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JE

SUR

L'EPITRE IV.

E ne fçai fi les rangs de ceux qui pafferent le Rhin à la nage devant Tolhuys, font fort exactement gardés dans le Poëme que je donne au Public; & je n'en voudrois pas être garant: parce que franchement je n'y étois pas, & que je n'en fuis encore que fort médiocrement inftruit. Je viens même d'apprendre en ce moment que (1) M. de Soubife, dont je ne parle point, eft (2) un de ceux qui s'y eft le plus fignalé. Je m'imagine qu'il en eft ainfi de beaucoup d'autres, & j'efpere de (3)

REMARQUES.

(1) M. de Soubize.] FRANÇOIS DE ROHAN, Prince de Soubife, traverfa le Rhin à la nage à la tête des Gendarmes de la Garde, dont il étoit Capitaine-Lieutenant. Il étoit le fecond fils d'Hercule de Rohan, Duc de Montbazon, & Gouverneur de Paris & de l'Ile de Fran ce, & de Marie de Bretagne Vertus. Il a été Lieute nant-Général des Armées du Roi, & Gouverneur & Lieutenant-Général pour Sa Majefté, de la Province de Berri, puis de celle de Champagne & Bric. Il mourut le 24. Août 1712. dans fa quatre-vingt & unieme année. M. le Duc de Rohan (HERCULE-MERIADEC DE ROHAN-SOUBISE) & M. le Cardinal de Rohan, font fes Fils. (2) eft un de ceux qui s'y est le plus fignalé.] Il eût été plus correct de dire: un de ceux qui s'y font fignales. BROSSETTE.

Sans contredit, la Syntaxe le veut. Mais l'autre maniere eft autorifée par un ufage commun. DE St. Marc (3) leur faire justice.] C'eft une faute contre la propriété du Langage: Faire juftice, ne fe prend qu'en

AVERTISSEMENT SUR L'EPITRE IV. 47

leur faire justice dans une autre édition. Tout ce que je fçai, c'eft que ceux dont je fais mention ont parlé des premiers. Je ne me déclare done caution que de l'Hiftoire du Fleuve en colere, que j'ai apprise d'une de fes Naïades, qui s'eft réfugiée dans la Seine. J'aurois bien pû auffi parler de la fameuse rencontre qui fuivit le paffage: mais je la réserve pour un Poëme à part. C'est là que j'ef> pere rendre aux mánes de (4) M. de Longueville l'honneur que tous les Ecrivains lui doivent, & que je peindrai cette Victoire qui fut arrofée du plus illuftre Sang de l'Univers. Mais il faut un peu reprendre haleine pour cela.

* VOILA ce que M. Despréaux avoit mis à la tête de la premiere Edition de l'Epître IV. pour parer aux reproches de n'avoir pas dit tout ce qu'il auroit pu dire, & de n'avoir pas nommé tous ceux qui s'étoient fignalés au Paffage du Rhin. On ignore s'il avoit réellement conçu le dessein du Poëme, qu'il

REMARQUES.

mauvaise part, & fignifie toujours, punir quelqu'un d'un crime ou d'une faute, & la phrafe eft: Faire juftice de quelqu'un. Mais rendre justice à quelqu'un, n'eft fufceptible que d'un fens favorable; & fignifie toujours, réparer le tort qui a été fait à quelqu'un.

(4) M. de Longueville, CHARLES-PARIS D'ORLÉANS, Duc de Longueville & d'Eftouteville, Prince Souverain de Neufchatel, fut tué au Palage du Rhin, fans avoir été marié, dans le tems qu'il alloit être élu Roi de Pologne. Il étoit né le 29. Janvier 1649. Il avoit eu d'une femme mariée, de grande qualité, un Fils Naturel, qui fut Charles-Louis d'Orléans, furnommé le Chevalier de Longueville, lequel fut malheureufement tué pendant le fiége de Philisbourg en 1688. par un Officier, qui tiroit fur une volée de Bécaffines.

*Tout le refte de cet Avertiffement elt de M. De St.

annonce dans cet Avis. Il n'en dit rien en aucun autre endroit de fes Ouvrages, & M. Broffette ni le Bolæana n'en font aucune mention. Pour moi, je penfe qu'il ne fongea plus à travailler dans un genre, qui s'éloignoit trop de fa forte de Génie, quand unė fois il eut par l'Epître IV. fatisfait à ce que demandoit de lui la reconnoiffance, dont il étoit pénétré pour toutes les marques d'eftime & les bienfaits, dont on a vu, dans la Note 3. de l'Avertiffement fur l'E. pître I. que le Roi l'avoit honoré, la premiere fois qu'il eut l'honneur de paroître devant Sa Majesté. Ce Prince fit en 1672. la Campagne de Hollande & dans l'espace d'environ deux mois, il conquit trois Provinces, & prit quarante Villes. Son Armée paffa le Rhin à la vue des Ennemis, qui gardoient le rivage oppofé. Peu s'en fallut qu'Amfterdam ne fe foumit, & que le Roi ne fe vit Maitre de toute la Hollande. Parmi tant de grands événemens, M. Despréaux choifit le Paffage du Rhin, comme le plus brillant & le plus fufceptible des ornemens de la Poëfie. Cette Action fe paffa le 12. de Juin 1672. L'Epitre IV. fut compofée au mois de Juillet fuivant & fut imprimée au mois d'Août. Elle eft la feconde felon l'ordre du tems.

