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40 Sçait les cheveux épars gémir fur un cercueil. Elle peint des Amans la joye, & la trifteffe,

REMARQUES.

pourtant fans audace, La plaintive Elégie, &c.] Je ne Içai fi l'on me permettra de n'être pas tout-à-fait de l'avis de notre Auteur. Je ne vois pas pourquoi l'Elegie doit, généralement parlant, prendre un ton un peu plus haut que l'Eglogue. Le cœur feul doit parler dans Elégie, & fon langage eft fimple & même très-fimple, quand il se plaint, excepté pourtant certaines fituations, dans lesquelles il outre néceffairement fon langage, parce qu'alors fa douleur eft outrée. Voilà pour les Ele gies trifles. Quant à celles qui doivent répréfenter l'é tat d'un cœur au combie de fes voeux, & ne connoisfant rien d'égal au bonheur dont il jouit; j'avoue que le ton en doit être plus haut que celui de l'Eglogue Mais je ne puis convenir qu'il doive être fans audace. L'extrême joie n'eft pas moins hiperbolique que l'extrême douleur; & fouvent il arrive que les Figures les plus audacieufes font l'expreffion naturelle de les tranfports. Ce que je viens de dire peut s'appliquer à toutes les Paffions violentes. qui certainement font du reffort de l'Elégie, lequel s'étend à tout ce qui peut occuper le cœur. Je n'ai confidéré l'Eglogue que comme un entretien de Bergers, que le Poëte fait parler. Mais pour nos Idylles, où communément le Poëte parle lui-même, comme elles admettent & les penfées ingénieufes, & les Defcriptions fleuries, elles font & doivent fans contredit être d'un ton un peu plus haut, que celles d'entre les Elégies qui n'ont à peindre que l'affliction ou le calme du cœur. Il faudroit une ample Differtation pour développer ces différentes idées. Je dois me contenter ici de les indiquer.

Horace décrit ainfi l'Elégie dans fon Art Poëtique. Vers 75:

Verfibus impariter junctis querimonia primùm ;
Poft etiam inclufa eft voti fententia compos.
Quis tamen exiguos Elegos emiferit auctor,
Grammatici certans, & adhuc fub judice lis eft.

Quand notre Auteur attribuoit à l'Elégie un ton un

Flatte, menace, irrite, appaife une Maîtreffe:
Mais pour bien exprimer ces caprices heureux,

REMARQUE S.

peu plus haut qu'à l'Eglogue, il ne faifoit pas affez d'at tention à l'Epithete exiguos qu'Horace, fon Maître, donne aux Vers Elégiaques. Voici de quelle maniere La Frefnaie Vauquelin parle de cette efpece de Poëme dans le premier Livre de fon Art Poëtique. Il y fait entrer vers la fin ce qu'Horace en a dit.

Les Vers que les Latins d'inégale jointure
Nommoient une Elégie, aigrette en fa pointure,
Servoient tant feulement aux bons fiècles paffés,
Par dire après la mort les faits des trépaffés,
Depuis à tous fujets: ces plaintes inventées,
Par nos Alexandrins font bien repréfentées,
Et par les (g) Vers communs, foit que diverfement
En Stances ils foient mis, ou bien joints autrement.
Cette Elégie un Lay nos François appellerent,
Et l'Epithete encor de triste lui baillerent,
Beaucoup en ont écrit. Tu les imiteras,

Et (h) le prix non gaigné peut-être emporteras.
Breve tu la feras, te réglant en partie
Sur le patron poli de (i) l'Amant de Cinthie,
Les préceptes toujours généraux observant,
Tels que nous les avons cottés par ci-devant.

Nos Poëtes François, qui beaux Cignes fe fiens
A leur voler hautain, or la diverfifient

En cent genres de Vers: fi trop long eft leur cours,
Ils couvrent fa longueur d'un beau nom de difcours.

(g) les Vers de dix Syllabes.

(h) Ce prix eft encore à gagner.

(i) Properce.

45

C'est peu d'être Poëte, il faut être amoureux.

Je hais ces vains Auteurs, dont la Muse forcée
M'entretient de fes feux toujours froide & glacée;
Qui s'affligent par art, & fous de fens raffis
S'érigent, pour rimer, en Amoureux tranfis.
Leurs tranfports les plus doux ne font que phrafes
vaines.

