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PREFACE

PROLOGUE.

A VIS

PRELUDE. PRELIMINAIRE.

AVERTISSEMENT.

Choififfez, Lecteur, lequel vous voudrez, je vous laiffe les Coudées

Franches.

P

UISQUE je donne à mon Livre le titre de Coudées Franches, je ne devrois pas, ce me femble, m'embarraffer d'une Préface. Je vais pourtant en faire une, mais à Coudées Franches. Or dequoy la remplir? Que dirai-je ? tracerai - je une idée de ce qu'on va lire ? helas ! qu'elle idée en pourrois-je donner; en ce que je n'ay point eu d'au

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tre veuë, que de jetter fur le pa pier tout ce qui me viendroit dans l'efprit? Un deffein, un projet régulier m'auroit gêné; & ainfi, je n'aurois pas çû les Coudées Franches, Je n'ay, certes, jamais fait ouvra ge, qui m'ait été fi peu à charge que celuy-cy. N'avoir aucun compte à rendre, que cela eft doux ! fi l'on vient à dire par reproche, que je m'écarte de mon fujet ; tant mieux; car je me fuis particuliérement propofé d'avoir mes Coudées Franches. Si l'on s'imagine y trouver des fautes; tant-mieux ; ce fera une marque que j'auray donné à mon efprit fes Cordées Franches & ainfi, Meffieurs les Critiques, Cenfeurs, Formaliftes, Hargneux, Mal-endurans, Satyriques, Pointilleurs, Tracaffiers, ayez auffi vos Coudées Franches. Moquezvous, fans façon, de mon titre, de mon deffein, fi vous croyez que j'en aye un, de l'execution, du langage, du ftile, des tranfitions, des penfées, des raifonnemens; même de l'ortho

graphe, & de la position des points & des virgules, fi vous voulez, je ne vous en empêche pas, je ne daignerois pas même vous en empêcher, fi je le pouvois ; mettez-vous donc en train ; vous l'allez avoir beau; critiquez; c'eft le moins qu'on vous puiffe permettre pour « vôtre argent; dites hardiement ; « voila un pauvre livre ! voila un « livre bien hardy! il faut avoir bien'«< peu de confideration pour le pu- « blic, quand on ofe luy préfenter de tels fatras, de telles imagina tions, de telles idées! où en ferons- «< nous, fi tous ceux qui ont des dé- « mangeaifons d'écrire, viennent « ainfi nous importuner indifferem- «‹ ment de tout ce qu'ils penfent? y " a-t-il rien de plus facile que de « faire des livres de cette forte ? j'avouë de bonne foy, que, fi un livre du même caracteré que le mien m'étoit tombé entre les mains, d'abord j'en parlerois de cette maniere ; & cela, parce que je ne l'au

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rois pas fait car pour celuy.cy, je fuis bien éloigné de le traiter avec tant de colere & d'indignation. J'ofe dire, ( la prévention d'auteur pour fes productions mife a part), que je le trouve bon & mauvais, fubtil & groffier, fade & ragoûtant, pauvre & riche, fage & fou, trifte & gay, ferieux & comique, inftructif & inutile.... J'en dirois bien d'autres, fi je voulois pouffer les chic-choc, les antithéfes auffi loin qu'elles pourroient aller; & ainfi je le loüe & je le blâme, je l'eftime & je le méprife; faitesen autant, croyez-moy ; c'eft le plus raifonnable party que vous puiffiez prendre; de cette maniere vous ne perdrez pas tout.

S'il eft vray, comme on a dit, que ceux-là fouffrent le plus patiemment d'être repris, qui méritent le plus d'être louez. Je ferois tenté de me croire loüable par cet endroit, je veux dire, par ma patience; mais, à Dieu ne plaife que je fuccombe à cette tentation; car je reconnois

parfaitement, que ma patience à fouffrir les répréhensions, vient bien plus d'indifference, d'indolence, ou de la connoiffance de mes imperfections, que d'aucun merite, dont j'aye fujet de me flater.

a

La plaifante idée d'un Auteur, quand pour faire valoir fon ouvrage, il déclare qu'il n'écrit point pour le vulgaire, qu'il ne prétend parler qu'aux fçavans, qu'aux beaux efprits! c'eft un leurre que je ne m'aviferay point de donner, j'écris pour tout le monde, pour les fçavans & les ignorans, les grands & les petits, les pauvres & les riches, les fages & les foux, les vieux & les jeunes les hommes & les femmes, les petits garçons & les petites filles ; j'écris de, pour & contre moy-même. Coudées Franches. Tantôt l'un, tantôt l'autre

REMARQUES.

a Ce n'eft pas pour toy que j'écris,
Ind te & ftupide vulgaire:

J'écris pour les nobles efprits,
Et ferois marry de te plaire.

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