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L'Auteur, dit le Sommaire, qu'on lit à la tête de cette Epître dans l'Edition de Paris 1740. en a pris l'idée dans Martial. Un certain Hippodamus lui demandoit des Vers à fa loüange; & Martial s'excufe de lui en donner fur ce qu'Hippodamus porte un nom qui feroit peur aux Mufes". Voici l'Epigramme même de Martial. C'est la XXXI. du Livre IV.

Quod cupis in noftris dicique legique libellis,

Et nonnullus honos creditur effe tibi:
Non valeam, fi non res eft gratiffima nobis,

Et volo te chartis inferuiffe meis.

Sed

Sed tu nomen habes averfo fonte fororum
Impofitum, måter quod tibi dura dedit;
Quod nec Melpomene, quod nec Polyhymnia poffit,
Nec pia cum Phoebo dicere Calliope.
Ergo aliquod gratum Mufis tibi nomen adopta:
Non femper bellè dicitur Hippodamus.

Le Sommaire, qu'on vient de lire, eft tiré du Boleana Nomb. IX. Mais quelle que doive être l'autorité de ce Recueil, il n'en falloit pas moins, pour tre exact, dire que M. Despréaux avoit pris dans Martial l'idée des plaifanteries, qu'il fait dans cette Epitre fur la dureté des Noms Allemands & Hol landois. Quant à l'idée de la Pièce en elle-même, elle n'a rien de commun avec l'Epigr. de Martial.

Je vais ajouter ici (5) ce que je ne trouverois pas le moyen de placer ailleurs. C'eft à l'occafion de cette Epître IV. qu'il penfa s'élever une querelle Satirique entre notre Poëte & le Comte de Buffi-Rabutin. On difoit dans le tems que ce dernier, qui pour lors étoit relégué dans fa Terre de Chazeu, s'étoit avifé d'écrire à Paris une Lettre, dans laquelle il faifoit, outre une Critique fanglante de l'Epître IV., des plaifanteries peu respectueuses pour le Roi. M. Despréaux, à qui ces bruits revinrent, réfolut de

REMARQUES.

(5) ce que je ne trouverois pas le moyen de placer ail leurs.] En effet, où pourrois-je mettre ce qu'on va lire? C'eft la Remarque de M. Broffette fur le dernier Vers de l'Epitre IV. La maniere, dont on s'est propofé d'exécuter cette Edition, ne permettoit pas d'avoir une page entiere de Remarques fans Texte au-deffus. Pour parer à cet inconvénient, je n'ai rien trouvé de mieux, que la voye d'un Avertiffement. J'aurai recours encore au même expédient pour l'Epitre VII. DE ST. MARC §. On a fuivi cet arrangement de M. De St. Marc pour les mêmes raisons qu'il allegue dans cette Note,

s'en venger, & fit part de fon deffein à quelques perfonnes par le moyen desquelles il tranfpira jufqu'au Comte de Buffi. Quoique celui-ci fut naturellement fatirique, & qu'il le fût avec toute l'indifcrétion & tout l'emportement, que donne une haute naissance jointe à beaucoup d'efprit, dont on eft accoûtumé de faire foi-même les honneurs; il ne crut pas devoir attendre les coups, qu'une main fure étoit en état de lui porter, &, pour s'en mettre à couvert, il écrivit de Chazeu le 20. d'Avril 1673. d'une part au P. Rapin & de l'autre au Comte de Limoges, tous deux amis de M. Despréaux, pour les prier de voir ce Poëte & de lui faire changer de penfée. Le Comte de Limoges lui fit cette (6) Réponse, datée de Paris le 26. d'Avril 1673.

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رو

Auffi-tôt que j'ai eu reçu votre Lettre, Monfieur, j'ai été trouver Despréaux, qui m'a dit 2 qu'il m'étoit obligé de l'avis que je lui donnois Qu'il étoit votre ferviteur, qu'il l'avoit toujours ,, été, & qu'il le feroit toute fa vie: Qu'il étoit vrai " que pendant ces Vacations il étoit à Baville avec le P. Rapin; qu'il le pria de vous envoyer fon Epitre de fa part avec un compliment: Que le P. ,, Rapin lui avoit dit que vous lui aviez fait une réponse fort honnête à ce compliment: Qu'à fon retour à Paris mille gens lui étoient venus dire ,, que vous aviez écrit une Lettre fanglante contre lui, pleine de plaifanteries contre fon Epitre, & ", que cette Lettre couroit le monde: Qu'il répondit » à cela qu'on la lui montrât, & que fi elle étoit

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REMARQUES.

(6) La Réponse du Comte de Limoges au Comte de Buff, que l'on a inférée dans cet Avertiffement, a été imprimée pour la premiere fois dans l'Edition, que M. Broffette a fait faire de tous les Ouvrages de nôtre Poëte à Genève en 1717. DE ST. Marc.

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