l'examen le plus févere, fans qu'on y ait trouvé de défauts; c'eft ce qu'on a fouvent répété. Mais la pierre fur laquelle votre bronze eft maintenant bien affermi refte toujours, pour certain estomac de votre connoiffance, un morceau d'autant plus indigeste, qu'il a perdu de fon informe & premiere maffe.

Mais voici un trait qui n'attendoit que votre abfence être lâchement lancé contre vous; encore pour faut-il que vous ne l'ignoriez pas. Lorsque M. de Betzky vous fit demander indirectement par le fieur Velten, architecte, &c. comment on faifoit la dédicace des ftatues héroïques, vous copiâtes, comme auroit pu faire un autre à votre place, les relations connues de ce cérémonial, c'est-à-dire celles des ouvrages de M". Bouchardon & le Moyne, & vous me fîtes voir votre feuille avant de l'envoyer à l'agent de M. le général (a). On ne montre pas ce papier, mais voici l'ufage qu'on en a fait.

(a) Cet agent ou courtier est un nommé Jean Chpacowskoy, dont Pomel & fes adhérents firent paroître dans le journal encyclopédique un certificat qui fans doute leur fait honneur, où ce Jean attefte fur fon honneur que je n'avois pas payé 15coo livres, quoique j'en euffe la quittance depuis plus d'une année avant la publication de cet article dans le journal.

C'est ce même Jean, ferviteur de mes atteliers, & qui a vu

battu

Déconcerté le fuccès de votre ouvrage, par par les éloges qu'en ont faits les Diderot, les Thomas, les Lubersac, & d'autres écrivains qui ne font pas françois, on répand ici que vous avez exigé (car vous êtes pétri d'orgueil & de vanité) que le fénat vînt en députation vous chercher, & vous con duire en pompe, le jour de la cérémonie, jusqu'à la ftatue. Vous voyez comme cela vous reffemble, & comme ils font habiles à donner des ridicules. Auffi tous ceux qui vous connoiffent ici, & qui ont vu jufqu'à quelle baffe fureur on vous y a calomnié, n'ontils pas manqué d'en hauffer les épaules. Pour moi j'ai toujours cru que les méchants le feroient moins, s'ils avoient le jugement plus fain.

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Convenez cependant que vous n'auriez pas imaginé qu'un acte auffi fimple de votre part dût être auffi peu fenfément empoifonné. Mais vous avez des torts bien capables d'allumer la haine & la ven

ma feconde fonte réuffir, qui appuie fur les impoftures de Pomel. Cela ne paroît pas naturel, & cela l'eft pourtant. Quand je fus payé, ce Jean, dont je connoiffois l'ame, vint me demander sa part, & ne dut recevoir qu'un refus. Il ofa me demander enfuite fi j'avois payé Pomel. Cela ne vous regarde pas, fut toute la réponse que je crus devoir lui faire. J'appris le lendemain qu'il se vantoit de me la garder bonne & qu'il alloit me déshonorer. Pouvois-je l'attendre à fon attestation fur fon honneur? Oui, puifque je connoiffois fon caractere. Note de M. Falconet,

geance contre vous. Tantôt le roi de Suede vient chez vous & dans vos atteliers, fans plus de façon qu'il n'en mit à vous faire inviter à sa table, & il n'en demande pas la permiffion. Tantôt le grand duc vient, par une diftinction très marquée, voir avec vous le bronze achevé, & vous n'en obtenez pas la permiffion. Tantôt vous répondez méritoirement à de pitoyables écrits fagotés contre vous, & vous détruisez la joie de ceux qui vous lâchent des dogues & des roquets. La voie fimple qui vous fit obtenir le paiement de vos fontes (car ce fut en vous adreflant à l'impératrice même) n'a-t-elle pas été, par fon effet, le coup le plus rude que vous ayez frappé sur la poitrine de ces gens là? je vous affure qu'ils ne vous y attendoient pas. Mais vous faviez que là où réfide la justice, là vous deviez vous adreffer; & vous le fites fans y employer qui que ce foit.

Renfermons tous vos torts dans un feul. Vous avez voulu que votre ouvrage fût entièrement de vous, ainfi que M. le comte Carburi voulut enfin que le tranfport de la pierre fût de lui. Vous avez tous deux peu complaisamment favorisé des prétentions annoncées à quelques verftes à la ronde. De quel œil, après cela, prétendriez-vous que l'oifeau déplumé vous regardât l'un & l'autre ? Quel intérêt auffi voulez-vous qu'il prenne à des travaux fur lefquels vous ne laiffez pas d'équivoques, puifque vous

avez démontré que ce ne fut même aucun de ses confeils qui dirigerent votre ouvrage?

Dans un autre inftant, j. pourrai vous marquer d'autres particularités qui vous concernent, fi vous en êtes curieux. Aujourd'hui je me borne à vous dire que l'attelier de brique eft abattu, que la ftatue fur fa base est environnée d'un hangar de planches, & qu'on ne la voit plus. Laiffons vivre & mourir ; & ce monument, que la poftérité doit contempler, réveillera dans fon ame l'idée de tout ce qui constitua votre héros. Je ne fais là que vous répéter ce que M. Thomas, & c'est ce que je penfe moi-même. Adieu, brûlez ma lettre, & croyez que je fuis fincèrement votre ami.

A St-Pétersbourg, Sept. 1779,

dit

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J.

Jx ne brûle pas votre lettre, mais je fais mieux:

E

après l'avoir tranfcrite, je vous la renvoie en original. Ainfi, monfieur, foyez tranquille, votre nom ne paroîtra pas, & pourtant on vous lira. Ce que vous m'écrivez m'intéreffe trop pour le laiffer dans un tiroir on l'imprimera dans quelque temps avec ma réponse. Il fera beau de voir la vraie, l'incorruptible honnêteté fe plaire à dire le bien qu'elle fait, & l'amitié dénoncer à propos les manœuvres obliques de la haine contre la droiture, & j'ofe dire auffi contre le talent.

Si l'intérêt que prit S. A. I. à l'artiste & à fon ouvrage fut pour moi, comme je vous l'ai dit en vous quittant, un jour de douceur, vous devez croire que je fuis bien flatté de voir applaudir au sentiment de ce prince. Il eft bon, à ce que je vois, d'avoir été mal-à-propos tracaffé, on trouve à la fin des vengeurs; & la voix empeftée de la haine & de la calomnie n'attend pas toujours le tombeau de l'homme perfécuté pour s'éteindre. En me retirant, j'ai brisé les dents de la bête dévorante, arraché au méchant fon poignard, & à l'envie fes ferpents.

Mais foit que le temps & l'éloignement affoibliffent en nous certaines de nos affections, foit que nous nous laffions de broyer du noir, & de nous punir ainfi du mal que nous font les autres, je vous

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