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30 Une tête fortoit en forme de Pupitre,

Dont le triangle affreux tout hériffé de crins, Surpaffoit en groffeur nos plus épais Lutrins. Animé par fon guide en fiflant il s'avance: Contre moi fur mon banc, je le voi qui s'élance. 35 J'ai crié, mais en vain; & fuyant sa fureur, Je me fuis réveillé plein de trouble & d'horreur, Le Chantre s'arrêtant à cet endroit funeste, A fes yeux effrayés laiffe dire le refte. Girot en vain l'affure, & riant de fa peur, 40 Nomme fa vifion l'effet d'une vapeur. Le défolé Vieillard qui hait la raillerie, Lui défend de parler, fort du lit en furie.

REMARQUES.

foit attentif à la fuite de la Narration, & l'on verra que cet Hémistiche eft inutile & n'eft encore qu'une pure Cheville. DE ST. Marc.

S. Puisqu'il s'agit ici d'un fonge, pourquoi M. De St. Marc ne veut-il pas que le Chantre ait vu, dans ce fonge, le corps du Dragon plein de fouffre & de nitre? Et pourquoi regarde-t-il cet Hémiftiche comme une pure Cheville? Il n'a pas fait plus de grace à celui du Vers précédent, dans fon bleuatre éclat. En vérité cette cenfure eft un peu trop vétilleufe.

VERS 39. Girot en vain laffure,] Pour le raffure. C'eft une faute de Langage: affurer & raffurer ont une fignification fort différente, & leur emploi n'eft pas le même. Allurer fe dit des choses. Kassurer se dit des perfonnes. DE ST. MARC.

VERS 41. Le défolé Vieillard qui hait la raillerie,] Ce Vers flateroit beaucoup plus l'oreille fi l'Auteur avoit mis: Le Vieillard défolé. Ce changement, que je propofe, ne feroit pas feulement plus favorable à l'Harmonie; il ajouteroit au Sens; & cela par une raifon de

On apporte à l'inftant fes fomptueux habits,
Où fur l'oüate molle éclate le tabis.

45 D'une longue foutane il endoffe la moire,

Prend fes gants violets, les marques de fa gloire,
Et faifit en pleurant ce rochet, qu'autrefois

·REMARQUES.

logique, qui demanderoit une Differtation, pour être mife dans tout fon jour, & qu'il me doit d'autant plus fuffire d'indiquer, que tout le monde, à l'aide de quelque réflexion, peut la trouver aifément. DE ST. MARC.

VERS 44. Où fur l'oüate molle &c.] Nos Anciens difoient Oue, pour Oie, & Oüette, pour Oifon. Le mot d'Ouate, qu'on prononce Oüette en Province, vient de là, par rapport à ce mol duvet, que Rabelais, Liv. I. Chap. 13. exalte fi fort dans les Oifons. Cette Etymologie eft de M. de La Monnoye. BROSS.

Il falloit ajouter qu'à Paris on prononce Oüette bien plus communément qu'Ouate; & qu'on y dit toujours d'une Robe, qu'elle eft oüettée, & non pas oüattée. Cet ufage général prefcrit contre la prononciation d'oüate, qu'il ne faut pas condamner dans notre Auteur, parce qu'apparemment elle étoit commune de fon tems. ST. MARC.

DE

VERS 45. D'une longue foutane il endoffe la moire,] Pour dire l endoffe une longue foutare de moire; cette Phrafe, qui feroit peut-être très-poëtique en Latin, a bien de la peine en François à fe fauver du ridicule. DE ST. MARC.

VERS 46. Prend fes gants violets, &c.] En l'abfence du Tréforier, le Chantre étoit en poffeffion de faire l'Office avec les Ornemens Pontificaux, de fe faire encenfer, & de donner la bénédiction au Peuple. Le Tré forier ne put fouffrir que l'on partageât ainfi fes honneurs. Il obtint un Arrêt du Parlement, qui le maintint dans la prérogative d'être encenfé tout feul, & qui condamna le Chantre à porter un Rochet plus court. Mais il ne put lui faire défendre de donner les bénédictions en fon abfence. C'étoit le fujet de la jaloufie du Tréforier.

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Le Prélat trop jaloux lui rogna de trois doigts. Auffi-tôt d'un bonnet ornant sa tête grise, 50 Déja l'aumuffe en main il marche vers l'Eglife; Et hâtant de fes ans l'importune langueur, Court, vole, & le premier arrive dans le Choeur. O toi,qui fur ces bords qu'une eau dormante moüille, Vis combattre autrefois le Rat & la Grenoüille:

REMARQUES.

VERS 49. Auffi-tôt d'un bonnet ornant fa tête grife, &c.] Ce Vers eft remarquable par la Critique, dont le Roi l'honora. Avant l'impreflion de ce Poëme l'Au teur le lut à Sa Majesté. Il y avoit ici:

Alors d'un Domino couvrant fa téte grife,

Déja l'Aumuffe en main, &c.

