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O que fi cet hyver un rhume falutaire,

Guériffant de tous maux mon avare Beau-pere,
Pouvoit, bien confeffé, l'étendre en un cercueil,
Et remplir fa maifon d'un agréable deüil!

65 Que mon ame, en ce jour de joye & d'opulence,
D'un fuperbe convoi plaindroit peu la dépense!
Difoit le mois paffé, doux, honnête & foumis,
L'héritier affamé de ce riche Commis,
Qui, pour lui préparer cette douce journée,
70 Tourmenta quarante ans fa vie infortunée.
La mort vient de faifir le Vieillard catherreux.
Voilà fon Gendre riche. En eft-il plus heureux?
Teut fier du faux éclat de fa vaine richesse,
Déja nouveau Seigneur il vante fa nobleffe.
75 Quoique fils de Meûnier encor blanc du moulin,'
Il eft prêt à fournir fes titres en vélin.

REMARQUES.

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IMIT. Vers 61. O! que fi cet hyver un rhume falutat. re, &c.] Perfe, Satire II. Vers • \...

O fi

Ebullit patrui præclarum funus ! &, o fi

Sub raftro crepet argenti mihi feria, dextro

Hercule! pupillumve utinam, quem proximus heres
Impello, expungam!

VERS 70. Tourmenta quarante ans fa vie infortunée:]
Le peuple dit: tourmenter sa pauvre vie. Notre Auteur
s'eft efforcé d'annoblir cette Expreffion baffe & triviale,
A-t-il réuffi? DE ST. MARC...

En mille vains projets à toute heure il s'égare. Le voilà fou, fuperbe, impertinent, bizarre, Rêveur, fombre, inquiet, à foi-même ennuyeux. 80 Il vivroit plus content, fi comme fes Ayeux, Dans un habit conforme à fa vraye origine, Sur le mulet encor il chargeoit la farine.

Mais ce difcours n'eft pas pour le peuple ignorant,
Que le faste éblouït d'un bonheur apparent.

85 L'argent, l'argent, dit-on; fans lui tout est stérile.
La vertu fans l'argent n'eft qu'un meuble inutile.
L'argent en honnête homme érige un fcélérat.
L'argent feul au Palais peut faire un Magiftrat.
Qu'importe qu'en tous lieux on me traite d'infame,
90 Dit ce Fourbe fans foi, fans honneur, & fans ame?
Dans mon coffre tout plein de rares qualités,
J'ai cent mille vertus en louïs bien comptés.
Eft-il quelque talent que l'argent ne me donne?
C'eft ainfi qu'en fon cœur ce Financier raisonne.

REMARQUES.

IMIT. Vers 36. La vertu fans argent n'eft qu'un meuble inutile.] HORACE dit, Epttre 1. Livre I. Vers 35.

O Cives, Cives, quærenda pecunia primùm eft;
Virtus poft nummos.

Il dit encore dans la Satire 1. du Livre I. Vers 61.

At bona pars hominum decepta cupidine falfo,
Nil fatis eft, inquit, quia tanti, quantum habeas ‚ fis.

95 Mais pour moi, que l'éclat ne fçauroit décevoir,
Qui mets au rang des biens, l'efprit & le fçavoir,
J'eftime autant Patru, même dans l'indigence,
Qu'un Commis engraiffé des malheurs de la France.
Non que je fois du goût de ce Sage infenfé,
zoo Qui d'un argent commode efclave embarraffé,
Jetta tout dans la Mer, pour crier, Je fuis libre.
De la droite raifon je fens mieux l'équilibre:
Mais je tiens qu'ici-bas, fans faire tant d'apprêts,
La vertu fe contente, & vit à peu de frais.

REMARQUES.

CHANG. Vers 97. J'eftime autant Patru, &c.] Au lieu des deux Vers qui font ici, il y avoit dans les premieres Editions:

Je fçai que dans un ame où manque la Sageffe,

Le bonheur n'eft jamais un fruit de la Richeffe.

Mais après la mort de M. Patru, qui arriva au mois de Janvier 1681. l'Auteur fupprima ces derniers Vers, & mit les deux autres à la place.

Ibid. Feflime autant Patru, &c.] Fameux Avocat, & le meilleur Grammairien de notre fiècle. DESP. Edit. de 1701. & un des bons Grammairiens de notre fiècle. DESP. Edit. pofth. 1713. Voyez Satire 1. Vers 123.

