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Je ne fçai pour fortir de porte qu'Hildesheim. O! que le ciel foigneux de notre poësie, GRAND ROI, ne nous fit-il plus voifins de l'Afie! 155 Bientôt victorieux de cent Peuples altiers,

Tu nous aurois fourni des rines à milliers.
Il n'est plaine en ces lieux fi feche & fi ftérile,
Qui ne foit en beaux mots par-tout riche & fertile.
Là plus d'un Bourg fameux par fon antique nom
160 Vient offrir à l'oreille un agréable fon.

Quel plaifir de Te fuivre aux rives du Scamandre!
D'y trouver d'llion la poëtique cendre,

De juger fi les Grecs qui briferent fes tours,
Firent plus en dix ans que LOUIS en dix jours!

VERS 152.

REMARQUES.

de porte qu'Hildesheim.] Petite Ville

de l'Electorat de Trèves.

VERS 154.

plus voifins de Afie.] De la Grece Afiatique, dans laquelle étoit fituée la fameufe Ville de Troye, ou d'Ilion.

VERS 158. Qui ne foit en beaux mots par-tout riche & fertile, &c.] Selon Quintilien, au Liv. XII. de fes InAitutions Oratoires, C. 10. la Langue Grecque étoit tellement au deffus de la Latine, pour la douceur de la prononciation, que les Poëtes Latins employoient plus volontiers les noms Grecs, quand ils vouloient rendre leurs Vers doux & faciles. Tantò eft Sermo Græcus Latino jucundior, ut noftri Poëtæ quoties dulce carmen effe voluerunt, illorum id nominibus exornent.

VERS 161.

aux rives du Scamandre.] Dans l'Edition de 1701. en petit volume, il y a de Scamandre, mais c'est une faute d'impreffion, & il faut lire: du Scamandre, comme il y a dans toutes les autres Edisions. Voyez l'Art Poëtique Ch. III. v. 285.

165 Mais pourquoi fans raifon défefpérer ma veine? Eft-il dans l'Univers de plage fi lointaine,

Où Ta valeur, GRAND ROI, ne Te puiffe porter, Et ne m'offre bientôt des exploits à chanter ? Non, non, ne faifons plus de plaintes inutiles; 170 Puifqu'ainfi dans deux mois Tu prens quarante Villes; Affuré des bons Vers dont Ton bras me répond, Je T'attens dans deux ans aux bords de l'Hellespont.

REMARQUES.

VERS dernier. Je t'attens dans deux ans aux bords de THellefpont.] Dans le fecond Tome du Mercure Hollan dois, contenant les Conquêtes du Roi Louis XIV. dit le Grand, fur les Provinces-Unies des Païs-Bas; par le Sieur, P. LOUVET, de Beauvais, D. M. Confeiller & Hiftoriographe de S. A. R. Souveraine de Dombes, imprimé à Lyon 1674, on trouve un petit Poëme fur le Passage du Rhin, où l'Auteur cite ce Vers de M. Despréaux, & pouffe bien plus loin l'hyperbole :

Des tems & de nos jours un des premiers Oracles,
Dans un Stile pompeux parlant de tes miracles,
T'attend dedans deux ans aux lords de l'Hellefpont
Ma Mufe plus hardie, 6 grand Roi, te répond
Que du moins ta Valeur à nulle autre feconde,
Tonnera dans deux ans aux quatre coins du Monde.
DU MONTEIL

.

SUR

L'EPITRE V

M. DESPRE'AUX fait voir dans la cinquieme Epître, compofée en 1674. & publiée l'année fuivante, que la véritable félicité naît de la CONNOISSANCE de foi-même. Notre bonheur dépend uniquement de nous. C'est dans nous-mêmes que nous le devons chercher; & croire le trouver ailleurs, ce n'eft pas être fage. La Bruyere en a fait la réflexion dans fes Caracteres, au Chapitre de l'Homme: Nous cherchons, dit-il, notre bonheur hors de nousmêmes, & dans l'opinion des hommes, que nous connoiffons flateurs, peu finceres, fans équité, pleins d'envie, de caprices, & de préventions: quelle bizarrerie!