Après la lecture de ce Chant, le Roi fit remarquer M. Despréaux, que le Domino, & l'Aumuffe font deux chofes qui ne vont pas ensemble: car le Domino est un habillement d'hiver, & l'Aumuffe eft pour l'été. D'ail leurs, continua le Roi, vous allez dire: DÉJEUNONS, MESSIEURS, ET BUVONS FRAIS; Cela marque que PAction de votre Poëme fe paffe en Eté. Sur le champ M. Despréaux changea le Vers dont il s'agit. Le Roi ajouta en fouriant: Ne foyez pas étonné de me voir inftruit de ces fortes d'ufages. Je fuis Chanoine en plufieurs Egli fes. En effet, le Roi de France eft Chanoine de Saint Jean de Latran, de Saint Jean de Lyon, des Eglifes d'Angers, du Mans, de Saint Martin de Tours, & de quelques autres. Voyez le Vers 204.

IMIT. Vers 53. O toi, qui fur ces bords &c.] Le Tef fone dans fon Poëme de la Secchia rapita, Chant V. St. 23. Mufa, tù che cantasti fatti egregi

Del Rè de Topi, e de le Rane antiche.

VERS 54. Vis combattre autrefois le Rat & la Grenouil le:] HOMERE a fait le Poëme de la guerre des Rats & des Grenouilles. DESP.

55 Qui, par les trais hardis d'un bizarre pinceau, Mis l'Italie en feu pour la perte d'un Seau:

REMARQUES.

M. Broffette ajoute: fuivant l'opinion commune. VERS 55. & 56. Qui par les traits hardis d'un bizarre pinceau Mis P'Italie en feu pour la perte d'un Seau :] La

SECCHIA RAPITA, Poëme Italien. DESP.

Alexandre Taffone, natif de Modene, & Membre de l'Académie des Humoristes de Rome, eft l'Auteur de ce Poëme. I en fit faire la premiere Edition à Paris en 1622. avec le fimple titre de La Secchia, & fous le faux nom d'Androvinci Meliffone. En 1624. il le fit réimprimer à Ronciglione avec des changemens confidérables. Il y mit fon véritable nom, & pour titre : La Secchia rapita. Il en fut encore fait de fon vivant des Editions à Bologne, à Modene, à Venife & dans quelques autres endroits, avec quelques légers changemens. L'Edition de Ronciglione paffe pour la meilleure ; & c'eft celle dont Pierre Perrault s'eft fervi pour faire fa Traduction Françoife de ce Poëme, laquelle il fit imprimer à Paris en 1678. avec le Texte à côté. Cette Traduction très-littérale, eft communément fort exacte & très-propre à faire entendre l'Original, dont le Stile n'eft pas toujours bien clair, pour d'autres que pour des Italiens; mais elle eft feche affez fouvent peu Françoife, & prefque toujours dépourvue d'agrémens. Gafparo Salviani a commenté le Tafone, & fes Remarques fe trouvent mifes à quelques-unes des Editions de La Secchia rapita. Le Taffone mourut à Modene en 1635. DE ST. MARC.

IMIT, Ibid. Qui par les traits hardis &c.] Le Querengo, Poëte de Pavie, le contemporain & l'ami du Tafone, lui parle ainfi dans le Liv. V. de fes Vers Latins, au fujet de LA SECCHIA RAPITA.

pugnataque fævis

Pralia diffidiis, Rhenumque Padumque tumentes
Cadibus ob raptam lymphis putealibus Urnam....
Concinis, immiftis focco ridente cothurnis,

Mufe, prête à ma bouche une voix plus fauvage,
Pour chanter le dépit, la colere; la rage,

Que le Chantre fentit allumer dans fon fang, 60 A l'afpect du Pupitre élevé fur fon banc.

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D'abord påle & muet, de colere immobile,
A force de douleur, il demeura tranquille.
Mais fa voix, s'échapant au travers des fanglots,
Dans fa bouche à la fin fit paffage à ces mots.

La voilà donc, Girot, cette hydre épouvantable,
Que m'a fait voir un fonge, hélas! trop véritable.
Je le voi ce Dragon tout prêt à m'égorger,
Ce Pupitre fatal qui me doit ombrager.
Prélat, que t'ai-je fait? quelle rage envieufe

REMARQUES.

VERS 57. Mufe, prête à ma bouche une voix plus fauvage, J'avoue à ma honte que je n'ai jamais pu comprendre ce que cette voix plus fauvage peut fignifier en cet endroit. DE ST. MARC.

IMIT. Vers 62. A force de douleur, il demeura tranquille:] SENEQUE dans fa Tragédie d'Hippolite, Act. II. Vers 607.

Cura leves loquuntur, ingentes ftupent.

VERS 68. Ce Pupitre fatal qui me doit ombrager.] Le verbe ombrager a toujours été très-peu d'ufage; & ce n'eft point un Verbe Actif. La Langue femble n'en avoit reçu que le Participe paffif, qui peut s'employer très-bien de la maniere que notre Auteur s'en eft fervi,' Sat. III. Vers 174.

Et fon feutre à grands poils ombragé d'un panache. D'ailleurs fuppofé qu'ombrager foit un Verbe Actif, eft ici pour cacher; & c'est ce qu'il ne peut jamais fi gnifier. DE ST. MARC.

il

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