VERS 99. de ce Sage infenfe.] ARISTIPPE fit cette action; & Diogène confeilla à Cratès, Philofophe Cynique, de faire la même chofe. DESP.

IMIT. Ibid.

de ce Sage infenfé, &c.] Horace dit,'

Satire ill. Liv. II. Vers 100.

Gracus Ariftippus, qui servos projicere aurum
In media juffit Libid: quia tardiùs irent
Propter onus segnes.

105 Pourquoi donc s'égarer en des projets fi vagues? Ce que j'avance, ici, croi-moi, cher Guilleragues, Ton Ami dès l'enfance ainfi l'a pratiqué.

Mon Pere foixante ans au travail appliqué,

En mourant me laiffa pour rouler & pour vivre, 110 Un revenu léger, & fon exemple à fuivre.

Mais bientôt amoureux d'un plus noble métier,
Fils, frere, oncle, coufin, beau-frere de Greffier,
Pouvant charger mon bras d'une utile liasse,

REMARQUES.

VERS 108. Mon Pere.] GILLES BOILEAU, Greffier du Confeil de la Grand Chambre également recommandable par fa probité, & par fon expérience dans les affaires. Il mourut en 1657. âgé de 73. ans.

VERS 109. En mourant me laifa, &c.] Environ douze mille écus de Patrimoine, dont notre Auteur mit environ le tiers à fonds perdu fur l'Hôtel-de-Ville de Lyon, qui lui fit une rente de quinze cens livres pendant fa vie. Mais fon bien s'augmenta confidérablement dans la fuite, par des fucceffions, & par des penfions que le Roi lui donna.

VERS 112. frere, oncle, caufin, beau-frere de Greffier.] FRERE de Jerome Boileau fon ainé, qui a poffédé la Charge du Pere. Il mourut au mois de Juillet 1679. ONCLE de M. Dongois, Greffier de l'Audience à la Grand' Chambre, Fils d'une Sœur de l'Auteur. CouSIN du même M. Dongois, qui avoit époufé une coufi. ne-germaine de notre Poëte. BEAU-FRERE de M. Sirmond, qui a eu la même Charge de Greffier du Confeil de la Grand' Chambre.

IMIT. Ibid. Fils, frere, oncle, coufin, beau-frere de Greffier.] Ce Vers eft imité de ce qu'Agrippine dit dans la feconde Scène du fecond Acte du Britannicus de M. RACINE.

Moi, fille, femme, fœur, & mere de vos Mattres.

DE ST. MARC.

J'allai loin du Palais errer fur le Parnaffe.
115 La Famille en pâlit, & vit en frémiffant,
Dans la Poudre du Greffe un Poëte naiffant.
On vit avec horreur une Mufe effrénée
Dormir chez un Greffier la graffe matinée.
Dès-lors à la richeffe il fallut renoncer.
120 Ne pouvant l'acquérir, j'appris à m'en paffer,
Et fur-tout redoutant la baffe fervitude,

La libre vérité fut toute mon étude.

Dans ce métier funefte à qui veut s'enrichir,

Qui l'eût crû, que pour moi le Sort dût fe fléchir? 125 Mais du plus grand des Rois la bonté fans limite, Toujours prête à courir au devant du mérite, Crut voir dans ma franchife un mérite inconnu,' Et d'abord de fes dons enfla mon revenu.

La brigue, ni l'envie à mon bonheur contraires, 130 Ni les cris douloureux de mes vains Adversaires, Ne pûrent dans leur courfe arrêter fes bienfaits. C'en eft trop: mon bonheur a paffé mes fouhaits.

REMARQUES.

VERS 118. la graffe matinée.] Il étoit grand dormeur, particuliérement dans fa jeuneffe. Il fe levoit ordinairement fort tard, & dormoit encore l'après-dînée. VERS 130. Ni les cris douloureux de mes vains Adverfaires.] Le Roi ayant donné une penfion de deux mille livres à l'Auteur, un Seigneur de la Cour, qui n'aimoit pas M. Despréaux, s'avifa de dire, que bientôt le Roi donneroit des penfrons aux voleurs de grand chemin. Le Roi fçut cette réponse, & en fut fort irrité. Celui qui l'avoit faite fut obligé de la défavoüer.

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