M. de Guilleragues, à qui l'Auteur adresse cette Epître, étoit de Bordeaux. Il y étoit Premier-Préfident de la Cour des Aides, lorfqu'il fe fit connottre de M. le Prince de Conti, qui le prit pour Secrétaire de fes Commandemens, & l'obligea de quitter la Province. Il eut quelque tems la direction de la Gazette, & fut pourvu de la Charge de Secrétaire de la Chambre & du Cabinet du Roi. Perfonne à la Cour n'eut plus de politeffe, ne parla plus agréablement, n'tendit mieux la fine raillerie, & ne fut aimé plus généralement. Au mois de Décembre 1677. le Roi le nomma pour l'Ambassade de Conftantinople. Il s'y rendit en 1679. & quel ques années après, il mourut d'apoplexie.

A M. DE GUILLERAGUES,

SECRÉTAIRE DU CABINET.

ESPRIT né pour la Cour, & maître en l'art de

plaire,

Guilleragues, qui fçais & parler & te taire, Appren-moi, fi je dois ou me taire, ou parler. Faut-il dans la Satire encor me fignaler, 5 Et dans ce champ fécond en plaifantes malices, Faire encore aux Auteurs redouter mes caprices? Jadis, non fans tumulte, on m'y vit éclater: Quand mon efprit plus jeune & prompt à s'irriter, Afpiroit moins au nom de difcret & de fage:

10 Que mes cheveux plus noirs ombrageoient mon vifage.

REMARQUES.

IMIT. Vers 2. qui fçais & parler & te taire.] Voilà la meilleure maniere dont on puiffe rendre en Vers, ces mots, qui font de Perfe dans fa Satire IV., Vers 5.

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Dicenda tacendaque calles.

IMIT. Vers 3. Appren-moi, fi je dois ou me taire, &c.] Jules-Cefar Scaliger commence une Satire par un doute à-peu-près pareil.

At melius fuerat non fcribere; namque tacere
Tutum femper erit.

VERS 10. Que mes cheveux plus noirs ombrageoient, mon vifage.] L'Auteur portoit alors fes cheveux, qui commençoient à blanchir.

Maintenant que le temps a mûri mes desirs, Que mon âge amoureux de plus fages plaifirs, Bientôt s'en va frapper à fon neuvieme luftre; J'aime mieux mon repos qu'un embarras illuftre. 15 Que d'une égale ardeur mille Auteurs animés Aiguifent contre moi leurs traits envenimés: Que tout, jufqu'à Pinchêne & m'infulte & m'accable, Aujourd'hui vieux Lion je fuis doux & traîtable; Je n'arme point contre eux mes ongles émouffés. 20 Ainfi que mes beaux jours, mes chagrins font paffés. Je ne fens plus l'aigreur de ma bile premiere; Et laiffe aux froids Rimeurs une libre carriere. Ainfi donc Philofophe à la raison soumis, Mes défauts déformais font mes feuls ennemis. 25 C'est l'erreur que je fuis: c'eft la vertu que j'aime. Je fonge à me connoître, & me cherche en moi-même.

REMARQUE S.

VERS 13. Bientôt s'en va frapper à fon neuvieme luftre.] A la quarante & unieme année. DESPRÉAUX.

Un luftre eft l'efpace de cinq ans: ainfi le huitieme luftre comprend les années qui font depuis trente-cinq jufqu'à quarante. L'Auteur compola cette Epitre à trente-huit ans : il en avoit environ quarante quand il la donna au Public; & par conféquent il approchoit de fon neuvieme luftre; c'eft-à-dire, de fa quarante-unieme année.

VERS 17. Que tout, jufqu'à Pinchéne, &c.] Pinchéne étoit neveu de Voiture. DESP.

Il avoit écrit quelque chofe contre notre Auteur, mais il ne fentit pas la force de ce trait de Satire. II crut au contraire, que M. Despréaux lui demandoit grace, & il en tira vanité. Voyez Lutr. Chant. V. Vers 163. IMIT. Vers 26. Je fonge à me connoître, & me cherche

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