50 Ils ne fçavent jamais, que fe charger de chaînes,
Que benir leur martyre, adorer leur prison,
Et faire quereller les fens & la raison.
Ce n'étoit pas jadis, fur ce ton ridicule,

REMARQUES.

Qui la trifle Elégie a premier amenée,
Cette caufe au Palais encor eft démenée.
Car les Grammairiens, entre eux en -vont plaidant,
Et fous le Juge encor eft le procès pendant.
Tibulle eft le premier dont la Muse bien nette
A Romaine imité Callimaque & Philatte:
Puis Ovide & Properce & Gallus le vieillard,
Dont tu peux emprunter les régles de cet Art.
DE ST. MARC.

VERS 50. Ils ne fçavent jamais, que fe charger de chatnes.] Cette Critique regarde particuliérement Voiture, qui dit dans le Sonnet d'Uranie, lequel, quoique médiocre, fut en fon tems très-célèbre.

Je benis mon martyre & content de mourir, &c.

Enfuite il ne manque pas de mettre en querelle les Seng & la Raifon.

Qu'Amour dictoit les Vers que foupiroit Tibulle; 55 Ou que du tendre Ovide animant les doux fons, Il donnoit de fon Art les charmantes leçons. Il faut que le cœur feul parle dans l'Elégie. L'Ode avec plus d'éclat & non moins d'énergie

REMARQUES.

IMIT. Vers 54. Qu'Amour dictoit les Vers que foupiroit Tibulle.] Ici notre Auteur rend à la lettre une Expresfion de Tibulle même, L. I. Elég. VII. Vers 41.

Abfentes alios fufpirat amores.

Le même Poëte dit encore, Liv. IV. Elég. V. Vers 11.
Quod fi fortè alios jam nunc fufpirat amores.

VERS 58. L'Ode avec plus d'éclat, &c.] Horace dans fon Art Poëtique, Vers 83. en fait ainti la description: Mufa dedit fidibus Divos, puerofque Deorum,

Et pugilem victorem, & equum certamine primum,
Et juvenum curas, & libera vina referre. BROSSETTE.
LA Frefnaie-Vauquelin, après avoir, Art Poëtique, Li-
vre I. parlé du Sonnet & de la Chanfon, entremêle dans
fa description de l'Ode, les Regles effentielles à ce Genre.

L'Ode d'un grave pied, plus nombreuse & pressée
Aux Dames & Seigneurs par toi foit adreffée :
De mots beaux & choifis tu la façonneras,
Et de mil belles fleurs tu la couronneras,
D'ornemens, de couleurs, de peintures brunies,
En leurs dejectemens également unies...
En cent fortes de Vers tu la peux varier:
Mais toujours aux accords du Luth la marier:
Et que chacun couplet r'entre de telle forte,
Que quelque mot poignant en fa fin il rapporte

Elevant jufqu'au Ciel fon vol ambitieux,

60 Entretient dans fes Vers commerce avec les Dieux,

REMARQUES.

Sentant fon Epigramme, & tellement soit joint
Qu'au lecteur il femble être accompli de tout point.
Si d'une fiction d'un long difcours tu causes,
Tu pourras divifer cette longueur en paufes:
Ou par les plis tournés des Odes du (k) Sonneur,
Qui Grec fur les neufs Grecs lyriques eut l'honneur.

Mais rien n'eft fi plaifant que la courte Odelette
Pleine de jeu d'amour, douce & mignardelette :
Si tu veux du fçavoir philofophe y méler,
Par la Mufe il le faut à ton aide appeller
A toi-même affervant la douce Polimnic;
Autrement fa faveur, dépite elle denie;
Et non l'affujettir aux mots fententieux,
Sans qu'elle fente un peu fon air capricieux,
Sur quelque fantaisie élevé (par la grace
De contes fabuleux) deffus la prose basse.

La Mufe fur le Luth pour fujet fit joüer
Et les Dieux & les Rois, & leurs mignons lower
Les joutes, les combats, la jeuneffe s'aimante
A picquer les chevaux fous la bride écumante;
Les ballets & le vin, les danfes, les banquets,.
Et des jeunes amans les amoureux caquets.

Mais avec fon fredon, or la Lyre cornue
En la France eft autant qu'en la Grece connue;
Et nul vulgaire encor n'a jamais entrepris
De vouloir par fus elle en emporter le prix.
(k) Pindare.

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